Orientation bibliographique: Le rôle des sciences bio-médicales sous le IIIe Reich

Le rôle des sciences bio-médicales

sous le IIIe Reich

Orientation bibliographique

 

 

       « Ils étaient tous médecins ».

                                                          – Un survivant d’Auschwitz [1].

 

 

 

Ière Partie : médecine et psychiatrie

 

 

Science et nazisme : une contradiction dans les termes ?

Comme le note le sociologue des sciences américain Robert Proctor : « Dans la théorie des sciences libérale, on a assumé pendant la majeure partie de ce siècle, que la science était soit intrinsèquement démocratique (c’est-à-dire, dépend et contribue à la formation d’un ordre politique démocratique), soit apolitique et, dans ce dernier cas, que sa politisation entraîne sa destruction. Selon cette vision, la science ne peut se référer qu’à elle-même pour poser ses objectifs et s’orienter. Une science au service « d’intérêts » cesse d’être de la science. Ce modèle sous-entend que la science ne peut s’épanouir dans une société exigeant (…) de la science qu’elle serve des intérêts autres que les siens. Il contient également une double considération politique implicite : la science ne se développe que sur le terreau de la démocratie, et des forces [politiques] hostiles à la démocratie seront hostiles à la science. Une telle vision des choses implique que le destin de la science sous un régime totalitaire sera de disparaître : la possibilité que la science (ou des scientifiques) puissent contribuer à des mouvements fascistes ne peut y trouver place [sinon, ajouterions nous, comme « aberration » ou « perversion », B.M.]. Etant donné cette conception, il n’est pas difficile de comprendre pourquoi les philosophes ont généralement échoué à appréhender la question de la science sous le fascisme : les philosophes ont généralement assumé qu’il ne pouvait pas y avoir eu quoique se soit digne du nom de ‘science‘ sous le nazisme ». Or, poursuit Proctor, non seulement certaines sciences bio-médicales ne dépérirent pas et se développèrent à bonne allure sous le national-socialisme mais les scientifiques de ces disciplines « jouèrent un rôle actif et directeur dans l’initiation, l’administration et l’exécution de chacun des programmes raciaux nazis les plus importants » [2].

 

Le IIIe Reich : une « biocratie » ?

En effet, selon les travaux les plus récents, la loi eugénique de stérilisation, promulguée par les nationaux-socialistes en 1933, fut élaborée par des généticiens, des psychiatres et des médecins hygiénistes avant l’arrivée de Hitler au pouvoir et appliquée par la suite par des tribunaux dominés par des médecins [3]. L’euthanasie fut débattue, sous Weimar, par des médecins-psychiatres et des juristes et appliquée, sous Hitler, par des psychiatres [4]. Selon R. Proctor : « aucun médecin n’a jamais reçu l’ordre de tuer les patients des centres psychiatriques et les enfants handicapés. Il leur en fut donné le pouvoir, et ils remplirent leur tâche sans protester, souvent de leur propre initiative ». Il ne s’agissait pas d’un ordre (Befehl ) mais d’une procuration de pleins pouvoirs (Vollmacht ) [5]. L’euthanasie était intimement mêlée, comme l’ont montré un certain nombre d’historiens de la médecine allemands, à la « médicalisation » de la psychiatrie depuis la fin du XIXe siècle, puis paradoxalement – en apparence seulement – aux vagues de « réformes » qui en découlèrent dans le premier tiers du XXe siècle [6]. Les premières chambres à gaz (à l’oxyde de carbone) installées dans les camps de concentration (« programme 14f13 ») furent instituées par des médecins du « Programme (d’euthanasie) T4 ». Il semblerait que l’administration médicale du Gouvernement Général des territoires occupés de l’Est ait joué un rôle non négligeable dans l’enchaînement de décisions menant à l’Holocauste – la « Solution finale au problème juif en Europe » [7]. Enfin, par décret personnel de Himmler, seuls les médecins furent habilités à gérer l' »écologie » des camps d’extermination, « sélectionnant » dès la sortie des trains les « éléments » destinés à être « éliminés ». Selon le psychiatre américain Lifton : le « programme d’extermination était conduit, du début à la fin, par des médecins » [8].

 

Une grande partie de la communauté bio-médicale allemande, non seulement s’engagea politiquement, cautionna scientifiquement la politique « bio-raciale » du nazisme et se dévoua avec un zèle sans pareil à sa scrupuleuse application, mais bien souvent, comme le souligne R. Proctor, l’inspira, l’initia et l’orienta. Les anthropologues, généticiens, démographes, psychiatres et médecins intervenaient à tous les niveaux de cette gigantesque machine technocratique bio-médicale, contrôlant génétiquement et racialement la vie, la santé et la reproduction de l’ensemble des populations gouvernées par le IIIe Reich. A tel point qu’il est venu à R. Lifton, dans son livre sur Les médecins nazis (Lifton 1986), l’expression de « biocratie » pour désigner cet aspect peu souligné jusqu’ici du IIIe Reich. Comme le fait remarquer R. Proctor, ces sciences, sous le IIIe Reich (anthropologie biologique, génétique humaine, médecine, psychiatrie), non seulement ne dépérirent pas, mais connurent un formidable développement scientifique et institutionnel [9]. Le choc qui sourd de ce constat : les sciences bio-médicales vècurent le plus souvent en véritable symbiose avec le nazisme, l’inspirèrent, le légitimèrent et profitèrent grandement, à de nombreux points de vue, de son avènement.

 

Faut-il réviser l’histoire des sciences et l’histoire du nazisme ?

Pendant 40 ans, l’image la plus courante du nazisme dans l’historiographie contemporaine était celle d’un mouvement fondamentalement irrationnel. Rassemblant, d’un point de vue sociogique, des déclassés sans éducation, il se voyait dépourvu, sur le plan intellectuel, de tout fondement scientifique. Au mieux, on parlait alors de « pseudo-science ». Cette conception n’en rendait que plus paradoxaux, « curieux » et « cognitivement dissonants » [10] les « fourvoiements », soulevés de temps à autre, d´intellectuels et de scientifiques de renommée internationale, voire Prix Nobel. On réglait le problème en décrétant que la science (ou la philosophie) en question n’était point de la science (ou de la philosophie), ou, si l’on tenait à sauvegarder les intellectuels et scientifiques concernés, que ceux-ci n’étaient pas vraiment nazis [11]. Dans les deux cas, la « Science » et la confiance accordée à la science restaient sauves. En outre on conservait la grille bipolaire de légitimation-déligitimation intellectuelle qu’aurait pu indirectement menacer, dans ce contexte « scientiste » [12], une collusion reconnue entre la science et le nazisme. Pour se conforter dans cette vision, on se penchait sur les cas extrêmes, d’une part, des scientifiques et intellectuels émigrés, résistants, ou victimes du nazisme et, d’autre part, des « pseudo-scientifiques fous » du type Dr. Mengele à Auschwitz. On passait plus ou moins sous silence ceux, très nombreux restés en Allemagne, et continuant à pratiquer une science « normale » tout en collaborant avec le régime.

Or cette image, comme le souligne R. Proctor, ne permettait pas d’apprécier : 1) l’extraordinaire audience dont bénéficia le NS chez les universitaires, scientifiques et intellectuels allemands, en particulier dans les milieux universitaires bio-médicaux ; 2) à quel point les nationaux-socialistes purent s’appuyer sur les concepts, les images, les résultats et l’autorité de la science bio-médicale de l’époque ; 3) à quel point l’idéologie national-socialiste pu imprégner et influencer la pratique scientifique et médicale [13].

Lorsque des historiens du nazisme commençèrent à découvrir l’ampleur du ralliement des classes sociales allemandes les plus éduquées dans les années 1980, ils furent abasourdis et ne surent trop comment l’expliquer. Certains renoncèrent à éclaircir ce phénomène de manière historique et déclarèrent que ce phénomène « effrayant » relevait de facteurs psychopathologiques individuels ou collectifs [14]. D’autres historiens firent appel à des causes d’ordre sociologique, économique et politique. Cependant, si des facteurs psychologiques, sociologiques et économiques peuvent éclairer la conversion politique des universitaires, enseignants et professions libérales en général, ils ne suffisent pas à rendre intelligible le ralliement trois fois plus massif – au sein de cette catégorie sociale éduquée – des médecins, psychiatres, généticiens et anthropologues allemands à la politique eugénico-raciale du régime nazi. Si les facteurs « externes » ne peuvent, à eux seuls, rendre compte de ce degré de symbiose entre la communauté bio-médicale et le régime national-socialiste, alors l’origine doit en être cherchée dans l’évolution « interne » de ces disciplines. La deuxième voie, consiste donc à s’interroger sur les conceptions dominantes dans les sciences bio-médicales allemandes de 1900 à 1945. Car cette symbiose n’était pas, ainsi que le note B. Müller-Hill, « uniquement le fruit de l’égarement de quelques individus, mais elle avait pour origine des défaillances de la psychiatrie et de l’anthropologie elles-mêmes » [15]. Comme le fait remarquer B. Laufs, « le fondement potentiel du crime s’inscrivait dans la structure de la science, la participation directe au crime dans la décision des individus » [16]. Il est donc nécessaire de mettre en évidence la structure de la « science normale », au sens kuhnien du terme [17]. Pour ce faire, une nouvelle approche, plus « historiste » [18] et sociologique [19], de l’histoire de la science s’avère indispensable.

 

Plus de deux médecins sur trois étaient nazis

En effet, les médecins furent, si l’on en croit divers historiens, la catégorie socio-professionnelle qui se rallia le plus au nazisme – selon l’historien canadien d’origine allemande Michael Kater : le « groupe professionel le plus fortement nazifié dans l’Allemagne de Hitler » [20]. Auteur par ailleur de la principale analyse sociologique et chronologique des adhésions au NSDAP [21], M. Kater ajoute : les « médecins se ‘nazifièrent‘ plus complètement et plus rapidement que n’importe quelle autre profession et, en tant que nazis, ils firent davantage pour ce régime démoniaque que n’importe quelle autre corporation professionnelle » [22]. Cherchant à calculer en 1979, à partir des fichiers du Berlin Document Center, le ralliement des différents groupes professionnels de l’élite sociale allemande, il avait découvert avec stupeur que 45% des médecins – et 50% des médecins hommes – de la période 1925-1945 étaient inscrits au NSDAP (contre 22% pour les enseignants, dont le rôle, dans la formation de la jeunesse, rendait pourtant souhaitable une adhésion)[23]. L’historien de la médecine allemand G. Lilienthal obtient, d’après ses propres recherches sur des périodes plus réduites, des chiffres légèrement inférieurs mais pas forcément contradictoires : 39% des médecins étaient inscrits au NSDAP en 1938. Par ailleurs, 30 000 médecins sur 60 000 (= 50%) en 1938 et 46 000 sur environ 90 000 (= 51%) en 1942 appartenaient à la Ligue des Médecins Allemands Nationaux-socialistes (NSDÄB) [24]. Dans certaines régions comme la Bavière, près de 80% des médecins entre 31 et 60 ans étaient membres du NSDAP [25]. Les historiens de la médecine est-allemands W. Kaiser et A. Völker atteignent un chiffre supérieur à 80% d’affiliations aux organisations nazies pour les médecins membres de la faculté de médecine (professeurs de médecine, etc.) de l’Université de Halle en Thuringe [26]. M. Kater évalue qu’un médecin homme sur quatre était membre de la SA (26%) (contre 11% – soit un sur neuf – pour les enseignants) et 7,3 % de tous les médecins, membres de la SS (contre 0,4% pour les professeurs du secondaire), soit, proportionnellement, 18 fois plus que ces derniers [27]. Au total 69,2%, soit plus des deux tiers des médecins, selon M. Kater,étaient membres d’au moins une de ces quatre organisations nazies [28]. Par certains aspects, on peut envisager le IIIe Reich comme une « médicocratie » : le règne des médecins (les psychiatres évidemment, mais aussi les anthrologues raciaux et les généticiens humains-eugénistes chargés de la politique eugénico-raciale étant, dans la très grande majorité des cas, docteurs en médecine). Ceux-ci déterminèrent à la fois la « politique de santé » – qui ressemblait fort à un totalitarisme médical (le « devoir d’être en bonne santé ») -, et intervinrent dans tous les rouages de la technocratie médicale qui décida l’élimination des éléments « biologiquement » indésirables pour sauver et améliorer la « Race » ou le « corps du Peuple » (Volkskörper ).

 

 

Historiographie de la médecine sous le Troisième Reich

Cependant, malgré ce rôle prédominant, l’histoire de la médecine et de la psychiatrie sous le nazisme n’a fait l’objet de presqu’aucune étude entre 1945 et 1980 : pour les pays germaniques, anglo-saxons et francophones, une vingtaine de livres en 35 ans (la littérature parue dans les ex-pays de l’Est, à l’exception de la Pologne, ne semble guère plus importante [29]). Depuis 1980, on assiste sur le plan quantitatif, à une explosion éditoriale : environ 130 livres et 90 thèses de doctorat en 13 ans en incluant l’eugénisme et l’anthropologie raciale, soit un rythme d’une parution tous les mois, et une masse colossale d’articles [30]. Nous avons renoncé à recenser ces derniers de manière exhaustive et en proposons une bibliographie limitée, obtenue principalement à partir de la Bibliography of the History of Medicine [31]. Peu de sujets peuvent se vanter d’un tel regain d’intérêt et pourtant l’ampleur du phénomène en RFA (80% des livres) est passée presque inaperçue en France et dans les pays anglo-saxons. On peut donc se poser la question des raisons de ces trois décades et demi de silence puis de ce soudain raz-de-marée. On observe également une modification qualitative du contenu de ces ouvrages. La vingtaine d’ouvrages publiés avant 1980 portent tous, à une exception près, sur les cas « extrêmes » des médecins des camps de concentration et sur l’euthanasie des malades mentaux. Depuis 1980, la place occupée par l’étude de la médecine « normale » devient de plus en plus importante.

 

Signalons cependant, avant de nous pencher sur l’évolution de cette historiographie depuis 1945, les derniers travaux les plus importants tentant d’en faire l’analyse ou scrutant la difficulté de la médecine académique allemande à faire face à son passé :

 

 

  1. Kudlien, 1985, « Einleitung », in F. Kudlien (éd.), 1985, pp. 11-16.

 

M.H. Kater, 1987, « The Burden of the Past : Problems of a modern historiography pf Physicians and Medicine in Nazi Germany », German Studies Review, 10, pp.31-56.

 

  1. Winau, 1988, « Die Vergangenheit bewältigen – kein Schlusswort », Berliner Ärzteblatt, 8, pp.432-434.

 

  1. Mann, 1988, « Medizin im Dritten Reich und das Problem der Vergangenheitsbewältigung », Hessisches Ärzteblatt, 49, 112-120.

 

  1. Siefert, 1988, « Medizingeschichte nach Hadamar und Auschwitz », in H. Schadewaldt & K.H. Leven (éd.), Actes du XXXe Congrès International d’Histoire de la Médecine, Dusseldorf (1986), pp. 792-800.

 

  1. Proctor, 1988, « Wrestling with History », in Proctor 1988a, pp.309-12.

 

  1. Kudlien, 1989, « Medizin im NS. Bilanz und Ausblick », Deutsches Ärzteblatt, 86, 27 avril, pp.766-68 (et in J. Bleker & N. Jachertz (éd.), 1989, pp.148-53).

 

  1. Laufs, 1990, « Vom Umgang der Medizin mit ihrer Geschichte », in G. Hohendorf & A. Magull-Seltenreich (éd.), 1990, pp. 233-253.

 

  1. Jäckel, 1991, « Medizin und Faschismus. Aktuelle Auseinandersetzung in der bundesdeutschen Ärzteschaft », in S. Fahrenbach & A. Thom (éd.), 1991, pp.161-71.

 

  1. Pross, 1991, « Breaking through the postwar coverup of Nazi doctors in Germany », Journal of Medical Ethics, Londres, déc., 17, suppl.: 13-6.

 

Weindling, « Medicine in Nazi Germany and its aftermath », Bulletin of the History of Medicine, 1991 (65): 416-19.

 

  1. Pross, 1992, « Nazi doctors, German Medicine, and Historical Truth », in G.J. Annas & M. A. Grodin (éd.), 1992, pp. 32-52.
  2. Winau (Winau 1988) considère que la discussion sur ce thème s’est déroulée en trois étapes, un débat « éthique » débutant en 1946, se transformant assez rapidement en débat « politique », et s’achevant à un niveau « historiographique ». Nous reprendrons le principe de cette périodisation mais en la faisant commencer en 1945.

 

1 – La « phase éthique » : refoulement et concentration sur les « cas extrêmes » (1945-1968)

Le premier livre publié sur la question fut celui du jeune docent A. Mitscherlich et son assistant Mielke en 1947 [32]. La Commission interrégionale des Chambres des Médecins d’Allemagne de l’Ouest (qui devint Chambre Fédérale des Médecins allemands – BÄK – en 1955) leur avait commandé un rapport sur le procès des médecins à Nuremberg et, selon le témoignage de Mitscherlich, aucun médecin renommé ou professeur de médecine en université n’avait voulu s’en charger. Ce rapport était la condition à la réintégration de l’Allemagne dans l’Association Internationale des Médecins (World Medical Association) qui s’inquiétait du rôle de la médecine allemande sous le nazisme. La première version du rapport (1947), où les deux auteurs montraient, en filigrane de l’analyse des procès, que les crimes en question s’inséraient et n’avaient été rendus possibles que par l’existence d’une structure soutenue par l’ensemble de la corporation, fut unanimement critiquée par les revues médicales allemandes : il s’agissait d’une « pure calomnie » et les auteurs étaient proprement « irresponsables » [33]. Ayant publié des documents démontrant la compromission indirecte de F. Sauerbruch, peut-être le plus réputé des chirurgiens allemands du XXe siècle (inventeur d’un procédé de sur-pression destiné à opérer les poumons, de la fameuse prothèse articulée « main Sauerbruch » et de divers autres procédés chirurgicaux.) et l’un des directeurs du Reichsforschungsrat (Comité de Recherche du Reich) sous le IIIe Reich, et W. Heubner, le directeur de l’Institut pharmacologique de l’Université de Berlin, dans les expérimentations humaines des camps de concentration, Mitscherlich fut attaqué en justice par ces deux autorités qui l’obligèrent à supprimer le passage de son livre [34]. Les 10 000 exemplaires de la version plus étoffée de 1949, envoyés à la dite Chambre pour être distribués aux médecins, disparurent mystérieusement. Aucun compte-rendu n’en fut fait. Le silence organisé autour du rapport accablant fut tel que Mitscherlich affirma que ce fut « comme si le livre n’avait jamais existé » [35]. En se concentrant sur les 350 médecins criminels jugés à Nuremberg, le livre permit en fait à l’Association des Médecins Allemands de se réinsérer dans l’organisation internationale des médecins (WMA) en 1951. Il fallut attendre 1960 et les procès de Francfort contre les psychiatres pour que l’ouvrage soit réédité chez l’éditeur privé Fischer Verlag à 50 000 exemplaires. Dans la nouvelle introduction, Mitscherlich jugeait que sans la « complaisance » et « insensibilité » de la « large couche intermédiaire » des médecins ordinaires, la « coordination entre la planification criminelle et les exécutants criminels n’auraient jamais pu jouer de façon aussi parfaite » [36]. Considéré comme un traître, Mitscherlich fut longtemps ostracisé de la part des facultés de médecine et finit par passer à la psychanalyse [37].

 

En France, F. Bayle, responsable de la Commission scientifique française des Crimes de guerre, reprit également tous les documents réunis par les Américains lors du Procès de Nuremberg contre les médecins allemands, impliqués dans des expériences humaines, dans un monument de 1500 pages, Croix Gammée contre Caducée, paru en1950 [38]. Le livre ne fut jamais traduit en allemand. Bien involontairement et malgré le rejet du rapport de Mitscherlich et Mielke, ces deux livres, comme le remarque Bernd Laufs, renforçaient la bonne conscience des médecins allemands. Sur 90 000 médecins allemands, 350 seulement (0,4%) étaient passés devant le Tribunal de Nuremberg pour leur implication directe dans les crimes médicaux pendant la période nazie. Sur ces 350, 23 seulement furent accusés (0,02%) et 16 condamnés, dont 7 à mort par pendaison [39]. Alors que pour Mitscherlich, les médecins directement impliqués dans les crimes ne constituaient que la « pointe de l’iceberg » d’un phénomène beaucoup plus large, pour la corporation des médecins le faible nombre des condamnés invalidait les accusations de « responsabilité collective ». Les crimes se limitaient aux actions marginales de quelques « psychopathes pervers », fanatiques ou opportunistes, tels qu’on en trouve toujours et dans tous les pays. Dans sa globalité, la médecine allemande n’avait rien à se reprocher [40].

 

Jusqu’en 1980, en dehors des témoignages de médecins juifs sur les camps de concentration, presque aucun livre ne fut publié sur la question en Allemagne [41]. Le seul livre que nous ayons trouvé, publié en RDA, concerne, encore une fois, le cas extrême des médecins SS d’Auschwitz [42]. Les principales histoires de la médecine pour étudiants d’Allemagne de l’Ouest ou de l’Est ne consacraient pas le moindre paragraphe au sujet [43]. Ainsi, dans la version allemande de sa célèbre Kurze Geschichte der Medizin, l’historien de la médecine E. Ackerknecht, émigré en 1933 en France puis, en 1941, aux Etats-Unis et revenu en Suisse allemande en 1957 pour diriger l’Institut d’Histoire de la Médecine de Zurich, ne prononce pas une seule fois le mot « national-socialiste » en plus de 200 pages [44]. A l’étranger, on traite essentiellement des « médecins de la mort » [45]. Dans ce paysage éditorial plutôt vide, les Français furent alors, en matière de livres parmi les plus actifs. Après le livre de Bernadac [46], Y. Ternon et S. Helman, publièrent une trilogie sur la médecine nazie entre 1969 et 1973 qui, pour la première fois et malgré ses défauts historiographiques, allait au-delà des cas extrêmes et « pathologiques » des expérimentations humaines dans les camps de concentration [47].

 

En matière de psychiatrie, la « confrontation au passé » (Vergangenheitsbewältigung ) était à peu près aussi inexistante. La Kurze Geschichte der Psychiatrie, pour les étudiants de cette discipline, pareillement du grand historien de la médecine Ackerknecht, rééditée trois fois entre 1967 et 1985 [48], s’arrête, pour l’histoire de la psychiatrie allemande, au XIXe siècle. La période nazie n’est donc pas traitée. L’omission de ce chapitre gênant explique peut-être en partie, à côté des autres qualités pédagogiques de l’auteur, le succès du manuel auprès des professeurs de psychiatrie allemands, mais reste étonnant de la part d’un médecin qui fut obligé d’émigrer en raison de ses convictions politiques [49]. Jusqu’au début des années 1970, les milieux protestants militants qui résistèrent à l’opération d’euthanasie sous le IIIe Reich sont presque les seuls à s’intéresser au problème (Schlaich 1947 ; Von Hase 1964 ; Schmidt 1965 ; Nowak 1978) :

 

  1. Schlaich, 1947, Lebensunwert ? Kirche und Innere Mission Württembergs im Kampfe gegen die « Vernichtung Lebensunwerten Lebens », Stuttgart, Quell-V. der Evangel. Gesellschaft. Un des très rares livres publié sur la question avant 1960 en Allemagne. Sur le combat des églises contre le programme d’euthanasie. L’auteur, né en 1889 en Palestine et pasteur, dirigeait depuis 1930 une Institution pour retardés mentaux et épileptiques.

 

H.C. von Hase, 1964, Evangelische Dokumente zur Ermordung der « unheilbar Kranken » unter der ns Herrschaft in den Jahren 1939-1945, Stuttgart, éd. par la « Innere Mission und Hilfswerk der Evangelischen Kirche in Deutschland ». Documents et histoire des réactions de l’église protestante face au programme d’euthanasie. Avec en particulier la courageuse lettre ouverte à A. Hitler, d’un pasteur directeur d’une institution psychiatrique, en 1940.

 

  1. Schmidt, 1965, Selektion in der Heilanstalt 1939-1945, Stuttgart, Evangelisches Verlagswerke. Egalement paru dans une maison d’édition religieuse (protestante), avec une préface de K. Jaspers, le livre a été réédité en 1983 en format poche chez Suhrkamp (même titre).

 

  1. Nowak, 1978, ‘Euthanasie’ und Sterilisierung im ‘Dritten Reich’. Die Konfrontation der evangelischen und katholischen Kirche mit dem ‘Gesetz zur Verhütung erbkranken Nachwuchses’ und der ‘Euthanasie’-Aktion, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht (d’abord Th.D. théologie Leipzig, 1971). Traite de la réaction des Eglises face à la loi de stérilisation et au programme d’euthanasie. Encore une fois, on note que le livre a été publié dans le cadre d’un groupe de recherche protestant. Le programme d’euthanasie fut le seul point de la politique du régime qui – avec la manifestation étudiante à Munich en 1943 déclenchée par un discours insultant sur la sexualité des jeunes d’un responsable politique – provoqua des rassemblements publics hostiles devant lesquels Hitler dut temporairement céder, pour reprendre ensuite l’opération de façon plus secrète.

 

A côté de cela, on trouve quelques rares autres ouvrages d’inspiration moins confessionnelle (Poltrot 1947 ; Platten-Hallermund 1948) :

 

  1. Poltrot, 1947, Die Ermordeten waren schuldig ? Amtliche Dokumente der Direction de la Santé publique der französischen Militärregierung, Baden-Baden.

 

  1. Platen-Hallermund, 1948, Die Tötung Geisteskranken in Deutschland, Francfort/M., Verlag der Frankfurter Hefte. Ce livre, bien que non directement confessionnel, est inspiré par une éthique religieuse.

 

dont deux plaidoyers « pro domo » de professeurs de psychiatrie allemands (Ehrhardt 1965 ; Weitbrecht 1968) :

 

  1. Ehrhardt, 1965, Euthanasie und Vernichtung « lebensunwerten » Lebens, Stuttgart. Texte d’un professeur de psychiatrie légale et sociale de l’Université de Marburg. L’auteur conclut à l’innocence de la psychiatrie : « certes quelques psychiatres participèrent à la préparation et à l’application de l’action (euthanasie), mais ‘la psychiatrie allemande‘ ou une majorité des psychiatres allemands n’a jamais accepté, ne serait-ce qu’un simple soutien hypothétique à une ‘destruction limitée par la loi des vies indignes d’être vécues‘ (…). En outre, il faut rappeler le fait que jamais ‘la psychiatrie allemande‘ ne fut informée de quelque façon que ce soit, officiellement ou officieusement, de l’action d’extermination » (p.42). Les actions d’extermination contre les patients des hôpitaux ne furent pas une « affaire de médecins », mais la conséquence d’un « appareil de pouvoir » tourné vers la productivité biologique, économique et militaire.

 

H.J. Weitbrecht, 1968, Psychiatrie in der Zeit des Nationalsozialismus, Bonn, P. Hanstein. Transcription d’un discours tenu par le détenteur de la chaire de psychiatrie de Bonn en 1966. Un des premiers psychiatres, avec Ehrhardt, à affronter le passé de sa discipline, mais dans une perspective également plutôt auto-disculpante. Weitbrecht reconnaît, certes, que la psychiatrie ne fut pas qu’une « victime » de l’idéologie nazie et que des psychiatres « isolés » et « quelques rares » professeurs d’université selon lui « tous décédés aujourd’hui » (ce qui n’était pas le cas en 1968) (p.42) collaborèrent à la politique d’extermination du régime (p.9 & 42). Cependant, l’auto-critique scientifique se limite à ces points. A ses yeux, la psychiatrie fut « détournée » et soumise à une forte « pression » idéologique, mais la « désillusion fut grande » et « seule une fraction insignifiante des psychiatres était prête à se laisser détourner politiquement de cette façon ». Il conclut : « dans son ensemble, la psychiatrie ne doit pas être rendue responsable » des actions de quelques hygiénistes nazis zélés (p.40). Comme Ehrhardt, Weitbrecht s’oppose catégoriquement à l’affirmation selon laquelle « la psychiatrie allemande ou la majorité des psychiatres allemands » auraient acceptées une extermination, même « limitée par la loi, des vies indignes d’être vécues » (p.42) (d’un point de vue strictement juridique et même si les tribunaux pouvaient s’appuyer, dans les cas de procès qui eurent lieu, sur le décret de la chancellerie de Hitler, l’euthanasie était illégale – car secrète – et cela posait problème à un certain nombre de psychiatres soucieux de disposer d’un rempart juridique. Une loi destinée à légaliser et fournir un cadre juridique à l’euthanasie médicale fut préparée mais non promulguée en 1940). Il note cependant que « dans la grande majorité des cas, la psychiatrie clinique ne fut pas enseignée (sous le nazisme) autrement qu’auparavant, dans les universités » (p.40). Ce seul point de la continuité entre la psychiatrie de la période weimarienne et de celle de la période nazie aurait pourtant mérité de soulever de nouvelles questions. Si l’enseignement de la psychiatrie n’avait guère besoin de se « mettre au pas » après 1933, on peut émettre l’hypothèse qu’il s’accordait déjà en grande partie avec les conceptions des psychiatres nationaux-socialistes responsables de l’euthanasie et de la politique eugéniste.

 

 

Tous ces livres restent essentiellement factuels, lorsque les faits relatés sont suffisants et exacts. Ils se bornent à attribuer au seul régime nazi le programme d’euthanasie et s’interrogent assez peu, sinon de façon théologique pour les ouvrages d’inspiration religieuse, sur la connivence de très larges segments des milieux psychiatriques dans son application.

 

2- La 1ère phase « politique » : dialogue sans partenaire (1968-1979)

La « révolution » étudiante de 1968 déclencha pour la première fois une réflexion sur ces questions dans les facultés de médecine. Erigeant des contre-« Universités critiques » (Kritische Universität ) face aux universités établies, ils abordèrent, dans le cadre de « cercles de travail » (Arbeitskreise ), les thèmes, « négligés ou même dissimulés au sein de l’Université » [50]. Dans leur lutte politique contre les institutions académiques et les professeurs, des collectifs étudiants mirent au jour des textes scientifiques publiés quelques décades plus tôt et démontrant l’appui de certains de leurs professeurs à la législation « eugénico-raciale » du IIIe Reich. Les professeurs visés réagirent dans l’ensemble en criant à la « manipulation politique » et cherchèrent plutôt à se disculper qu’à intégrer certaines de ces critique ou formuler le moindre regret à l’égard des victimes. Selon Bernd Laufs, dans son article sur les « Rapports de la médecine à son histoire », les rares professeurs qui participèrent aux « cercles de travail » sur ces questions à l’Université d’Heidelberg furent forcés de quitter la Faculté de médecine, tandis que les autres qui avaient percé ou soutenu la législation eugénico-raciale nazie, tel le recteur d’université et professeur de chirurgie K.H. Bauer, continuèrent de « cumuler les honneurs » [51]. Le mouvement avait été préparé, dès le milieu des années 1960, par des cycles de conférences organisées par certaines universités sur le rôle des universitaires pendant la période nazie. L’Université de Tübingen fut la première en 1964-1965, suivie par des étudiants de l’Université Libre de Berlin et de l’Université de Munich [52]. Toutefois, certains critiquèrent cet « antifascisme impotent » et « auto-disculpant » qui donnait l’impression que seule une fraction minime du corps professoral avait collaboré avec le nazisme et que les autres, impuissants, n’avaient fait que subir une terreur venant de l’extérieur [53]. Dans le sillage de cette révolte étudiante, dont certains parrains intellectuels, comme Illich, s’étaient attaqués à la médecine et à la psychiatrie « terroriste » [54], furent publiés deux ouvrages d’inspiration marxiste, l’un plutôt dans la ligne de l’Ecole de Francfort, l’autre dans celle du communisme de RDA, sur le rôle de la psychiatrie dans le programme d’euthanasie (Güse & Schmacke 1976 ; Kaul 1979) :

 

H.G. Güse & N. Schmacke, 1976, Psychiatrie zwischen bürgerlicher Revolution und Faschismus, Kronberg, Athenäum (2 vol.). L’avant-propos d’Erich Wulff (de l’“école psychiatrique de Heidelberg“, proche du DKP (Parti Communiste Allemand), auteur de « Psychiatrie und Klassengesellschaft » en 1972, et militant contre la guerre au Vietnam) signale que l’ouvrage s’inscrit dans la ligne historiographique du « matérialisme dialectique » : il constitue, « pour la 1ère fois dans l’historiographie psychiatrique de la RFA, un essai sur le cheminement de la psychiatrie depuis la Révolution bourgeoise au fascisme et, au-delà, jusqu’à la présente restauration post-fasciste … ». La 3e partie du 2e vol. se consacre à « Psychiatrie et fascisme » et va chercher les racines dans la période wilhelmienne. Les idées « réactionnaires » des psychiatres sont essentiellement interprétées en fonction de leur appartenance aux classes moyennes.

 

F.K. Kaul, 1979 (2e éd.), Die Psychiatrie im Strudel der « Euthanasie ». Ein Bericht über die erste industriemässig durchgeführte Mordaktion des Naziregime, Francfort/M, Europäische V.-anstalt (1ère éd. : Nazimordaktion T4. Ein Bericht, Berlin-Est, 1973). L’auteur, un juriste de RDA, membre du SED (le PC d’Allemagne de l’Est), fut un défenseur des parties civiles au procès de Nuremberg contre les médecins. Il démontre que l’opération d’euthanasie, le premier massacre « industriel » du IIIe Reich n’a été rendu possible que grâce au consentement tacite d’une partie importante de la population (qu’il a tendance à réduire à la seule « classe bourgeoise ») et à la participation active des milieux médicaux. Selon une enquête menée en 1920, 73 % des parents d’enfants handicapés se déclaraient prêts à accepter l’euthanasie contre seulement 4% s’y opposant catégoriquement (cit. in Proctor 1988a, p. 194). Malheureusement cette étude de 1920 ne signale pas l’appartenance socio-professionnelles des parents. Dans la mesure où l’on peut considérer comme représentatif un échantillon aussi petit (162 foyers), il semblerait donc que le camp des partisans de l’euthanasie débordait très largement la seule « classe bourgeoise » (qui ne formait pas, en 1920, 73% de la population). Il n’est pas invraisemblable de penser que le facteur prédéterminant dans l’origine du refus catégorique de la petite minorité de 4% relevait davantage de convictions religieuses (ou philosophiques) que de l’appartenance à une classe sociale particulière.

 

Ces ouvrages polémiques et où tous les évènements sont interprétés à la lumière de la théorie marxiste de la lutte des classes, ne pouvaient guère être reçus au-delà des cercles politiques auxquels ils s’adressaient, en particulier chez les médecins académiques et l’organisation fédérale des médecins qui étaient, sur le plan politique, majoritairement conservateurs ou libéraux. En outre, par leur rejet général de la médecine et de la psychiatrie, intrinsèquement « autoritaires » (pour la ligne gauchiste occidentale) ou « bourgeoise » (pour la ligne communiste), ils avaient tendance à réduire la singularité du phénomène nazi. A leurs yeux, le nazisme bénéficiait au moins du mérite de la clarté. Les tendances « terroristes » ou « oppressives bourgeoises » de la médecine et de la psychiatrie s’y exprimaient sans fard, mais elles ne se distinguaient pas fondamentalement de l’autoritarisme des périodes antérieures ou postérieures – de « présente restauration post-fasciste ». Toutefois, malgré leur côté parfois outrancier ou leur « monocausalisme » extrême [55], ces analyses permirent de dépasser le cadre des simples « cas pathologiques » du type Dr. Mengele. Elles contribuèrent, avec d’autres courants, à la soudaine irruption de révisions critiques de l’histoire de la médecine et de la psychiatrie qui eut lieu à partir de 1980 et qui n’a fait que s’amplifier depuis.

 

3 – 2e phase politique : la confrontation (1980-1985)

En effet, l’historiographie de la « médecine sous le national-socialisme » possède un lien certain avec les débats immédiatement politiques, et même très politiques, de l’Allemagne de l’Ouest contemporaine. Malgré les risques encourus par l’historien à se lancer dans l’analyse de débats aussi brûlants et actuels, il nous semble malheureusement difficile dans une « histoire de la façon dont s’écrit l’histoire » d’ignorer l’existence de tels liens [56]. Comme le note le Dr. Michael Hubenstorf qui dirige un séminaire sur l’historiographie de la médecine sous le national-socialisme à l’Institut d’Histoire de la Médecine de l’Université Libre de Berlin (FU Berlin) [57], la plupart des auteurs allemands d’ouvrages ou d’articles sur le sujet de 1968 à 1987, en dehors des historiens de la médecine professionnels, sont politiquement engagés à « gauche » (DKP, SPD, organisations pacifistes, écologistes-Grünen, « alternatives », anti-nucléaires et d’extrême-gauche, etc.) : Aly, Schultz, Mausbach, Thomann, Haug, Hohendorf, Jäckel, Jakobi, Chroust, Hamann, Labisch, Tennstedt, Leibfried, Wuttke-Groneberg, Dörner, Wulff, Güse, Schmacke, T. Bastian, etc. Nombre de ces livres, jusqu’en 1988, furent publiés dans des maisons d’édition politiquement ancrées à gauche ou à l’extrême-gauche (Konkret, Rotbuch-Verlag, Mabuse, etc.). Chez les premiers historiens de la médecine académiques à avoir défriché le domaine dans les années 1970-1980, le spectre des motivations est plus vaste. Au convictions politiques dans quelques cas isolés (essentiellement à Berlin FU), s’ajoutent parfois des motifs personnels et familiaux [58], mais surtout l’intérêt de spécialistes pour un chapitre difficilement contournable de l’histoire de la médecine allemande au XXe siècle.

 

A l’inverse, la Chambre Fédérale des Médecins Allemands, depuis 1945, incline davantage vers la « droite », libérale ou conservatrice, par conviction politique ou défense des intérêts d’une profession libérale se sentant menacée par une politique socialiste ou communiste [59]. Une partie non négligeable des 69% des 90 000 médecins allemands officiellement ralliés au nazisme entre 1933 et 1945 s’est reconvertie politiquement après 1945 au sein des nouveaux partis de droite CDU, CSU (le CDU de Bavière) et FDP, et occupe parfois des postes dirigeants dans les chambres régionales et la Chambre fédérale, comme en témoignent les exemples suivants [60].

De 1974 à 1984, le secrétaire général de la Chambre Fédérale de Médecins, le Prof. Volrad Deneke, également secrétaire général du FDP, était un ancien membre du NSDAP [61]. De 1975 à 1983, la Chambre de Berlin-Ouest fut présidée par le Prof. Dr. Wilhelm Heim, un ancien membre du NSDAP et Standartenführer des SA, actifs dans l’exclusion des médecins juifs de l’Urbankrankenhaus de Berlin en 1933 [62].

Le Prof. Walter Kreienberg, président de la Chambre des Médecins de Rhénanie-Palatinat de 1957 à 1987, obtint son doctorat de médecine en 1937 en produisant une thèse sur la loi eugénique de stérilisation dont il faisait l’apologie (« une victoire morale pour l’Allemagne »). Déjà membre du NSKK (Troupes motorisées NS) et de la Ligue des Médecins Nationaux-Socialistes (NSDÄB), il s’engagea la même année au NSDAP. Bénéficiant d’une telle assise politique, il obtint son habilitation à l’université très politisée de Breslau en 1942 et un poste de privat-docent en 1943. Il fut l’un des 18 universitaires de ce que certains appellent la « Breslau-Connection » (avec les raciologues E. von Eickstedt, W. Klenke et I. Schwidetzky) à obtenir un poste de Prof. extraordinaire à la nouvelle Université de Mayence (zone militaire française) en 1948. Spécialiste en physiologie et médecine interne, il travailla sous le IIIe Reich pour l’armée de l’air sur la résistance humaine aux hautes altitudes. Il reçu en 1971 la Croix du Mérite Fédéral et, en 1984, la plus haute citation de cet ordre. En 1987, l’ordre des médecins allemands le récompensa de la médaille Paracelse pour son « attitude de médecin exemplaire » [63]. Pourtant, il est difficilement imaginable de penser qu’il ne fut pas informé des expériences de dépressurisation menées à Dachau.

Le Prof. Paul Eckel, vice-président puis président de la Chambre des médecins de Basse-Saxe de 1958 à sa mort en 1971, après avoir été un des membres directeurs du Hartmannbund, vice-président de la Chambre Fédérale des Médecins (BÄK) de 1959 à 1971 et président de la World Medical Association en 1959, dirigea à partir de 1937 comme « Hauptreferent » le Service de Santé de la Reichsjugendführung (Jeunesses Hitlériennes et autres organisations nazies de la jeunesse). En 1933, il dirigea, en tant que président de l’“Association des médecins employés du Reich“ la mise au pas de cette organisation sous l’égide du « Corps des Employés Nationaux-socialistes » (plus tard intégré au DAF) [64]. Il fut lui aussi récompensé de la Croix du Mérite Fédéral en 1965.

L’actuel président de la Chambre Bavaroise des médecins (depuis 1955) et de l’Association des Caisses Médicales de Bavière, le Dr. H.J. Sewering, professeur honoraire à la TU de Munich, s’était inscrit dans la SS dès 1933, sept ans avant de devenir docteur en médecine. Il présida la Chambre Fédérale des Médecins allemands de 1973 à 1978, jusqu’à ce qu’il fut démis de ses fonctions par ses collègues lorsque le Spiegel révéla, documents à l’appui, qu’il avait été personnellement impliqué dans le programme d’euthanasie en 1943 [65]. Il enseigne depuis 1968 le droit médical du travail à l’Université, a été récompensé de la Grande Médaille du Mérite Fédéral, et siège, comme membre du CSU, au sénat de Bavière [66]. Elu en 1992, pour l’exercice 1993-1994, président de la World Medical Association, dont il est membre du comité directeur depuis 1966, il vient d’en démissioner avant même d’en avoir pris les fonctions – en janvier 1993 – à la suite d’une campagne de presse internationale dans le New York Times, le Washington Post, le Spiegel, le Journal du Médecin, etc., organisée par le Congrès Juif International, l’American Medical Association et diverses autres associations.

La première réaction de la Chambre Fédérale des Médecins allemands, dans la revue officielle de l’ordre Deutsches Ärzteblatt, fut de défendre le Prof. Sewering, « cible d’une campagne de diffamation » (titre de l’article). Les deux arguments principaux « parlant en sa faveur », utilisés pour sa défense : l’église catholique de Bavière le soutient (le centre psychiatrique pour lequel il signa en 1943 un « transfert » vers le centre d’euthanasie de Eglfing-Harr était dirigé par une congrégation de soeurs catholique) et l’obtention en 1986 de la Croix du Mérite Fédéral avec étoile et ruban, « la plus haute récompense que puisse obtenir un citoyen de RFA ». L’article conclut – en 1993 – « pour la Chambre Fédérale des Médecins allemands, la simple répétition d’anciennes accusations jamais démontrées ne suffisent pas à prendre ses distances par rapport au Prof. Sewering » [67].

Son prédécesseur au poste de président de la Chambre Fédérale des Médecins allemand de 1959 à 1973, le Prof. Dr. Ernst Fromm, médecin-chef du département de bactériologie et sérologie de l’Hôpital d’Hambourg-Harburg, président de la Chambre des Médecins de Hambourg en 1958, trésorier de la World Medical Association en 1956 et président de la même organisation en 1972, avait adhéré dès 1933 à la SA navale, puis en 1934 à la SS. Il reçut une citation de la Croix Rouge en 1967 [68]. Il ne dut quitter son poste de président de la Chambre Fédérale en 1973 qu’à cause d’un scandale immobilier.

Cela signifie que, de 1959 à 1978, pendant 20 ans, la Chambre Fédérale des médecins allemands fut successivement présidée par deux anciens médecins SS, démocratiquement élus par leurs pairs. En ce qui concerne les 13 chambres régionales, au moins cinq (Hambourg, Berlin, Bavière, Basse-Saxe, Rhénanie-Palatinat) ont été dirigées, des années 1950 aux années 1980, par des médecins anciens militants nazis [69]. Cela sans parler des nombreux médecins impliqués dans les stérilisations, l’euthanasie et les expérimentations humaines des camps de concentration qui retrouvèrent des postes de professeurs d’université ou directeurs de centres hospitaliers après 1945 [70]. Sans être forcément aussi directement compromis et par conséquent soucieux d’éviter de trop parler du passé, les responsables des administrations médicales régionales ou fédérale et l’élite médicale académique pouvaient faire preuve d’une volonté d’“amnésie“ délibérée et active. D’après une enquête de 1946, 70% des médecins fonctionnaires travaillant après la guerre dans les administrations médicales de Rhénanie du Nord étaient d’anciens membres du NSDAP ou d’organisations affiliées [71].

Par conséquent, selon l’historien canadien M. Kater, les « mandarins de l’establishment médical d’Allemagne de l’Ouest ne toléraient aucune histoire de leur profession sous la période nazie, excepté lorsqu’elles étaient anecdotiques ou faisaient l’apologie du corps médical, et cherchaient activement à supprimer toute analyse critique ». Cette volonté d’amnésie prenait la forme de « tactiques littéraires de suppression, manipulation et déformation des faits » [72]. Lorsque l’actualité obligeait à aborder le sujet, la presse médicale officielle accordait parfois davantage sa sympathie aux médecins allemands accusés qu’à leurs victimes.

Par exemple, en 1954, deux professeurs de médecine allemands, le Dr. Eugen Hagen (médecin commandant de la Luftwaffe) et le Dr. Otto Bickenbach de l’Université de Strasbourg, tous deux membres du NSDAP et de quelques autres organisations NS, furent rejugés par un tribunal militaire français à Lyon pour avoir mené des expérimentations humaines sur des détenus du camp de Struthof (Alsace). Le futur secrétaire général de la Chambre Fédérale, V. Deneke, relata le procès dans un article des Ärztliche Mitteilungen (revue qui reprendra en 1964 le nom de Deutsches Ärzteblatt de la période 1933-1945) intitulé « Des scientifiques allemands devant le tribunal militaire de Lyon » [73]. Il y présentait le jugement du tribunal comme biaisé, largement influencé par les manifestations hostiles d’un « groupe d’anciens déportés qui apparurent avec force démonstrations dans leur tenues rayées de prisoniers » et par la couverture du procès – « emplie de ressentiment » et de « revanchisme inexaucé » – de la presse française : « il est de notoriété publique que l’agence de presse française AFP est dirigée et occupée par des hommes de la Résistance ». Le président du tribunal, restant ferme face à ce qui est brossé au lecteur comme une hystérie revancharde de la part de la population française, se voit du coup aimablement introduit comme un homme juste aux « traits presque prussiens ». Les malheureux scientifiques allemands accusés trouvent la force d’accepter leur « destin » grâce à la force de leur « très grande foi chrétienne ». Nulle part l’article ne signale si les deux médecins appartenaient ou non à la SS. Le lecteur y comprenait à demi-mot, au détour d’une phrase, que Bickenbach avait pour « plus haut supérieur militaire » le Reichsführer SS Heinrich Himmler et pour « supérieur direct » le médecin personnel de Hitler et corresponsable du programme d’euthanasie Karl Brandt. Les expériences, ordonnées par Himmler et dirigées par le fameux Prof. Dr. Hirt (le fameux professeur d’anatomie de l’université de Strasbourg et Sturmbannführer SS travaillant avec l’organisation de rechercheAhnenerbe de la SS), servaient à vérifier l’efficacité de l’urotropin contre les effets meurtriers du gaz de combat phosgène. Selon V. Deneke, quatre des 20 détenus non imunisés avaient péri dans l’expérience [74]. Le Prof. Haagen, de son côté, « un virologue de réputation internationale » [75], avait voulu tester un vaccin contre le typhus en injectant le bacille à 80 prisonniers dont 40 non immunisés. Certains tombèrent gravement malades mais, toujours selon Deneke, aucun ne décéda [76]. Pour l’ancien membre du Parti nazi Deneke, la science, avec la condamnation des deux médecins à 20 ans de travaux forcés, s’était vue infliger deux « nouvelles victimes en sus des victimes des expérimentations sur le phosgène ». Il concluait que le drame de l’affaire était qu’un tel procès risquait de décourager les jeunes chercheurs mais que « Haagen et Bickenbach n’avaient pas besoin d’avoir honte de la condamnation ». Visiblement le destin des deux scientifiques allemands, qu’il ne cesse d’innocenter tout au long de l’article, lui semblait bien plus dramatique que celui des « cobayes humains » du Struthof.

 

Ce désir de rayer le passé ou de se décharger de toute responsabilité pouvait parfois aller jusqu’à la destruction d’archives. M. Kater relate qu’il découvrit dans les années 1970 les archives de l’Association des Caisses médicales d’Allemagne concernant les médecins juifs dépossédés de leur droit d’exercer après 1933. Il eut l’opportune précaution de photocopier une bonne partie des documents et de les transférer au Canada. Quelques années plus tard, lorsque d’autres chercheurs s’enquirent de ces archives, elles avaient disparues. Après des demandes répétées, M. Kater obtint finalement en 1986 la réponse de l’Association Fédérale des Caisses médicales, sise à Cologne, lui signalant que « malheureusement » les dossiers avaient été « détruits » [77].

 

Dans ce contexte d’amnésie collective et active, le retournement de tendance, selon Christian Pross, peut être daté. Il remonte au « Congrès de la Santé » (Gesundheitstag ) alternatif-écologique de Berlin-Ouest en 1980. Face à l’assemblée annuelle du Congrès des Médecins Allemands officiel, se tenant la même semaine dans la même ville et présidé par l’ancien Standartenführer SA et Dr. Heim, les organisateurs du Congrès de la Santé décidèrent de lancer un « contre-congrès » intitulé « La médecine sous le national-socialisme. Passé refoulé – tradition sans rupture ? » [78]. Ils invitèrent des médecins juifs de l’“Association des Médecins Socialistes » émigrés après 1933 à intervenir. Deux historiens de la médecine professionels se joignirent également à l’opération (le Prof. G. Baader de la FU Berlin et le Prof. F. Kudlien de Kiel). Le colloque traita de différents aspects du problème et provoqua une vive réaction de la part de la Chambre Fédérale [79]. Les questions qui y furent soulevées stimulèrent de nouvelles recherches et de nouvelles actions. En dehors de multiples travaux publiés dans les années suivantes et recensés dans la présente bibliographie, diverses manifestations destinées à sensibiliser le public apparurent dans son sillage. Walter Wuttke-Groneberg et ses associés créèrent une exposition itinérante dans toute l’Allemagne sur la médecine, la psychiatrie et le national-socialisme, qui attira 50 000 visiteurs la première année. Pour coordonner et financer cette recherche d’historiens de la médecine politiquement engagés mais souvent « amateurs » (au sens où ils n’étaient pas membre d’instituts d’histoire de la médecine ou historiens de la médecine professionels) et qui avaient parfois le plus grand mal à s’imposer dans la communauté médicale académique, un groupe dirigé par Karl Heinz Roth et Götz Aly fonda à Hambourg une « Association de Recherche sur la Politique de Santé et la Politique Sociale national-socialiste ». Un industriel local apporta un puissant soutien financier qui fut encore renforcé par les aides plus ponctuelles de la fondation non universitaire « Institut de Recherches sociologiques » de Hambourg [80].

 

L’impact du flot de publications se répandant à partir de 1980, le renouvellement des générations, la nouvelle sensibilité, ainsi que les 50e anniversaires de la prise de pouvoir par Hitler en 1983 et de la défaite militaire en 1985 – anniversaires initiant une floraison d’enquêtes historiques dans les médias pour répondre à la curiosité du public – obligèrent la Chambre Fédérale des Médecins Allemands à se pencher à nouveau sur le passé de la médecine allemande. En 1983, le journal officiel de la Chambre, Deutsche Ärzteblatt , consacra une série de quatre articles aux « nouveaux maîtres qui surgirent en une nuit » de janvier 1933 [81]. Bien que fournissant des éléments intéressants et parfois inédits, la « mise au pas » de la corporation médicale y était présentée par N. Jachertz comme imposée d’en haut à une profession plutôt réticente, ce qui ne tenait guère compte du rôle actif joué par un nombre important de médecins et d’organisations médicales. Il reprenait la thèse habituelle d’une médecine « apolitique » et victime du nazisme, ce qui négligeait quelque peu le fait que la « mise au pas » du corps médical et l’exclusion des 12 500 médecins juifs se firent en général sans difficultés et sans que les autorités aient besoin de beaucoup intervenir [82]. La collaboration des instances professionelles médicales avec le régime était plus ou moins excusée par l’auteur du fait qu’une résistance n’aurait servi à rien [83]. En 1985, un autre article publié à l’occasion du 50e anniversaire de la défaite allemande du 8 mai 1945, faisait l’éloge de la « majorité des médecins » ayant fait preuve d’“humanité“ sous le IIIe Reich et réduisait encore une fois la responsabilité de la médecine allemande aux « environ 350 médecins criminels ». Il fallait en déduire que les 89 650 autres (= 99,6%) étaient innocents. Il n’y était pas question de la responsabilité de la médecine vis-à-vis des 300 à 400 000 stérilisés et castrés obligatoires et des 100 à 200 000 victimes de l’euthanasie, opérations où bien plus de 350 médecins étaient impliqués. Si l’auteur de l’article rappelait les sacrifices de médecins allemands héroïques secourant au mépris de leur vie les soldats blessés à Stalingrad et les populations civiles bombardées, il n’avait pas un mot pour honorer la mémoire des plus de 10 000 médecins juifs exclus de la profession, persécutés, obligés d’émigrer ou déportés et morts en camps de concentration [84]. Au sujet des « 350 médecins criminels », il n’était pas non plus fait allusion au fait que la plupart des médecins allemands engagés dans la recherche à un certain niveau entre 1939 et 1945 étaient au courant, sinon des circonstances exactes où tout cela se déroulait, du moins des conséquences médicales, pour les « patients », des « expérimentations humaines » menées par certains de leurs collègues dans les camps de concentration. D’après les résultats fournis, par les auteurs de ces recherches, auprès des organismes de crédits, dans des congrès scientifiques ou des revues médicales, tout médecin scientifiquement informé pouvait en déduire la forte mortalité qu’avait dû subir l’“échantillon“. Or, comme le souligne l’historien de la médecine de l’Université de Mayence G. Lilienthal, aucun responsable de l’orientation des crédits de recherche (le Reichsforschungsrat de la DFG, les services de recherche de la Luftwaffe, les firmes pharmaceutiques, etc.) ou partipant à ces assemblées scientifiques ne protesta contre ce type d’“expériences“ [85]. Ces deux lignes historiographiques – celle de la responsabilité et celle de l’innocence – auraient pu poursuivre leur chemin, côte à côte, sans se rencontrer pendant un certain nombre d’années, si l’écho rencontrée par l’une d’elle à l’étranger n’avait obligé la Chambre des médecins de RFA à réagir. La maladresse de la réaction entraîna tout le reste.

 

4 – La déflagration : le conflit Hanauske-Abel / Vilmar 1986-87

Celui qui mit le feu aux poudres fut un pédiatre allemand exerçant alors à la Harvard Medical School, aux Etats-Unis. En 1986, ce jeune médecin et militant pacifiste nommé Hartmut Hanauske-Abel fit une allocution très remarquée – « De l’Holocauste nazi à l’Holocauste nucléaire – une leçon à tirer ? » (en anglais) devant 4000 médecins venus de 59 pays au 6e Congrès mondial des « Médecins contre la Guerre Nucléaire » (IPPNW) réuni à Cologne. L’auditoire, touché par la fin assez dramatique de son intervention, se leva tout entier pour l’aplaudir. Un des co-éditeurs de la revue médicale anglaise d’audience internationale Lancet lui demanda la permission de publier son article. Hanauske-Abel soulignait l’importante implication de la médecine allemande dans la politique nazie et le refus de la profession depuis 1945 de se confronter au passé. Il concluait à la responsabilité des médecins allemands qui avaient permis par leur passivité l’acheminement vers la « Solution Finale ». Il citait les résistants munichois du mouvement de la « Rose Blanche » exécutés en 1943 pour avoir écrit que tous ceux qui ne faisaient rien pour arrêter les crimes étaient « coupables, coupables, coupables ». L’étudiant en médecine Hans Scholl, condamné à mort avec sa soeur pour avoir distribué les tracts, jugeait dans une de ses dernières lettres : « ne pas résister signifie : participer ». Hanauske-Abel y voyait là une analogie avec l’actuelle passivité de la profession médicale face au danger d’une guerre nucléaire qui risquait de détruire en quelques minutes des dizaines ou centaines de millions de vies humaines [86].

Aucune revue médicale allemande ne prit la peine de publier l’article en allemand. Par contre, étant donné l’audience de Lancet et l’impact de l’article à l’étranger, Hanauske-Abel perdit son poste à Mayence [87] et le président de la Chambre Fédérale des Médecins allemands, le Dr. Vilmar, lui répondit neuf mois plus tard par un « interview » – visiblement très préparé – dans la revue officielle de la profession Deutsches Ärzteblatt . Le Dr. Vilmar s’y opposait à la quasi-totalité des réflexions de Hanauske-Abel et présentait ce dernier, dans ce journal reçu automatiquement par tout médecin allemand et diffusé à 197 000 exemplaires, comme un ignorant en histoire et un irresponsable en matière médicale, cherchant à « discréditer les médecins de la République Fédérale allemande hors de nos frontières ». Le Dr. Vilmar y affirmait que le nombre de médecins impliqués dans les crimes était très faible (« au plus 400 » sur 90 000), contestait le chiffre de 45% de médecins membres du NSDAP, considérait que l’efficacité d’une résistance était une « fiction certes noble mais non réalisable », s’appuyait sur le livre de Ternon et Helman pour juger que le « gros » des médecins allemands n’avaient pas participé à l’exclusion de leurs collègues juifs de la profession, et que les auteurs du programme médical raciste n’étaient « pas des médecins mais des eugénistes » [88]. Par conséquent, il ne fallait pas « diffamer collectivement » les médecins allemands. Enfin, contrairement à ce qu’avançait Hanauske-Abel, la médecine allemande s’était, selon lui, « depuis longtemps, très longtemps » et, volontairement, confrontée à « ce problème », comme en témoignait à ses yeux l’existence du livre de Mitscherlich et Mielke commandé et financé par la Chambre des Médecins allemands et la pile de livres allemands sur le sujet photographiés en couverture du journal [89].

L’article du Dr. Hanauske-Abel et la réplique du Dr. Vilmar provoquèrent une vive discussion au 90e Congrès de la Chambre Fédérale des Médecins en 1987 et un abondant courier des lecteurs dans la revue de l’ordre. Au Congrès, les délégués de la « Liste des femmes-médecins et médecins démocrates » (organisation jugée plutôt à gauche du SPD) critiquèrent la version historique du Dr. Vilmar. Celui-ci, de son côté, maintenait sa version [90]. Après des échanges peu amènes, il fut voté que le directoire devait s’atteler à « poursuivre la discussion et le travail sur le thème ‘médecine et national-socialisme‘ sous une forme appropriée » [91]. Or, trois mois plus tard, le journal de la Chambre Deutsches Ärzteblatt , envoyé à l’ensemble de la profession médicale allemande, qui avait diffusé une calomnie redoutable sur le Dr. Hanauske-Abel (« diverses falsifications de sa part sont suffisament connues »), décida, sur un dernier mot du Dr. Vilmar condamnant Hanauske-Abel, que la discussion était terminée [92].

 

5- Quand les historiens de la médecine s’en mêlent …

Cependant, le débat était loin d’être clos et les médecins militants politiques et partisans de la « mémoire » trouvèrent le soutien aussi oportun qu’efficace d’un groupe d’historiens de la médecine professionels. Le nombre d’inexactitude contenues dans l’interview du Dr. Vilmar provoqua une réponse collective de la part de 16 historiens de la médecine de différentes universités. Mme la Prof. J. Bleker et le Dr. H.-P. Schmiedebach, soutenus par le Prof. G. Baader, le Dr. M. Hubensdorf et le Prof. R. Winau de l’Institut d’Histoire de la Médecine de Berlin, Mme la Dr. S. Sander et le Prof. H. Schott de Bonn, le Prof. E. Seidler de Fribourg, le Prof. F. Kudlien de Kiel, le Dr. G. Lilienthal et le Prof. G. Mann de Mayence, le Prof. W. Eckart de Hannovre, le Dr. P. Kröner, le Prof. K. Sadegh-Zadeh et le Prof. R. Toellner de Münster, et le Prof. W.F. Kümmel de Stuttgart publièrent un texte où ils s’inquiétaient du bien-fondé de la plupart des assertions du Dr. Vilmar. Ayant envoyé l’article à la Deutsches Ärzteblatt, il leur fut répondu par N. Jachertz que la discussion était close : « Mit einem Schlusswort … ist nun einmal Schluss. » Malgré leur insistance, la rédaction ne céda pas. Les historiens de la médecine se tournèrent finalement vers l’hebdomadaire Die Zeit , l’équivalent en audience du Monde en Allemagne, qui publia leur article en même temps que la traduction allemande de celui du Dr. Hanauske-Abel.

Sous le titre « Faire face à la vérité », les seize historiens de la médecine s’attachèrent à redresser, de manière très pondérée et à la lumière des « recherches les plus récentes », un certain nombre de « malentendus ». A leurs yeux, l’interview indiquait justement de « façon regretable, à quel point la ‘confrontation au passé‘ avait été peu abordée et à quelle tâche difficile la Chambre Fédérale devait encore se mesurer sur cette question, même si la fin du ‘IIIe Reich‘ remontait maintenant à plus de 40 ans. Malheureusement, l’interview ignorait les connaissances fournies par la recherche en histoire contemporaine et histoire de la médecine des quinze dernières années ». Les historiens de la médecine reprochaient au Dr. Vilmar, d’une part, de réduire la collaboration avec le régime à une poignée d’activistes « criminels » et de « nier l’attirance, extrêmement complexe et à plusieurs niveaux, d’une grande partie des médecins d’alors pour le national-socialisme » et, d’autre part, de passer complètement à côté de la vérité au sujet de la confrontation de la médecine allemande à son passé. Quant au chiffre de 45% de médecins nationaux-socialistes, d’abord estimé par l’historien M. Kater et contesté par le Dr. Vilmar, il était non seulement confirmé mais même dépassé à la hausse selon les travaux les plus récents. Un tel taux, très supérieur à de nombreuses autres professions, ne pouvait être expliqué par le seul « règne de la terreur » ainsi que voulait le croire le Dr. Vilmar. Le destin du livre de Mietscherlich et Mielke, utilisé par le Dr. Vilmar pour illustrer la volonté de la profession de se confronter à son passé dès la fin de la guerre, ne constituait pas un exemple très « réussi » de la dite confrontation. Bien au contraire, le destin de ce livre de 1947 à 1960 indiquait à quel point la corporation médicale avait « rendu tabou et refoulé » son passé. Les historiens concluaient qu’il était plus que temps que la profession et « ses représentants » se penchent « de façon responsable et sérieuse » sur les faces sombres de leur passé [93]. Cette prise de position collective d’historiens de la médecine eut un impact d’autant plus important que la majorité d’entre eux faisaient partie de l’establishment académique et n’étaient pas connus pour être des extrêmistes politiques [94].

 

6 – Bataille pour le nom d’une rue et défaite de l’ordre des médecins

En dehors des multiples cas de médecins responsables d’actes criminels, passés au travers des mailles du filets de la dénazification et réinstallés après 1945, qui défrayaient de temps à autres les chroniques journalistiques [95], l’image de la profession médicale allemande se vit également ternir par divers « scandales », dont l’un fut presque simultané à l' »affaire Hanauske-Abel-Vilmar » de 1986-1987. La rue de Cologne où était installée l’organisation médicale ouest-allemande avait était baptisée en 1956 du nom du Dr. Haedenkamp, l’ancien président de la ligue des médecins Hartmannbund sous Weimar. Ce haut fonctionnaire médical rallié au nazisme fut membre du NSDAP après avoir été député du DNVP (parti conservateur-nationaliste sous Weimar) au Reichstag . Rédacteur en chef de la Deutsche Ärzteblatt jusqu’en 1939, il se présenta en 1935 aux lecteurs en uniforme SA et expliquait que « jamais l’Etat des partis vaincu [= la République de Weimar] n’aurait donné au médecin, ce qui lui revient [aujourd’hui] ») [96]. Ayant applaudit la loi de stérilisation obligatoire et participé à l’expulsion des « médecins Juifs et marxistes » des commissions médicales d’exercice, il avait obtenu dans l’historiographie médicale officielle de RFA le statut de « victime » du nazisme car il était tombé dans une intrigue interne contre le Führer de la Santé du Reich L. Conti à la fin du régime [97]. Après avoir reçu en 1937 la médaille de la Croix Rouge Allemande (DRK) du régime nazi pour ses services, Haedenkamp redevint en 1945 le secrétaire général de la nouvelle Chambre Fédérale des Médecins, président du directoire du Congrès des Médecins allemands et, dans les années 1950, l’un des médecins les « plus méritoires » de la RFA (récompensé de la Grande Médaille du Mérite Fédéral) et l’un des plus actifs défenseurs des intérêts de la profession auprès du gouvernement. La rue avait été baptisée après sa mort à la demande de la Chambre Fédérale des médecins allemands pour honorer la mémoire d’un médecin qui, « par son action dans l’organisation médicale et dans la vie politique durant plusieurs décades, était devenu un symbole pour l’ensemble du corps médical allemand » [98]. La rue conserva son nom jusqu’en 1985, date à laquelle, sous la pression conjointe du SPD de Cologne et du Congrès Ouest-Allemand des Chrétiens et Juifs, la rue fut rebaptisée « rue du Dr. Herbert Lewin ». Ce médecin juif-allemand avait été déporté à Auschwitz où toute sa famille avait péri. Le « scandale » pour une partie importante de la presse allemande vint du fait que la Chambre Fédérale des Médecins allemands, alors dirigée par le Dr. Vilmar, protesta vivement contre la redénommination de la rue jusqu’à avril 1986, date à laquelle le changement devint loi. Durant toute la phase transitoire, l’organisation décida de conserver l’ancien nom d’Haedenkamp, ce qui ne semblait guère indiquer un grand empressement à honorer la mémoire des collègues juifs, victimes bien réelles, eux, du nazisme [99].

 

7 – Dénouement : l’histoire reconnue … à contre-coeur

Ces diverses « affaires », répercutée auprès du grand public par les journaux et des magazines à grand tirage comme le Spiegel, provoqua un changement de « politique historiographique » de la part de la Chambre Fédérale des Médecins Allemands. Il fut décidé que les divers historiens de la médecine déboutés en 1987, rédigeraient une série d’articles dans la revue Deutsche Ärzteblatt . Les seize articles furent publiés de 1988 à 1989 [100]. J. Bleker et H.-P. Schmiedebach concluèrent la série par un « Médecine sous le NS. Désormais un thème pour les médecins ? » et F. Kudlien par un intéressant « Bilan et perspectives ». Bien qu’obligée, bon gré mal gré, d’inviter les historiens de la médecine à collaborer à l’organe officiel de la profession pour conserver sa respectabilité politique, la Chambre Fédérale ou les chambres régionales continuèrent à manifester leurs réticences face à la nouvelle version historiographique. Cette hostilité retenue s’exprimait désormais indirectement par deux biais : des commentaires de la rédaction ou photos de documents accolés aux articles et contredisant la teneur de ceux-ci ou la publication de lettres de lecteurs exprimant tout haut ce qu’une partie des responsables des chambres de médecins continuaient peut-être à penser tout bas. Les articles de G. Baader et M. Hubenstorf bénéficièrent ainsi d’illustrations habilement choisies et s’inscrivant en faux contre les conclusions des auteurs [101]. Alors que les notes de bas de page des historiens ne furent pas imprimées pour des raisons d’espace, la rédaction s’autorisa quelques astérisques dans le texte renvoyant à des remarques atténuant le contenu des articles sans signaler qu’elle en était l’auteur [102]. Si la revue de la Chambre Fédérale fit preuve de prudence dans ce genre de pratiques, ce fut moins le cas des revues des chambres régionales. Le Prof. Mann, directeur de l’Institut d’Histoire de la Médecine de Mayence, ayant écrit un article, extrêmement circonspect et certainement pas suspect de subversion politique, sur le rôle de la médecine sous le NS dans la Hessisches Ärzteblatt, vit également son texte encadré par des « mises au points » où la rédaction exprimait son désaccord [103]. La deuxième technique consistait, selon R. Jäckle, à accorder une surreprésentation aux lettres radicalement hostiles à la série d’articles plutôt qu’à celles y étant favorable dans le courier des lecteurs [104].

Cette méthode fut facilitée du fait que la série suscita un large intérêt de la part des médecins et un abondant courier des lecteurs : plus de mille lettres en un peu moins d’un an au deux-tiers de la série [105], dont un peu plus d’une vingtaine furent publiées. Certains faisaient part de leur soulagement que la Chambre des médecins se décide enfin à traiter du sujet [106]. D’autres se déclaraient incommodés par cette « auto-accusation masochiste » qui allait « trop loin ». Il fallait laisser « l’herbe repousser sur ce qui s’était passé » et « surmonter le ‘surmontement [du passé]‘ ». Pourquoi le psychiatre juif américain Lifton ne s’occupait-il pas du génocide des indiens d’Amérique du Nord par ses ancêtres plutôt que de se mêler de façon soit-disant « non-émotionnelle » de la médecine allemande sous le NS ? [107]. Nombreux étaient ceux se plaignant d’une « indigestion » de ces accusations permanentes contre l’Allemagne : « il serait temps que l’on montre, précisément en Allemagne, une autre image à notre jeunesse que cette falsification historique imposée par les alliés » [108]. Plusieurs s’attaquèrent à l’article de G. Mann sur le « biologisme » qui mena à la médecine inhumaine du IIIe Reich. Pour un professeur de médecine, il s’agissait d’“analyses pseudo-historiques, émotionnelles et dans l’esprit du temps » [109].

Quelques uns défendaient leurs collègues accusés. Un ancien assistant du Dr. H. Rein, professeur de physiologie, décan de la Faculté de médecine de l’Université de Göttingen et responsable rédactionnel pendant la guerre de l’Académie Allemande de Recherche aérienne, mis en cause dans l’article de G. Baader sur les expérimentations humaines, jugea que ces accusations étaient des « invectives intenables et fausses ». Quoiqu’il en soit, le Prof. Rein n’eut pas à souffrir dans sa carrière de ses activités passées. En 1945 il était nommé recteur de l’Université de Göttingen [110]. Réagissant à une déclaration de responsabilité de la médecine allemande publiée par la Chambre des médecins de Berlin, le Prof. Huwer, nommé privat docent en 1933 à l’Université d’Iéna, écrivit que les personnes stérilisées par les médecins dans sa faculté le méritaient étant – d’après la terminologie de l’époque – des « débiles mentaux sociaux », « dépourvus de tout sens de responsabilité sociale ». Une telle stérilisation n’avait donc rien de criminel. Ce qui était « vraiment un crime », c’était plutôt l’avortement actuel autorisé par la loi [111]. D’autres exprimaient leur fureur que la DÄB qui avait toujours traité les problèmes de manière « objective » publie une telle série diffamant les médecins allemands [112].

Quelques uns allaient encore plus loin, filtrant à peine leur antisémitisme. Après l’article du Prof. Kümmel sur l’exclusion des médecins juifs par leurs collègues « aryens », un certain Dr. Hennig en expliqua ainsi la nécessité : « là où il y avait un Juif, il y en avait aussitôt trois et quand il y avait trois, il devenaient neuf, et ceux des nôtres passaient toujours après ». Ce qui l’aurait, lui et « probablement la majorité de [ses] collègues, infiniment plus intéressé » que le thème « surexploité » du destin des médecins juifs, eut été un article sur le destin des médecins allemands « victimes » de la dénazification « deshonorante » [113]. Une semaine plus tard, un de ses collègues, le Prof. Dr. Güttisch, professeur à l’Université de Göttingen, réitérait : « la République de Weimar innonda le pays de Juifs de l’Est (…) Ces gens, grâce à leurs coreligionaires et non par leurs mérites, contrôlaient les commissions d’exercice (…); ces conditions devaient forcément conduire à l’antisémitisme ». Les médecins allemands ne portaient « pratiquement aucune responsabilité, les responsables sont et restent les politiciens incapables de la République de Weimar » [114]. Un autre relatait son expérience d’étudiant en médecine sous Weimar : les trois premiers rangs de la salle d’anatomie d’où l’on avait vue sur la dissection étaient « solidement tenus en main juive. Qui voulait aller s’assoir là-bas et n’était pas juif, était rapidement ejecté avec force clameurs et vociférations aigües, quand ce n’était pas manu militari, par des étudiants parlant pour la plupart jiddisch et faisant bloc contre l’intrus » [115]. Un quatrième confirmait cette version des choses après que deux autres l’aient récusée : « les Juifs se sentaient déjà les maîtres de Berlin » [116].

L’historien de la médecine de Hannovre, le Prof. W. Eckart, s’étant indigné qu’on puisse écrire de telles choses, il reçu un flot de lettres menaçantes et fut dénoncé par le même Dr. Hennig auprès du Ministre de l’éducation de son Land pour enseigner à ses étudiants la « propagande haineuse alliée en place d’histoire contemporaine » [117]. Le dénonciateur reprochait entre autres au Prof. Eckart de s’apesantir « systématiquement » sur l’extermination des Juifs d’Europe, alors que de tels faits étaient « encore en discussion » et exigeaient par conséquent une certaine « prudence » historique. Il conseillait au ministre, pour s’informer sur la réalité de l’Holocauste, de lire la revue d’extrême-droite révisioniste Nation Europa [118].

En février 1989, la DÄB décida une nouvelle fois de clôre le débat. Elle accorda au révisioniste Dr. Hennig une deuxième occasion de s’exprimer, sans que cette fois-ci qui que ce soit puisse lui répondre. Cette deuxième lettre possédait, selon l’historien de la médecine de Münster H.-P. Kröner, « toutes les caractéristiques de la propagande haineuse néo-nazie ». Le Dr. Hennig y estimait entre autre que la « séparation entre Juifs et leurs peuples hôtes respectifs et la problématique qui en découlait trouvait sa source dans la spécificité juive ». L’holocauste était décrit comme une « surréaction fatale du IIIe Reich pour résoudre un problème reconnu » mais « notre époque connaissait une réaction dans l’autre extrême » [119].

 

La publication de ces textes antisémites par l’organe officiel des médecins provoqua une vive réaction de la part d’un certain nombre de médecins, de journaux et d’organisations. La rédaction se défendit en prétextant du respect du pluralisme et qu’elle n’avait pu se résoudre à pratiquer une quelconque censure. La revue avait reçu plus de mille lettres de lecteurs et avait accordé la parole à toutes les tendances [120]. En fait, aux deux-tiers de la série, seules 23 lettres avaient été publiées sur 1000, dont plus de la moitié étaient antisémites, contre la publication de ces articles ou très critiques. Soit la rédaction avait « sélectionné » les lettres lui convenant ce qui pouvait indiquer ses pensées réelles en la matière et être inquiétant de la part de la revue officielle du corps médical allemand, soit elle n’avait pas favorisé une opinion plutôt qu’une autre dans son échantillonage, ce qui était assez inquiétant, représentativement parlant, pour l’ensemble de la profession médicale allemande. Le Zeit dans un article intitulé « Pas la moindre censure » s’inquiéta à juste titre : « qui considère que le pluralisme dans les colonnes du courier des lecteurs est représentatif, doit en conclure qu’au moins la moitié du corps médical allemand est antisémite et d’extrême-droite » [121].

Lorsque la DÄB publia une lettre où un médecin jugeait que la déclaration de la Chambre des Médecins de Berlin (à majorité gauche-écologiste depuis 1987) sur la responsabilité de la médecine était une « déclaration de soumission à la juiverie » [122], la polémique cessa définitivement d’être une affaire interne aux médecins et devint nationale et même internationale. L’hebdomadaire juif Allgemeinen Jüdischen Wochenzeitung publia un commentaire du sociologue canadien M.Y. Bodemann de l’Université de Toronto, alors professeur-invité à la FU Berlin. Celui reprochait à la rédaction de la DÄB d’avoir publié telles quelles toutes ces lettres sans aucun commentaire ni prise de distance et d’avoir accordé le dernier mot à un antisémite. Il concluait : « qui croit devoir se comporter de façon neutre et respecter le pluralisme comme la DÄB » devient « complice du racisme le plus terrible » [123]

8 – Victoire historiographique et tensions politiques

En 1989, eut lieu le 92e Congrès des Médecins allemands à Berlin. La Chambre de Berlin, désormais dominée par les médecins à l’origine du Congrès de la Santé alternatif de 1980, accueillait le congrès. Elle en profita pour convaincre le Dr. Vilmar, malgré les « résistances considérables de certaines chambres régionales » [124], de mettre le sujet à l’ordre du jour et organiser une exposition avec C. Pross et G. Aly intitulée Der Wert des Menschen (« La valeur de l’Homme ») consacrée à la médecine sous le NS. Le catalogue de l’exposition, associé aux interventions d’un colloque international qui eut lieu simultanément, donna lieu au livre du même nom (Pross & Aly 1989). L’ouvrage, soutenu par le président Vilmar soucieux de corriger son image de marque de démocrate libéral après les “affaires“ de 1987, fut publié conjointement par la Chambre de Berlin et la Chambre Fédérale. L’historien de la médecine de Münster R. Toellner fit une allocution isolée sur le sujet au cours du congrès qui fut – selon la DÄB – « impressionante ». C’était la première fois, au bout de 44 ans, que la question de la responsabilité de la médecine était abordée à un congrès national de la Chambre des médecins allemands. Il y démontrait que le nombre de médecins impliqués dans les crimes ne pouvait matériellement se limiter à 350. Il concluait : « les médecins du IIIe Reich nous ont laissé une lourde charge à porter pour le présent et pour le futur … Ne tentons pas de nous défaire de cette charge, car en perdant la charge nous perdrions l’enseignement. Portons-la. La charge est l’enseignement » [125]. A la suite, plusieurs responsables des instances dont le président de la Chambre Fédérale (et président de la Chambre de Brême) K. Vilmar, et le président de la Chambre de Rhénanie du Nord H. Bourmer, allèrent se recueillir devant un monument à la mémoire de leurs collègues juifs persécutés [126].

 

1988-1989 fut donc l’année où le groupe des historiens de la médecine et des médecins militants politique gagnèrent la bataille historiographique contre la version auto-disculpante de la corporation des médecins allemands dominante depuis 1945. Depuis 1988, les historiens de la médecine académiques et certains des « amateurs » politiquement engagés (dont le niveau n’a parfois rien à envier aux professionnels) ont acquis le monopole, pour les publications universitaires et officielles du corps des médecins, de l’historiographie de la profession sous le national-socialisme. En 1989, les seize articles publiés par les historiens dans la DÄB furent édités en livre par la Chambre des médecins de RFA. Les anciens historiens amateurs ou professionels de la Chambre des médecins ne s’aventurent plus, sauf de façon marginale, à maintenir l’ancienne version de l’innocence de 99% des médecins allemands vis-à-vis des crimes perpétrés sous le NS. Cependant cette victoire historiographique ne signife pas que les anciennes tendances aient disparues. Sans arrêt, celles-ci réapparaissent et donnent lieu à de nouveaux conflits. La même année, après ce Congrès de Berlin, alors qu’un collectif de douze intellectuels juifs, dont l’historien de la médecine G. Baader et quatre autres professeurs d’université, protestaient dans la DÄB contre la publication des lettres antisémites [127], le Dr. Hennig se vit redonner une troisième fois la parole. Il leur répondit : « Si des organisations étrangères, sous la forme de groupes juifs, sont encore autorisés à se mêler aux discussion du courier des lecteurs de notre organe central, alors, pour être juste, l’OLP et l’Ayatollah Khomeini devraient également y être autorisés » et de poursuivre : « Même réduite de moitié, je récuse, comme étant une énormité des plus effrontée, la généralisation selon laquelle il y eut ‘complicité des médecins allemands‘ au prétendu et de plus en plus douteux ‘génocide au nom de l’hygiène raciale‘ ». Il conseillait à la DÄB de « devoir complètement retravailler ce thème dans un proche avenir » [128]. Pour la troisième fois, ce médecin antisémite et révisioniste se voyait donner la parole dans la revue officielle des médecins alors que de nombreuses lettres de protestation, y compris d’historiens de la médecine et de professeurs d’université selon R. Jäckle, ne furent jamais imprimées. Comme l’indique la première réaction de la Chambre Fédérale en 1993 face aux « calomnies » contre l’ancien médecin SS, responsable d’au moins une action d’euthanasie, et professeur d’université Sewering et le fait que celui-ci soit toujours président, légalement élu, de la Chambre des médecins de Bavière malgré la publication de documents irréfutables dans la presse allemande et étrangère [129], le conflit politique entre ces deux conceptions de la mémoire n’est pas tout à fait terminé.

 

9 – Les historiens de la médecine précurseurs : 1ère phase « historique » (1970-1980)

Si, comme nous l’avons vu, des motivations politiques ont joué un rôle prépondérant dans l’émergence de cette historiographie de la médecine sous le national-socialisme et la sensibilisation du public, elle n’eut peut-être pas bénéficié d’une telle reconnaissance de la part de l’ordre des médecins si elle n’avait été soutenue par le travail, plus discret mais de longue haleine, mené dans un certain nombre d’instituts d’histoire de la médecine depuis les années 1970. Il nous faut donc nous pencher sur l’activité de ces historiens d’habitude si peu connus du public.

 

En effet, de 1980 à 1992, plus de 110 livres et 60 thèses de doctorat (en comptant l’eugénisme et l’anthropologie raciale), sans compter une masse d’articles, ont été publiés sur la question en RFA, dont une partie importante dans le cadre d´instituts d’histoire de la médecine ou de revues d’histoire de la médecine. Ce mouvement d’une historiographie sérieuse de la question débuta en fait, de manière assez discrète, dans les années 1970.

L’ancienne RFA possédait 21 instituts d’histoire de la médecine [130]. De 1970 à 1980, seuls deux instituts se montraient véritablement actifs dans l’historiographie de la période national-socialiste ou de ses origines : l´institut de Kiel avec le Prof. Kudlien et l’Institut de Mayence (avec les Prof. Prof. G. Mann et R. Winau et le Dr. Lilienthal). Si l’on consulte l’Index de thèse de doctorat en histoire des sciences pour les pays de langue allemande (IWD/LWD), on constate que 25 thèses de doctorat traitèrent d’un thème se rapportant à « médecine et national-socialisme » ou à ses origines en RFA de 1970 à 1980, dont près de la moitié (11 = 44%) dans la seule Université de Kiel (Institut d’Histoire de la Médecine), sous la direction du Prof. Kudlien. L’intérêt du Prof. Kudlien pour ces questions peut être mesuré au fait que ces thèses de doctorat sur la période nazie représentent 15% de l’ensemble des thèses en histoire de la médecine et de la pharmacie passées dans son institut de 1970 à 1980 [131].

A Mayence, sous la direction du Prof. Mann depuis 1974, la recherche se concentre sur les origines idéologiques et scientifiques (eugénisme, darwinisme social, théories raciales, anti-sémitisme de la profession médicale, etc.) de la politique eugénico-raciale nazie, dans le cadre théorique de ce qu’il appelle le « biologisme » (5 thèses).

Par ordre d’importance, le troisième centre géographique de recherche réunit à Munich l’Institut d’Histoire de la Médecine et de Sociologie Médicale de l’Université Technique de Munich (TU) et l’institut d’Histoire de la Médecine de l’Université Ludwig-Maximilian (MLM) [132]. Il semblerait que l’impulsion, dans cet institut fondé grâce à l’éditeur médical nazi J.F. Lehmann en 1939 [133], soit ici davantage venue des étudiants que des professeurs, plutôt orientés vers l’histoire de la médecine extrême-orientale, antique et folklorique de Bavière.

 

A propos de l’eugénisme, de la génétique humaine et de l’anthropologie dans leur rapports à la médecine, il faut ajouter trois thèses de doctorat à Erlangen dans les années 1970, dont l’une à l’Institut de Génétique humaine et d’Anthropologie et les deux suivantes dans le cadre de la Faculté de Médecine. A l’Institut d’Histoire de la médecine de Fribourg (Prof. Seidler), on remarque également une thèse sur l’eugénisme et deux sur des théoriciens de la race, nous y reviendrons dans la deuxième partie de notre article.

10 – 2e phase historique : de la marginalité à la reconnaissance (1980-1986)

Cependant, tous ces travaux passaient relativement inaperçus. Ces historiens de la médecine ne cherchaient pas particulièrement à s’attirer les foudres de leurs collègues par des thèses trop directement critiques. Lorsque le Prof. Mann aborda pour la première fois le sujet du « biologisme » qui avait mené aux crimes du nazisme dans un colloque de 1970, quelques uns de ses collègues lui firent part de leur déception [134]. Comme le rappellait le directeur de l’Institut d’Histoire de la médecine de Berlin-Ouest R. Winau en 1988, pendant au moins trois décades, la période NS était « taboue comme thème de recherche et de discussion » [135]. Quasiment aucun article dans la presse médicale ou les revues d’histoire de la médecine ni thèses de doctorat en histoire de la médecine ne furent publiés sur la question entre 1945 et 1970. Selon W. Wuttke-Groneberg, utilisant la banque de donnée DIMDI (Deutsche Institut für medizinische Dokumentation und Information ), 422 articles recensés au mot-clé « Nazi » furent publiés dans l’ensemble des revues médicales parues dans le monde entre 1966 et 1979. Or seulement 2 articles parurent dans des revues médicales de RFA durant ces 14 années (= 0,5%) [136]. Les histoires de telle ou telle faculté de médecine ou les biographies consacrées à tel médecin célèbre passaient en général rapidement et pudiquement sur ce chapitre sombre. Lorsque le traitement de la période était incontournable, la version officielle consistait à attribuer tous les maux du régime aux politiciens nazis et à présenter les médecins comme les victimes innocentes d’une terrible dictature [137]. Les étudiants de gauche de la révolte de 1968 qui insinuèrent dans les années 1970 que les fonctionnaires médicaux de la République de Weimar pouvaient avoir collaboré avec le nazisme se faisaient réprimander par les historiens de la médecine académiques d’alors [138].

 

En ce qui concernait les revues d’histoire de la médecine, la situation ne se présentait pas sous un jour beaucoup plus favorable. La RFA possèdait alors deux revues majeures dans ce domaine : les vénérablesSudhoffs Archiv , fondées en 1907, et le Medizinhistorisches Journal, plus récent, créé en 1966. Après le bombardement puis l’occupation soviétique de Dresde (ex-RDA) où elles étaient éditées, les Sudhoffs Archiv refirent surface en 1953 en RFA avec exactement le même comité éditorial que le dernier volume de 1943 : P. Diepgen, E. Heischkel, H. Schimank, J. Steudel et R. Zaunick. Aucun de ces historiens de la médecine ne ressentait un besoin pressant d’aborder le sujet. P. Diepgen était, de 1930 à 1946, le détenteur de la prestigieuse chaire d’histoire de la médecine et directeur de l’Institut de l’Université de Berlin et s’était rallié avec enthousiasme au nazisme [139]. En 1951, il avait obtenu la direction d’un nouvel institut d’histoire de la médecine à l’Université de Mayence où il décéda en 1966. Il avait été suivi à Mayence par l’une de ses assistantes puis Privatdozentin de l’Institut de Berlin : Edith Heischkel (ensuite Heischkel-Artelt). Celle-ci avait obtenu son habilitation en 1938 et un poste de docent, de 1939 à 1945, à l’Institut de Berlin. Elle était alors Mädelringführerin dans le Bund Deutscher Mädel (les jeunesse hitlériennes pour jeunes filles). Directrice de l’Institut de Mayence de 1957 à 1974, elle fut aussi l’une des co-fondatrices du Medizinhistorisches Journal avec son mari, W. Artelt, et G. Mann, revue qu’elle co-dirigea jusqu’en 1986. Mme Heischkel, selon les témoignages de plusieurs personnes qui l’ont connue à l’Institut de Mayence, avait conservé de la période nazie un antisémitisme assez virulent et refusait systématiquement que l’on aborde le sujet du nazisme dans le Medizinhistorisches Journal . Son antisémitisme trouva entre autres à s’exprimer lorsque K.E. Rothschuh décida d’honorer la mémoire de R.H. Koch, le fondateur du séminaire d’histoire de la médecine de l’Université de Francfort révoqué en 1933 par les nationaux-socialistes en raison de ses origines juives [140]. Lorsque F. Kudlien, R. Winau mais surtout G. Lilienthal en 1980 avec son article sur l’hygiène raciale commencèrent à rentrer dans le vif du sujet, grâce au soutien du Prof. Mann, elle refusa les articles : il était encore « trop tôt » pour un sujet aussi « difficile » et les « jeunes gens ne pouvaient pas le comprendre ». Heureusement, à partir de 1980, le Prof. Mann était soutenu au comité éditorial par le Prof. Kümmel, et ils purent imposer leur ligne éditoriale à la vieille dame récalcitrante [141]. Aux Sudhoffs Archiv, le retournement fut plus long et plus difficile à opérer, malgré la présence du Prof. Winau au comité éditorial à partir de 1985. Le sujet ne fut jamais abordé avant 1991 [142].

En même temps que ce déroulaient ces conflits internes au comité éditorial du Medizinhistorisches Journal, le mouvement d’intérêt s’étendait progressivement de 1980 à 1986, grâce à l’action de ces professeurs ou à la sensibilisation du public par les médecins politiquement engagés, à d’autres universités. Si de 1970 à 1980, en 11 ans, il ne paraît que 17 thèses concernant directement le nazisme en histoire de la médecine et des sciences, soit un rythme de 1,55 thèse par an, on passe à 25 en 6 ans pour la période 1981-1986, soit un rythme de 2,67 par an. De 5 universités qui produisirent des thèses sur la question de 1970 à 1980, on passe à 13 de 1981 à 1986. Durant ces années de violentes controverses, l’institut de Mayence devint le plus actif en nombre de thèses de doctorat, puissament secondé cette fois-ci par l’Institut de Berlin-Ouest où le Prof Winau avait été nommé en 1976.

La question « La médecine sous le national-socialisme » fut abordée pour la première fois, de façon isolée et malgré certaines résistances des organisateurs, à un colloque national d’histoire de la médecine en 1980 par G. Lilienthal [143]. Deux ans plus tard, l’académie évangélique de Bad-Poll consacra un symposium international à la question où plusieurs historiens de la médecine furent invités (Baader, Winau, Kümmel).

 

11 – L’institutionalisation de l’histoire de la médecine sous le NS (1987-1992)

Depuis 1986, le thème devient de plus en plus présent comme en témoignent les nombreux colloques qui y sont consacrés : « Médecine et NS » organisé par l’Institut für Zeitgeschichte de Munich en 1987, « Le destin de la médecine sous le fascisme » par le Congrès de l’IPPNW en 1988 à Erfurt et Weimar (RDA, cf. S.M. Rapoport & A. Thom 1989), le symposium international « La valeur de l’homme » sous les auspices du 92e Congrès des médecins allemands à Berlin en 1989 et, tout dernièrement, en septembre 1992, le 75e congrès de la Société Allemande pour l’Histoire de la Médecine, des Sciences naturelles et de la technique sur « Médecine, biologie, technique et national-socialisme – continuités et discontinuités » à Iéna [144].

, au point que l’on peut parler d’“explosion éditoriale“ puis d’“institutionnalisation“ de cette nouvelle approche dans les Facultés de médecine allemandes [145]

 

12 – Retard et expansion de la RDA

De 1987 à 1992, 46 thèses (en incluant l’ex-RDA) sur 1730, soit 2,7% et un rythme de 7,67 thèses par an. La RDA quand à elle a produit 9 thèses en 30 ans (de 1970 à la chute du mur en 1989) soit un rythme d’une thèse tous les 3 ans.

 

 

A – Historiographie de la médecine sous le nazisme depuis 1980 (ordre alphabétique et inclues thèses de doctorat depuis 1970) [146]

 

 

 

I – A – Ouvrages généraux ou multithématiques

 

  1. Aly, P. Chroust, et al (éd.), 1987, Biedermann und Schreibtischtäter. Materialen zur deutschen Täter-Biographie, Beiträge z. ns Gesundheits- und Sozialpolitik n°4, Berlin, Rotbuch. Ce livre collectif contient deux articles nous concernant : celui de G. Aly sur le carnet personnel de l’anatomiste H. Voss et celui de Chroust sur la correspondance du médecin SS Mennecke. Le cas de Voss, qui fut récompensé du titre de « scientifique exceptionnel du Peuple » par le régime de RDA après 1945, montre que les problèmes liés au « Vergangenheitsbewältigung » ne se limitent pas à l’Allemagne de l’Ouest.

 

H.S. Ankerstein et al. 1985, Heilen und Vernichten im NS, Köln und das Rheinland. Austellung 1985, Cologne, Kolnische Gesellschaft für Christlich-Jüdische Zusammenarbeit. Catalogue d’une exposition sur la médecine dans la région de Cologne.

 

  1. Astfalk, et al., 1990, “Das vergess’ ich nie mehr, solange ich lebe … ». Dokumentation über Sterilisation und Euthanasie in der Gustav Werner Stiftung zum Bruderhaus Reutlingen 1933-1945, Reutlingen, Gustav Werner Stiftung zum Bruderhaus.

 

  1. Baader & U. Schultz (éd.), 1980, Medizin und Nationalsozialismus. Tabuisierte Vergangenheit – Ungebrochene Tradition ?, Berlin-Ouest, Verlagsgesellschaft Gesundheit (Compte rendu et documents du « Congrès de la Santé » de Berlin). Pour la première fois au bout de 35 ans, des médecins, des étudiants, des journalistes et des patients se réunirent dans un grand congrès à Berlin-Ouest pour traiter du problème « médecine et national-socialisme ». Ce « Congrès de la Santé », tenu parallèlement au 83e Congrès des médecins allemands, provoqua une vive réaction de la part de la Chambre fédérale des médecins allemands et de la Ligue des médecins Hartmannbund. Selon les organisateurs de ce congrès alternatif, cette réaction était l’expression de l’embarras, car « pour la première fois, on abordait publiquement un thème, que jusque-là, on s’était consciencieusement efforcé d’oublier, de refouler ou au minimum de retoucher (…). Le fait qu’il allait de soi que des anciens fonctionnaires SA ou SS siégent au comité directeur de la Chambre fédérale et que le (83e) Congrès des médecins allemands soit ouvert par l’ancien Standartenführer SA, le Prof. Dr. W. Heim, montre à quel point le passé a été peu surmonté dans cette discipline. Dans ces conditions, l’organisation du Congrès de la Santé “Médecine et national-socialisme. Passé tabouisé – tradition ininterrompue“ doit apparaître comme une provocation aux yeux des médecins fonctionnaires ». Pour la première fois aussi, furent invités des médecins juifs qui avaient fui l’Allemagne après 1933. Les interventions se penchent également sur la politique de santé du IIIe Reich et la pratique médicale quotidienne. Débat collectif : « passé tabou, tradition inintérompue » ; G. Baader « Sur l’idéologie du darwinisme social » ; G. Jeschal « Politique et science. Les médecins allemands pendant la 1ère GM » ; P. Schmiedebach « Conceptions et éthique corporatistes médicales 1919-1945 » ; U. Clever « Histoire de l’organisation corporatiste et ses alternatives oppositionnelles » ; H.G. Güse & N. Schmacke « Psychiatrie et fascisme » ; M. Hubensdorf « “… et ils furent déportés par les nazis dans l’ancien Reich et mis à mort“ – un mensonge historique autrichien » ; W. Wuttke-Groneberg « De Heidelberg à Dachau. ‘Théorie de l’extermination‘ et critiques relevant des sciences naturelles dans la médecine NS » ; S. Graessner « Nouvelles techniques de contrôle social par la médecine du travail et de la productivité » ; K.H. Roth « ‘Sélection‘ et ‘élimination‘. Politiques démographiques et familiales sous l’autorité de la ‘direction de la santé‘ NS » ; S. Leibfried « Interdictions professionnelles après 1933 » ; discussions avec des médecins berlinois émigrés ; G. Schwarberg « Expérimenatations sur la tuberculose avec des adultes et des enfants » (dans les camps de concentration) ; U. Schulz « Conditions sociales et biographiques des crimes médicaux » ; H. Huebschmann « Conditions historiques des crimes médicaux en Allemagne et esquisses des manières dont il aurait convenu d’y parer » ; C. Müller-Busch « Pourquoi se demande-t-on s’il y a eu une résistance de la part des médecins ? » ; F. Kudlien « Résistances de médecins allemands contre le IIIe Reich » ; H. Mausbach & B. Mausbach-Bromberger « Remarques sur les formes, l’étendue et la nature de la résistance anti-fasciste parmi les médecins » ; G. Guttenberg « La structuration douteuse de la Croix Rouge allemande – évolution et abus sous le NS » ; F. Sator « Médecine NS hier – expérimentations humaines aujourd’hui ».

 

  1. Beck, 1991, Leistung und Volksgemeinschaft: der Sportarzt und Sozialhygieniker Hans Hoske (1900-1970), Husum, Matthiesen, Abhand. z. Gesch. d. Med. u. d. Naturwiss., 61 (d’abord Th.D FU Berlin 1990).

 

  1. Benzenhöfer & W.U. Eckart, 1990, Medizin im Spielfilm des NS, Hannoversche Abhandl. z. Geschichte d. Medizin & d. Naturwiss., vol.1, Tecklenburg, Burgverlag. Intéressant volume collectif sur la présentation des médecins dans les films allemands sous le nazisme. Sont présentés en particulier 4 films ayant la médecine pour thème central et qui comptèrent parmi les plus importantes productions cinématographiques du IIIe Reich : « Robert Koch – Der Bekämpfer des Todes » (1939) de Steinhoff ; « Ich klage an » sur l’euthanasie (1941) de Liebeneiner ; « Paracelcus » (1943) de G.W. Pabst ; et « Germanin » (1943) de Kimmich.

 

  1. Bleker & N. Jachertz, 1989, Medizin im Dritten Reich, Cologne, Ärzte-V. Signe que le temps du silence est totalement révolu, ce livre analysant plusieurs des aspects de la médecine sous le NS, a été édité par la maison d’édition de la Chambre Fédérale des médecins allemands. Il aura fallu 44 ans et de puissantes « stimulations » externes à la Chambre des médecins de RFA pour affronter enfin ce problème (cf. notre présentation historique). L’ouvrage reprend la série de 16 articles publiés dans la Deutsches Ärzteblatt en 1988-1989. La première éd. ayant été épuisée au bout de quelques mois, une 2e éd. augm. de 5 articles supplémentaires a été publiée en 1993. Contributions de : R. Toellner « Les médecins sous le IIIe Reich » ; G. Mann sur le « biologisme » dans la médecine allemande au XIXe et début du XXe siècle préparant la médecine sous le NS ; G. Baader « Hygiène raciale et eugénisme – préliminaires aux stratégies d’extermination des soit-disant ‘inférieurs‘ sous le NS » ; M. Hubenstorf « Du ‘libre choix des médecins‘ à l’ordre des médecins du Reich – la politique corporatiste médicale entre libéralisme et NS » ; K.-D. Thomann « ‘Au service de la Germanité‘ – l’éditeur médical J.F. Lehmann et le NS » ; W.F. Kümmel « ‘L’élimination‘ – Comment les NS exclurent les médecins juifs et politiquement indésirables de la profession » ; H.P. Kröner « L’émigration des médecins sous le NS » ; J. Bleker & C. Eckelmann « “Le succès de l’action de mise au pas peut être considéré comme éclatant“ – La ‘Ligue des Femmes-médecins allemandes‘ de 1933 à 1936 » ; C. Pross « La ‘prise de pouvoir‘ à l’hôpital » ; E. Seidler « La vie de tous les jours à la périphérie – la Faculté de médecine de l’Université de Fribourg durant l’hiver 1932/33 » ; H. van den Busche « Formation médicale et réformes du cursus des étudiants en médecine sous le NS » ; A. Haug « ‘Le nouvel art de soigner allemand‘ – médecines naturelles et médecine académique sous le NS » ; C. Rothmaler « Les stérilisations obligatoires d’après la ‘Loi pour la prévention de la transmission des pathologies héréditaires‘ » ; G. Lilienthal « Médecine et politique raciale – les ‘Lebensborn e.V.‘ de la SS » ; R. Winau « L’autorisation d’éliminer les ‘vies indignes d’être vécues‘ » ; K. Dörner « Vie quotidienne des centre psychiatriques et euthanasie NS » ; G. Baader « Les expérimentations humaines dans les camps de concentration » ; P. Reeg « ‘Ton honneur tient à ta productivité‘ – Sélection et élimination par la médecine du travail et la médecine tournée vers la productivité sous le NS » ; U. Knödler « Sur le dos des civils – la ‘médecine militaire‘ à Stuttgart » ; J. Bleker & H.-P. Schmiedebach « La médecine sous le NS – désormais un sujet pour les médecins ? » ; F. Kudlien « Bilan et perspectives ».

 

  1. Boland & D. Kowollik, 1991, Heilose Zeiten. Zur lokalen Sozial- und Gesundheitspolitik in Mönchengladbach und Rheydt von der Zeit der Wirtschaftskrise 1928 bis in die ersten Jahre der NS-Herrschaft, Mönchengladbach, JUNI. Etude sur la politique de santé régionale de la crise économique de 1929 à la première année du régime NS.

 

  1. Bothe, 1991, Neue Deutsche Heilkunde 1933-1945. Dargestellt anhand der Zeitschrift « Hippokrates » und der Entwicklung der volksheilkundlichen Laienbewegung, Husum, Matthiesen, Abh. Gesch. Med. Naturwiss. vol.62 (d’abord Th. D. FU Berlin 1991).

 

  1. Bromberger, H. Mausbach, K.D. Thomann, 1985, Medizin, Faschismus und Widerstand, Francfort, Mabuse (rééd. 1990). Surtout appréciable pour la 2e partie sur les médecins SS et la 3e qui offre un des panoramas les plus complets sur les différents mouvements de médecins résistants, depuis les médecins de l’“Orchestre rouge“ aux étudiants en médecine de la « Rose Blanche ». La 1ère partie – « L’évolution vers le fascisme. La médecine en Allemagne du tournant du siècle à 1933 » – comprend des informations intéressantes et utiles (par ex. chapitre sur l’éditeur médical J.F. Lehmann ou sur les origines sociales des professeurs de médecine) mais aussi quelques propositions contestables en matière d’histoire des idées politiques (Gobineau est rangé parmi les fondateurs du darwinisme social).

 

  1. Brüsch & R. Brüsch, 1989, Die Entwicklung von faschistischer Ideologie in der medizinischen Literatur vor 1933, Th. D. Akademie für Ärztliche Fortbildung der DDR.

 

  1. van den Bussche (éd.), 1989, Medizinische Wissenschaft im « Dritten Reich ». Kontinuität, Anpassung und Opposition an der Hamburger Medizinischen Fakultät, Hamburger Beiträge zur Wissenschaftsgeschichte, Berlin, Dietrich Reimer. Cette excellente collection d’histoire des sciences publie des ouvrages d’un haut niveau historiographique. Ce volume collectif analyse les multiples aspects des rapports entre la médecine (praticienne, de recherche, clinique et son enseignement) et le NS à travers le cas local de la faculté de Hambourg, depuis la « préhistoire » sociologique sous Weimar jusqu’aux continuités et difficultés à « surmonter le passé » après 1945. Chaque article de ce livre de 460 p. est extrêmement dense et complet. Un modèle de l’historiographie médicale, malheureusement limité à un exemple local.

 

  1. van den Bussche, 1989, Im Dienste der « Volksgemeinschaft ». Studienreform im NS am Beispiel der ärztlichen Ausbildung, Hamburger Beiträge zur Wissenschaftsgeschichte, Berlin, Dietrich Reimer. Etude extrêmement détaillée de la formation médicale sous le IIIe Reich.

 

  1. Dichtl, 1983, Beiträge zur Frauenheilkunde und Geburtshilfe im Dritten Reich, Th.D. hist. méd. Heidelberg. La gynécologie et l’obstétrique sous le IIIe Reich.

 

  1. Dörner, 1988, Tödliches Mitleid. Zur Frage der Unerträglichkeit des Lebens; oder, die Soziale Frage: Entstehung, Medizinisierung, NS-Endlösung, heute, morgen, Gütersloh, Jakob van Hoddis.

 

  1. Dreyer, 1971, Asylierung und Ausmerze als spezifische Leitbegriffe völkischer Ideologie, dargestellt am Beispiel der Alkoholismusbekämpfung. Th. D. hist. méd. Kiel. Sur la « mise à l’écart » en asyle et l' »élimination » comme méthodes « völkisch » de lutte contre l’alcoolisme.

 

  1. Ebbinghaus, H. Kaupen-Haas, K.H. Roth (éd.), 1984,Heilen und Vernichten im Mustergau Hamburg. Bevölkerungs- und Gesundheitspolitik im Dritten Reich, Hambourg, Konkret Literatur (maison d’édition de la revue d’extrême-gauche Konkret ). De la politique médicale contre les « asociaux », les Tziganes et les Juifs à la réaction des milieux médicaux nazis face aux bombardements quotidiens de Hambourg par les Américains à la fin de la Guerre. Ne se borne pas à Hambourg.

 

Th. R. Ehrke, 1978, Antisemitismus in der Medizin im Spiegel der « Mittheilungen aus dem Verein zur Abwehr des Antisemitismus » (1891-1931). Th.D. hist. méd. Mayence. Analyse de l’antisémitisme médical de 1891 à 1931 à travers l’organe d’information et de défense contre l’anti-sémitisme des « citoyens allemands de confession juive ». Montre que l’antisémitisme de la corporation médicale ne date pas de 1933.

 

  1. Ellesdorfer, 1977, Auswirkungen der Machtergreifung des Nationalsozialismus auf das Gesundheitswesen in Deutschland im Spiegel der « Münchner Neuesten Nachrichten » von 1933 bis 1938. L’impact du nazisme sur la politique de santé à travers les comptes rendus d’un journal régional (Th.D. hist. méd. Munich LM). Selon M. Kater, cette thèse fait preuve d’une totale absence de sens critique à l’égard de la responsabilité de la médecine sous le NS (Kater 1987, p.34, n.7).

Fachschaft Medizin der Philipps-Universität Marburg (éd.), 1991, “Bis endlich der langersehnte Umschwung kam …“. Von der Verantwortung der Medizin unter dem Nationalsozialismus, Marbourg, Schüren. Résultat d’un cycle de conférence à l’Université de Marbourg. R. Kühnl ainsi que le professeur de neuropathologie, né en 1922, J. Pfeiffer, proposent une réflexion sur le rôle de la science et des scientifiques sous le NS ; G. Baader, sur le darwinisme social et Kirchhoff sur les dentistes ; le juriste des Grünen Saathoff examine le sort des stérilisés obligatoire selon le régime juridique de la RFA. La RFA dédommage les victimes du nazisme en fonction des lois BEG (Bundesentschädigungsgesetz, 1956) et BEG-SG (Schlussgesetz, 1965). Or ces deux lois ne dédommagent que les victimes « raciales, religieuses et politiques » des délits de droit nazis. Par conséquent en sont exclus : les stérilisés obligatoires, les familles des euthanasiés, les « associaux », homosexuels et criminels déportés et les objecteurs de conscience emprisonnés ou exécutés. Jusqu’en 1963, les Tziganes se virent refuser tout dédommagement car leur persécution, selon la juridiction de la RFA, ne relevait pas de l’idéologie raciale mais de mesures de police contre une catégorie de criminels. De même les membres de partis politiques s’opposant à l’ordre constitutionnel démocratique, comme le Parti Communiste, ne peuvent bénéficier d’indemnisations. La loi de stérilisation fut reconnue « délit de droit NS » par le Bundestag en 1988. Incesu s’interroge sur la « pseudo-liberté » des stérilisations et castrations « volontaires » dans l’Allemagne d’aujourd’hui. L’article de G. Aumüller sur « L’anatomie à l’époque NS » fournit des éléments très intéressants et nouveaux sur l’utilisation de « matériaux humains » par les anatomistes les plus réputés de la période. A noter également, l’article de l’historien de la médecine Lauer sur la médecine à Marbourg de 1933 à 1945 et celui de Schäffer sur l’activité et l’engagement politique du très célèbre pédo-psychiatre Villinger.

 

  1. Fahrenbach, A. Thom (éd.), 1991, Der Arzt als « Gesundheitsführer ». Ärztliches Wirken zwischen Ressourcenerschliessung und humanitäre Hilfe im 2. Weltkrieg, Francfort /M., Mabuse. Ce livre reprend les allocutions tenues à l’occasion d’un colloque intitulé « Médecine-fascisme-guerre », précédent de peu la réunification, en RDA, avec la collaboration de nombreux spécialistes de Pologne, d’URSS et de RFA. Articles : A. Thom sur la contribution des médecins à la préparation de l’Allemagne à la guerre de 1933 à 1939 ; W.U. Eckart sur « l’hygiène tropicale et le militarisme en Allemagne 1933-1939 » ; S. Hahn sur l’évolution des soins médicaux ; G. Baader sur les expérimentations humaines menées sur des soldats de la Wehrmacht avec des amphétamines ; I. Kästner sur la faculté de médecine de Leipzig et l’utilisation de son potentiel de recherche ; F. Lemmens sur la modification des conditions de conscription des militaires de 1939 à 1945 ; M. Seidel & N. Zallmann sur les diagnostics fournis par l’hôpital psychiatrique de Berlin pour les soldats suicidés et conditionnant le dédommagement des familles ; K.-H. Karbe sur le système de la médecine du travail comme contribution à la guerre totale sur le « front intérieur » ; T. Nickol sur la médecine du travail dentaire à l’usine BUNA (IG Farben AG) qui fournissait la moitié de la production allemande de caoutchouc synthétique ; N. Decker sur la politique médicale à l’égard des travailleurs forcés polonais en Allemagne ; S. Hahn et C. Schröder examinent la question jusqu’à là peu étudiée du suicide dans l’Allemagne nazie et de son acceptation comme « destruction de vie ne valant pas la peine d’être vécue » ; G. Grau sur la « Centrale du Reich pour la lutte contre l’homosexualité … » : de 1933 à 1944, 50 000 hommes furent condamnés par des tribunaux pour homosexualité, on ne conaît pas le nombre de ceux qui sont morts en déportation ; H. Loos sur le centre de soins psychiatrique de Berlin-Herzberge pendant la guerre ; A. Hommel & S. Hahn sur « le rôle de l’organisation SS ‘Lebensborn e.v.‘ » ; U. Lampert sur la situation de l’anatomie pathologique dans les universités allemandes pendant la 2e Guerre mondiale ; S. Fahrenbach sur la persécution, l’émigration et l’extermination des médecins juifs en Allemagne ; R. Jäckel sur les controverses en RFA et en particulier au sein de la Chambre Fédérale des médecins allemands sur les rapports de la médecine au NS ; A. Thom sur ce qui a été accompli et ce qui reste encore à faire.

 

  1. Finke, 1990, Die medizinische Interpretation des Alkoholismus und die Formen der sozialen Fürsorge für chronisch Alkoholkranke in der Zeit der faschistischen Diktatur von 1933-1945 in Deutschland, Th.D. hist. méd. Leipzig.

 

Th. Fischer, 1973, Der nationalsozialistischer Arzt. Th. D. hist. méd. Kiel.

 

  1. Frei (éd.), 1991, Medizin und Gesundheit in der NS-Zeit, n° spécial de la coll. éditoriale des Vierteljahreshefte für Zeitgeschichte, Munich, Oldenbourg. Un livre de très haut niveau historiographique présenté par l’historien de l’Institut für Zeitgeschichte (Munich) N. Frei. Il témoigne de la prise en compte par l’histoire contemporéaniste des recherches des dix dernières années en histoire de la médecine et de la psychiatrie. N. Frei estime que la médecine et la politique de santé subit, dans les années 1920, l’équivalent d’un double « changement de paradigme » : 1) le passage, coût de la médecine et crise économique aidant, d’une médecine essentiellement de soins à une médecine davantage orientée vers la prévention ; 2) le passage d’une médecine libérale purement individualiste à un concept d’hygiène sociale ou eugénique, fondée sur les connaissances génétiques et psychiatriques de l’époque, visant à assainir la société dans son ensemble, et coupée de la tradition humaniste et chrétienne. Le nazisme avec le « devoir d’être en bonne santé » et sa médecine de la « Volksgemeinschaft » ne fera que pousser à l’extrême ces tendances. Le livre se divise en deux parties : 1 – « Médecine et Santé dans le champ interactif de la politique, de l’idéologie et du progrès scientifique » ; 2 – « Psychiatrie et euthanasie ». A. Labisch & F. Tennstedt montrent que la centralisation de la politique médicale sous le IIIe Reich trouve ses racines dans l’uniformisation et l’unification des soins médicaux au cours des dernières années de Weimar, en particulier dans l’Etat de Prusse. L’historien anglais de la médecine, de la biologie et de l’eugénisme allemands P. Weindling analyse la « région modèle » de Thuringe où le bio-généticien, eugéniste et SS K. Astel commença à établir un fichier racio-génétique de la population pour pouvoir mieux contrôler la reproduction des éléments désirables ou indésirables. F. Kudlien se penche sur l’activité médicale « normale » sous le IIIe Reich. Knödler observe que le principe autour duquel s’organise la politique médicale national-socialiste est celui de l’optimisation de l’efficacité nationale (thèse avancée pour la 1ère fois par Searle en 1971 pour l’eugénisme anglais, puis par S. Weiss et P. Weingart pour l’eugénisme allemand). Le généticien B. Müller-Hill fournit une réflexion générale reprenant une idée esquissée dans son livre de 1984 (trad. fr. 1989, cf. 2e partie de notre article). Il conteste la tendance historiographique – toujours présente (cf. par ex. Kater 1989) – considérant que les recherches bio-anthropologiques, toujours plus intenses après 1933, seraient a priori ascientifiques. Reprenant la définition historico-sociologique de la science que donne Kuhn et selon laquelle doit être considéré comme « science » sur le plan historique ce qui était reconnu comme tel par les scientifiques d’une époque donnée, il trouve la singularité du totalitarisme nazi dans la « science de la ségrégation (Aussonderung ) de minorités biologiquement définies et la technique de leur élimination ». Müller-Hill juge que le silence des historiens des sciences et de la médecine, allemands mais aussi étrangers (silence qui commence à sérieusement troublé depuis dix ans), au sujet de la responsabilité de leur discipline « indique un problème international : à l’échelle mondiale, les scientifiques se refusent d’admettre que leur science ait pu se mettre au service de l’injustice. Ils préfèrent parler de pseudo-science » (p.153). Il souligne que le fait qu’une partie de la bio-anthropologie de l’époque ait été réfutée ne remet pas en cause le rôle de la science. Si le régime nazi avait pu disposer des moyens de la génétique moderne, permetant de dépister, avec les empreintes d’ADN, l’appartenance « populationnelle » des Juifs et des Tziganes, les moyens auraient été plus objectifs mais pas plus justes pour autant. Quant aux expériences « humaines » dans les camps, on ne peut disculper la science en prétendant qu’elles étaient ascientifiques. Sinon on se demande pourquoi les Américains en ont emporté les résultats et ont fait travailler quelques uns des responsables aux Etats-Unis pour l’armée américaine. W. Dressen et V. Riess, dans une contribution intéressante sur « Exploitation et Extermination. La politique de santé dans le Gouvernement général (de l’Est) », étudient la mise en esclavage économique des Polonais, soumis en outre à une politique démographique « négative », et le mécanisme qui, pour les Juifs, conduisit à la « Solution finale » (pp. 164-66). Les conditions sanitaires et alimentaires auxquelles furent soumis les Juifs polonais favorisa l’apparition d’épidémies, en particulier de typhus, dont ils devinrent les principaux porteurs. Par mesure de « prophylaxie » pour les militaires allemands et la population polonaise économiquement utile, on les parqua en 1940 dans des guettos hermétiques, où évidemment les épidémies ne firent que croître. Tout Juif trouvé hors du ghetto était immédiatement abbatu. Face à ce « danger » médical, comme il n’était pas question pour l’administration nazie, à cause des restrictions liées à la guerre, de leur fournir les moyens médicaux et alimentaires d’arrêter ces épidémies, il ne restait selon le Dr. Walbaum, directeur des services médicaux du Gouvernement Général, que deux « solutions » : « on les condamne à mourir de faim dans les ghettos ou on les abats » (oct. 1941). Cette « médicalisation du Problème juif », comme l’appelle R. Proctor (1988a), méritait à notre sens un article complet à lui seul. Elle joua un rôle très important, comme y insistent les auteurs (et Browning 1988) dans l’acheminement progressif vers la « Solution finale ». La deuxième partie, sur la psychiatrie et l’euthanasie correspond à l’état de la recherche sur la question que l’on retrouve dans les ouvrages équivalents. Notons l’article de Siemen sur « Réforme et radicalisation. La transformation de la psychiatrie pendant la crise économique mondiale » où il montre que le développement des thérapies psychiatriques sous Weimar conduisit à la distinction des patients « curables » et « incurables ». Les dépenses orientées, par un « activisme thérapeutique », vers les « curables » eurent pour corrolaire la conscience du coût incompressible des « incurables », sauf à passer par leur élimination. Analyse que partage sur ce point K. Dörner dans « Psychiatrie et question sociale. Plaidoyer pour une historiographie élargie de la psychiatrie ».

 

  1. Friedrich & W. Matzow (éd.), 1992, Dienstbare Medizin. Ärzte betrachten ihr Fach im Nationalsozialismus, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht. Reprend les textes d’une série de conférence organisées par la Faculté de médecine de Göttingen en collaboration avec la Chambre des médecins locale et la section locale de l’IPPNW. C. Vogel sur « Hygiène raciale – idéologie raciale – darwinisme social: les racines de l’Holocauste » ; K. Lepsien & W. Lange sur « Persécution, émigration, et extermination de médecins juifs » ; J.E. Meyer sur la psychiatrie sous le NS ; V. Zimmermann sur la médecine dans la ville universitaire de Göttingen 1933-1945, contenant de nombreux éléments nouveaux, en particulier sur l’anthropologue-eugéniste « résistant » K. Saller; J. Bogusz sur les expérimentations humaines ; U. Venzlaff sur les dommages psychologiques des victimes de la persécution nazie ; H. D. Söling, sous le titre provocateur « Médecine sous le IVe Reich », analyse aussi bien la bien difficile « confrontation au passé » de la médecine allemande et les continuités entre le IIIe Reich et le RFA, que les nouveaux dangers de la médecine contemporaine.

 

  1. Gernhold, 1986, Die nationalsozialistische Gesundheitspropaganda bis 1939 unter besonderer Berücksichtigung der Gesundheitserziehung von Arbeitern und Frauen. Untersucht an fünf Zeitschriften : Gesundheit, Gesundes Volk, Volksgesundheit, Volksgesundheitswacht und Wege zur Gesundheit. Th.D. hist. méd. Münster. La propagande NS en matière de santé, en particulier à destination des ouvriers et des femmes, étudiée à travers 5 revues.

 

  1. Geyer, 1990, Eugenik und Euthanasie in der ethisch-politischen Programmatik der deutschen Ärzteschaft: eine inhaltsanalytische Auswertung von Standesorganen und medizinischen Wochenschriften für den Zeitraum 1930 bis 1983, Th. D. méd. Duisburg. Analyse des positions de la presse médicale en matière d’eugénisme et d’euthanasie, dont nous retiendront surtout la période 1930-1945.

 

  1. Greger, 1984, Die Organization der ärztlichen Fortbildung von 1933 bis 1945. Th.D. hist. méd. Munich LM. L’organisation de la formation continue et des cours de perfectionnement pour les médecins entre 1933 et 1945.

 

  1. Haug, 1985, Die Reichsarbeitsgemeinschaft für eine Neue Deutsche Heilkunde (1935/36). Ein Beitrag zum Verhältnis von Schulmedizin, Naturheilkunde und NS, Abhandl. z. Gesch. d. Medizin & d. Naturwiss. n°50, Husum, Matthiesen (d’abord Th.D. hist. méd. Marburg 1984). Le nazisme avait un faible pour les méthodes « naturelles » et en particulier l’homéopathie qu’il souhaitait donc favoriser. Mais la corporation des médecins académiques, dont le soutien politique était indispensable au régime, tenaient en général l’homéopathie et toutes ces méthodes « naturelles » pour une charlatanerie. Les luttes d’influence et les tentatives d’unification des deux mouvements de la part des autorités culminèrent avec la proclamation en 1935 d’une « Communauté de Travail du Reich pour une Nouvelle Thérapeutique Allemande ».

 

H.L. Hirt, 1974, Der Begriff « Rasse » im Werk G. Benn. Th. D. Kiel. Le concept de « race » chez le célèbre écrivain expressioniste et médecin Gottfried Benn qui se rallia au nazisme.

 

  1. Hohendorf & A. Magull-Seltenreich (éd.), 1990, Von der Heilkunde zur Massentötung. Medizin im NS, Heidelberg, Wunderhorn. Livre rassemblant un cycle de conférences tenues à la Faculté de Médecine de Heidelberg en 1989-1990. Un des meilleurs ouvrages collectifs allemands sur la question. Comprend en particulier l’une des réflexions les plus approfondies, sur « Le rapport de la médecine à son histoire », de Bernd Laufs, pp.233-253. Signalons également l’article de M. Müller-Küppers sur la pédo-psychiatrie et l’euthanasie » et celui de Petra Becker-von Rose sur le célèbre professeur de psychiatrie de l’Université d’Heidelberg C. Schneider, instigateur scientifique de l’euthanasie.

 

  1. Hoedeman, 1991, Hitler or Hippocrates: medical experiments and euthanasia in the Third Reich, Sussex, Angleterre, Book Guild. Ouvrage non examiné.

 

  1. Jäckel, 1988a, Die Arzte und die Politik: 1930 bis heute, Munich, C.H. Beck. Bien qu’auteur d’une étude historique sur l’émigration des médecins juifs (1986b), Renate Jäckle se présente elle même non comme historienne de la médecine mais comme « femme médecin politiquement active » et « journaliste ». Ce livre qui retrace en moins de 200 pages les orientations politiques du corps médical allemand de 1930 à 1988 ne fait d’ailleurs pas mystère de ses engagements politiques. On pourrait lui reprocher, malgré sa trame chronologique affichée, un certain décousu et des aller et retour permanents d’une époque à l’autre, ce qui s’explique du fait que tout l’ouvrage tourne autours de la période nazie. Malgré tout, il fournit une documentation absolument indispensable que l’on trouve difficilement ailleurs, en particulier pour la période 1945-1988.

 

  1. Jahnke-Nückles, 1992, Die Deutsche Gesellschaft für Kinderheilkunde in der Zeit der Weimarer Republik und des NS, Th. D. hist. méd. Fribourg. La Société Allemande de Pédiatrie sous Weimar puis le NS.

 

  1. Jakobi, P. Chroust, M. Hamann, 1982, Aeskulap & Hakenkreuz. Zur Geschichte der Medizinischen Fakultät in Giessen zwischen 1933 und 1945, Francfort, Mabuse. Monographie complète sur ce bastion médical nazi que fut l’Université de Giessen.

 

  1. Karlson, 1990, Adolf Butenandt : Biochemiker, Hormonforscher, Wissenschaftspolitiker, Stuttgart, Wissenschaftliche Verlagsgesellschaft. Monographie sur ce scientifique passionant, directeur en 1936 de l’Institut Kaiser Wilhelm de Biochimie, Prix Nobel en 1939 pour ses travaux sur les hormones humains et qui refusa les offres américaines de quitter l’Allemagne nazie.

 

  1. H. Kater, 1989, Doctors under Hitler, Chapel Hill, The University of North Carolina Press. Sans doute l’étude historico-sociologique quantitative et institutionnelle la plus approfondie sur l’ensemble de la corporation médicale sous le IIIe Reich, étudiant également des aspects souvent négligés par d’autres historiens (par exemple le statut et le ralliement des femmes médecins). Kater, en historien généraliste de l’Allemagne, a essentiellement travaillé sur des archives auparavant peu dépouillées. Il partage l’analyse de Lifton du IIIe Reich comme « biocratie » : -« Auschwitz constituait l’extension logique de la stérilisation et de l’‘euthanasie‘ ; il devint la clinique raciale par excellence » (pp.177-82). A côté des très nombreux apports de l’ouvrage, on pourrait toutefois lui reprocher de négliger ou minimiser, dans sa présentation de l’historiographie de la médecine sous le nazisme (introduction), le nombre et la valeur historiographique des publications allemandes des années 1980. Le point le plus faible du livre touche peut être à son approche en matière d’histoire des sciences. En effet, il semblerait qu’il confonde l’anthropologie raciale (Rassenkunde ) et l’eugénisme (Rassenhygiene ), qui certes se recouvraient en partie et s’unissaient dans la discipline commune de la « biologie raciale » (Rassenbiologie ) mais constituaient malgré tout deux branches bien indépendantes (certains eugénistes allemands, en particulier à gauche, ne s’occupaient absolument pas des questions raciales). En ce sens il identifie raciologie, eugénisme et racisme, malgré les apports des travaux des dernières années sur la question (cf. 2e partie de notre article sur l’eugénisme et l’anthropologie raciale). Historiquement, on pourrait penser qu’il commet une erreur en fixant l’établissement de ces « nouvelles pseudo-disciplines », comme la Rassenkunde ou la Rassenhygiene , dans les facultés de médecine à l’arrivée au pouvoir des nazis (p.111) alors qu’elles étaient institutionnalisées dans l’ensemble des universités allemandes avant 1933 et pas seulement chez les eugénistes et anthropologues völkisch (Friedenthal, Münter, Brandt, Poll et Weidenreich, qui émigrèrent, enseignaient la raciologie ou l’eugénisme sous Weimar). Il commetait déjà cette erreur dans son livre sur l’Ahnenerbe où il réduisait la raciologie au vulgarisateur nordiciste H.F.K. Günther. Cela ne diminue en rien la qualité du reste de l’ouvrage, malgré l’oubli des travaux de M. Günther, S. Weiss, Weingart, Kroll, Bayertz, Weindling, Proctor, etc. pourtant publiés pour la plus grande partie avant 1989 et partiellement cités dans sa bibliographie).

 

  1. Kelting, 1974, Das Tuberkuloseproblem im Nationalsozialismus. Th. D. hist. méd. Kiel.

 

E.M. Klasen, 1984, Die Diskussion über eine « Krise » der Medizin in Deutschland zwischen 1925 und 1935. Th.D. hist. méd. Mayence. Les débats autours de la crise de la médecine de 1925 à 1935.

 

  1. Kratz & H.M. Kratz, 1986, « Neue Deutsche Medizin » und « Neue Deutsche Heilkunde »: Erscheinungsformen der Anpassung an ideologische und politische Zielsetzungen der faschistischen Diktatur von 1933 bis 1945, Th.D. hist. méd. Leipzig, RDA.

 

  1. Kudlien (éd.), 1985, Ärzte im NS, Cologne, Kiepenheuer & Witsch. Ouvrage collectif, écrit pour un quart par F. Kudlien, avec des contributions de quelques uns des plus réputés des historiens de la médecine en Allemagne pour la période. Etudie la plupart des aspects du problème, depuis l’engagement politique des médecins et étudiants en médecine et leurs organisations jusqu’aux expérimentations humaines et l’euthanasie. 1ère partie : « Avant 1933 » avec les médecins partisans du mouvement NS (Kudlien) et les médecins adversaires du NSDAP (M. Gaspar) ; 2e partie : « Le IIIe Reich et ses collaborateurs médicaux » : avec l’exclusion des médecins juifs et politiquement indésirables (W.F. Kümmel) ; les facultés de médecine et les étudiants en médecine (M.H. Kater) ; G. Lilienthal sur la Ligue des médecins allemands NS ; A. Haug sur l’Ecole Supérieure de Alt-Rehse destinée à former la nouvelle génération des médecins allemands NS ; A. Haug sur la chaire de « médecine naturelle » de l’Université d’Iéna occupée par E. Stein avant 1933 (lequel, juif, sera déporté en 1942 à Theresienstadt) transformée en chaire de « biologie médicale » par son successeur Köschau en 1934 ; A. Haug sur l’Hôpital Rudolf Hess à Dresde faisant appel aux « médecines naturelles » ; A. Haug sur le projet d’une maison de la santé pour les médecins allemands ; G. Lilienthal sur les médecins et la politique raciale à travers le cas des « Lebensborn » ; K.H. Roth sur la « médecine du rendement » et l’utilisation de la métanphétamine « Pervitin » sous le IIIe Reich ; G. Baader sur les expérimentations humaines ; R. Winau sur les stérilisation, l’euthanasie et la « sélection »par les médecins SS des camps de concentration ; 3e partie : « les médecins comme aides des persécutés, critiques des mesures nazies et opposants du IIIe Reich » (Kudlien) commence par définir ce qui ne constituait pas des attitudes de résistance à défaut de pouvoir cerner précisément ce qui l’était.

 

  1. Labisch & F. Tennstedt, 1985, Der Weg zum « Gesetz über die Vereinheitlichung des Gesundheitswesens » vom 3. Juli 1934. Entwicklungslinien und -momente des staatlichen und kommunalen Gesundheitswesens in Deutschland, Schriftenreihe der Akademie für öffentliches Gesundheitswesen in Düsseldorf, Düsseldorf, Akad. f. öff. Ges.wesen, 2 vol. Ces deux volumes, produits par l’historien, sociologue et médecin Labisch et le sociologue et juriste Tennstedt, tous deux partisans d’une histoire sociale des politiques de santé, analysent dans le détail la préhistoire et l’histoire de la loi d’unification de la santé de juillet 1934 à l’occasion de son 50e anniversaire. L’ouvrage semble apporter un point quelque peu définitif à la question. Le 2e vol. contient 150 pages de biographies des principaux acteurs avec photos.

 

  1. Lampert, 1991, Die Pathologische Anatomie in der Zeit des NS unter besonderer Beachtung der Rolle einiger bedeutender Fachvertreter an deutschen Universitäten und Hochschulen, Th.D. hist. méd. Leipzig.

 

C.G. Levacher, 1986, August Bier und sein harmonisch-biologisches System der Medizin. Th.D. hist. méd. Heidelberg.

 

R.J. Lifton, 1986, The nazi Doctors. Medical Killing and the Psychology of Genocide, NY, Basic Books (trad. fr. : Les médecins nazis, Paris, Laffont, 1986). L’approche psychologique en histoire avec ses avantages et ses inconvénients. Côté avantage, on dispose enfin d’un aperçu « interne » sur la psychologie des médecins nazis grâce à un certain nombre d’interviews pratiqués par l’auteur. En mettant en évidence le côté « normal » des médecins des camps de concentration et leur intégration dans le réseau médical académique et scientifique, il tend à démythifier l’image que l’on se faisait des médecins SS comme pures brutes sadiques et dépravées. Par contrecoup, en « dédémonologisant » ces « Mengele », il les réintègre dans l’ensemble de la communauté des médecins allemands, dont ils ne se distinguent plus de façon extrême. Il montre notamment que l’impulsion au meurtre des médecins nazis contre certaines catégories d’individus s’inscrivait dans une perspective thérapeutique collective (le « médecin du Peuple »). Il explique la présence simultanée des deux impulsions (tuer et soigner) par un « dédoublement » de personalité chez les médecins SS et une « déréalisation » du crime. L’approche psychologique, pour peu que l’on admette toutes les hypothèses de l’auteur, permet de comprendre l’intégration d’individus « normaux » (comme de jeunes médecins fraîchement diplômés et SS « idéalistes » envoyés là presque par hasard) dans le chaînon extrême d’un système totalitaire. La limite de l’étude réside dans le fait qu’elle n’explique pas le système, son avènement, et son idéologie. On ne peut cumuler ces cas individuels pour faire une histoire générale, sauf à faire une histoire des mentalités (qui ne doit pas négliger l’histoire de la science). Comme le note B. Laufs (art. cité), avec ce genre d’approche, on risque toujours de tomber dans l’explication « anthropologique » : le « mal » potentiel se trouve en tout homme, les circonstances déterminent son expression. Or, comme le fait remarquer B. Laufs, « le fondement potentiel du crime s’inscrivait dans la structure de la science, la participation directe au crime dans la décision des individus » (B. Laufs, in G. Hohendorf & A. Magull-Seltenreich (éd.),1990, p.248). Il est donc nécessaire de mettre en évidence la structure de la « science normale », au sens kuhnien du terme, ce que ne fait pas vraiment Lifton. Sa volonté de distinguer la « vraie » science génétique « légitime » de la « fausse » science eugénique et son affirmation selon laquelle l’eugénisme allemand se distinguait par ses « excès romantiques » des courants eugéniques des autres pays (pp.23-24) appelle de sérieuses nuances à la lumière de des travaux les plus récents sur l’histoire de la génétique et de l’eugénisme dans le premier tiers du XXe siècle. Si l’on en croit l’historienne américaine de l’eugénisme allemand S. Weiss, la tendance « non-raciste » de l’eugénisme l’emportait en Allemagne à la veille de l’arrivée des nazis au pouvoir. Malgré tout, le livre de Lifton, en réhumanisant l’approche, touche beaucoup plus le lecteur que le récit un peu sec de certains historiens des sciences avec qui on finit parfois par oublier quelles furent les conséquences humaines des « paradigmes » et autres « révolutions scientifiques » dans les disciplines bio-médicales allemandes du premier tiers du XXe siècle.

 

  1. Loewenstein, 1987, Weimarer gesundheitspolitische Reformen und ihre Zerstörung: Erinnerungen eines leitenden Medizinalbeamten, Brême, Forschungsschwerpunkt Reproduktionsrisiken, Soziale Bewegungen und Sozialpolitik an der Universität Bremen. La socialisation de la médecine sous la République de Weimar, affectant le statut, l’autonomie et le revenu des médecins libéraux, explique en partie le ralliement des médecins au nazisme, leur antisémitisme (les médecins juifs étaient particulièrement présents – ou du moins « socialement visibles » – dans le système des caisses de santé), et leur acharnement contre les fonctionnaires médicaux juifs, socialistes et communistes. Une partie de ces réformes furent abolies sous le NS, comme en témoigne ce haut fonctionnaire médical d’alors.

 

Medizin im NS, Kolloquien des Instituts für Zeitgeschichte, 1988, (M. Broszat, N. Frei, K. Dörner, P. Weindling, R. Winau, B. Müller-Hill, F. Kudlien, D. Blasius), Munich, Oldenbourg. L’intégration de la nouvelle problématique dans l’histoire générale contemporaine sous les auspices de l’Institut d’Histoire Contemporaine de Munich (prépara : N. Frei (éd.), 1991).

 

Medizin im NS-Staat. Täter, Opfer, Handlanger, 1988, n°4 de « Dachauer Hefte ». 12 articles sur cette question dans cette revue consacrée à l’histoire des camps de concentration nazis. E. Klee (sur les médecins responsables du gazage) : « Ouvrir le robinet n’était pas une aventure » ; E. Lingens, « Femme-médecin à Auschwitz et Dachau » ; R. Jäckle, « ‘Le devoir d’être en bonne santé‘ et ‘l’élimination‘ » ; A. Wajnryb, « La médecine dans le guetto de Vilna » ; H. Simon-Pelanda, « Médecine et lutte contre l’alcoolisme » (problème pouvant être « guéri » par un séjour en camp de concentration); R. Reiter, « Descendance indésirable » (sur les avortements obligatoires des femmes étrangères travaillant en Allemagne sous le NS), etc.

 

  1. Mersmann, 1978, Medizinische Ausbildung im Dritten Reich. La formation des étudiants en médecine sous le IIIe Reich (Th.D. hist. et sociologie méd. Munich TU).

 

  1. Meyer & F. Meyer, 1991, Medizinische Aspekte der ernährungswissenschaftlichen und organisatorischen Vorbereitung auf den Krieg im NS Staat (1933-1942), Th.D. méd. militaire, Leipzig.

 

  1. Meyer, 1979, Über wissenschaftliche Veröffentlichungen aus Lazaretten und Lazaretteinrichtungen der deutschen Wehrmacht und der Waffen-SS von 1933-1945. Eine Zusammenstellung und Darstellung anhand von vier Zeitschriften : Münchener Medizinische Wochenschrift ; Deutsche Medizinische Wochenschrift ; Klinische Wochenschrift ; Medizinische Wochenschrift. Les publications scientifiques provenant des hôpitaux militaires de la Wehmacht et de la Waffen-SS de 1933 à 1945 dans les quatre quotidiens médicaux les plus importants (Th. D. hist. méd. Munich LM).

 

  1. Meyer, 1989, Die Frau in der ärztliche standes- und parteipolitischen Presse von 1933-1939, Th.D. FU Berlin.

 

W.J. Modersohn, 1982, Das Führerprinzip in der deutschen Medizin 1933-1945. Th.D. hist. méd. Kiel.

 

  1. Müller-Hill, 1984, Tödliche Wissenschaft, Reinbeck, Rowohlt ; trad. fr. 1989 : Science nazie, science de mort. L’extermination des Juifs, des Tziganes et des malades mentaux de 1933 à 1945, Paris, Odile Jacob. L’ouvrage, traduit en plusieurs langues, de ce professeur de génétique de l’Université de Cologne, possède le grand mérite de démontrer une fois pour toute, dans un langage clair, synthétique et court (120 pages de texte proprement dit) que la science ne peut plus proclamer son innocence à l’égard des crimes du nazisme. Les scientifiques (médecins, anthropologues, généticiens) qui aidèrent le régime nazi dans sa tâche de purification eugénique et raciale ne furent pas des figures marginales ou de second plan mais généralement les plus en vue de leur communauté. De plus, ils ne furent pas des cas isolés mais l’indice d’un ralliement massif de ces communautés. On ne peut donc plus expliquer cette collusion comme étant « uniquement le fruit de l’égarement de quelques individus ». Il faut au contraire en déduire, avec l’auteur, que ce phénomène avait « pour origine des défaillances de la psychiatrie et de l’anthropologie elles-mêmes » (p. 112). Müller-Hill pose donc le véritable problème (la science a pu collaborer étroitement avec le nazisme) et la bonne question : l’origine de cette symbiose entre nazisme et science ne vient pas du « fourvoiement » de quelques individus mais des conceptions dominant alors dans ces sciences. Le défaut majeur du livre réside justement dans le fait que, du point de vue de l’histoire des sciences, il ne se penche pas sur ces « défaillances » et donc ne répond pas à la question qu’il a si justement posée. A une analyse des conceptions régnant dans les sciences bio-médicales avant et après 1933, il préfère un explication combinant marxisme, psychanalyse et théologie dans une « mer écumante d’irrationalité » dont voici un échantillon : « les professeurs en anthropologie, en psychiatrie et en éthologie devinrent ainsi les théologiens d’un nouveau culte de Baal, et les médecins praticiens en furent les prêtres. Ces anthropologues et psychiatres (…), théologiens du culte de l’extermination (…), sacrifièrent des millions de personnes sur les autels et les fours qu’ils édifièrent aux quatre coins du Reich. (…) les Juifs étaient les fidèles du premier culte monothéiste européen, et en tant que tels les ennemis héréditaires des nouveaux prêtres de Baal » (c’est-à-dire des médecins, psychiatres, généticiens et anthropologues, p.105). Le fait que K. Kautsky, le fameux théoricien du marxisme orthodoxe adhéra à l’“hygiène raciale“ en 1910 et que de nombreux médecins, anthropologues et généticiens juifs enseignèrent et propagèrent dans le public avant 1933 ce « culte de Baal » indique pourtant que celui-ci ne fut pas seulement une affaire des « scientifiques bourgeois » et de la « classe bourgeoise » pour « sauver le capitalisme » (p.106). L’étude historique de la complexité de ces réseaux entre science, idéologie et société ne constitue donc pas le point fort du livre qui n’est point un ouvrage d’histoire des sciences mais un réquisitoire dont la thèse centrale est tout à fait fondée. En outre, on pourrait reprocher à l’auteur, pour le besoin de son propos (la responsabilité des scientifiques) de n’avoir sélectionné dans les textes de ces scientifiques que les déclaration les plus extrêmes allant dans le sens de sa thèse. Le tableau qu’il brosse de ces scientifiques (E. Fischer, F. Lenz, W. Scheidt, K. Saller, etc.) ne reproduit donc pas toujours avec fidélité la complexité idéologico-scientifique de ces personnages. Insuffisament informé sur l’histoire de ces disciplines et de ses protagonistes avant 1933, ses clivages quelque peu manichéens font parfois tomber ces scientifiques dans le camp où il ne les situerait sans doute pas s’il en savait davantage sur leur compte (par ex. W. Scheidt, p.115, qui selon lui, « refusa les théories raciales de ses collègues »). Müller-Hill a eu l’excellente idée d’interroger plusieurs des scientifiques témoins de l’époque ou leurs enfants (« entretiens » pp.119-190). On regrette qu’un certain nombre de ces personnes (P.E. Becker, S. Ehrhardt, etc.) aient interdit la publication des interviews. En tant qu’historien de la période nazie, on peut s’interroger sur le bien-fondé du respect d’une loi interdisant l’accès aux archives universitaires (Personalakten , les personnes doivent être décédées depuis au moins 30 ans) et protégeant les informations provenant de personnes inscrites au NSDAP et ayant collaboré à une politique criminelle. Faut-il vraiment attendre l’an 2030 pour écrire une histoire complète de cette période ?

 

  1. Obermann, 1992, Göttinger Ärzte in der Zeit des Nationalsozialismus, Th. méd. Göttingen.

 

  1. Peiffer (éd.), 1991, Menschenverachtung und Opportunismus. Zur Medizin im Dritten Reich, Tübingen, Attempto. Ouvrage collectif résultant d’une série de conférences à l’Université de Tübingen. Les conférences furent initiées par un collectif d’étudiants en médecine. Ceux-ci reconnaissent que l’attention portée à la question s’est développée « dans les dernières années ». Toutefois, ils considèrent que « le rôle des médecins sous le IIIe Reich n’est aucunement éclairci de manière définitive. Sans arrêt, on découvre de nouveaux liens ». Il faut donc tenter de décrire les « causes et les structures qui ont menées à l’établissement de cette médecine méprisant l’homme ». Parmi les contributions : D. Langewiesche sur les conséquences des crises politico-économiques vécues par les médecins sous Weimar et leur prise de distance à l’égard du régime et de l’idéologie démocratique ; W. F. Kümmel sur l’antisémitisme des médecins allemands au XIXe et XXe siècle ; E. Klee sur l’euthanasie comme étape préliminaire à l’holocauste ; W. Wuttke sur l’idéologie de la médecine nazie ; H. Heimann sur les patients psychiatriques sous le nazisme ; J. Bierich sur la résistance médicale sous le nazisme ; etc., ainsi que des articles sur des points plus particuliers ou généraux (J. Peiffer sur les conflits éthiques du médecin chercheur). Contient également un article sur le rôle de l’anthropologie dans l’Etat nazi par H. Ritter (commentaire dans la 2e partie de notre article sur « Eugénisme, génétique et anthropologie »).

 

  1. Pirlich, 1991, Entwicklung und Funktion des Systems der ärztlichen Fortbildung in Deutschland 1933 bis 1945, Th.D. hist. méd. Leipzig.

 

  1. Proctor, 1988a, Racial Hygiene. Medecine under the Nazis, Cambridge, Mass., Harvard U.P. Voir commentaire dans la deuxième partie de notre article sur « Eugénisme, génétique et anthropologie ».

 

  1. Pross & G. Aly (éd.), 1989, Der Wert des Menschen. Medizin in Deutschland 1918-1945, (édité par la Chambre des médecins de Berlin en collaboration avec la Chambre des médecins de RFA), Berlin, Ed. Hentrich. Excellent ouvrage collectif sur la médecine allemande de 1918 à 1945. Ouvrage initié par la Chambre des médecins de Berlin qui, depuis 1987, est contrôlée par une majorité de gauche-écologiste (Grünen ). Il réunit, en même temps que le catalogue d’une exposition lors du 92e Congrès des médecins allemands à Berlin les textes d’un symposium international. H.-P. Schmiedebach sur l’idéologie corporatiste des médecins sous Weimar ; S. Leibfried a condensé sous forme d’autobiographie plusieurs interviews qu’il avait fait avec le Dr. G. Loewenstein, émigré en 1938 en GB. Celui-ci raconte ses souvenirs de médecin juif en Allemagne de 1933 à 1938, les sévices physiques que lui firent subir les nazis et sa déception de voir des anciens ouvriers socialistes participer à ces chasses à l’homme. U. Schultz et L.M. Hermanns sur la tentative avortée d’une clinique psychanalytique à Berlin. Plusieurs articles très intéressants (de S. Hahn, A. Grossmann, D. Nadav) sur l’imprégnation des milieux médicaux socialistes, hygiénistes sociaux et réformateurs sexuels par la pensée eugénique sous Weimar (J. Moses, A. Grotjahn, etc.); l’historienne américaine S.F. Weiss sur l’histoire de l’eugénisme allemand de 1904 à 1933 ; A. Bergmann, G. Czarnowski & A. Ehmann sur l’histoire du KWI d’anthropologie, de génétique humaine et d’eugénisme de 1927 à 1945 ; M. Hubenstorf sur les tendances politiques du corps médical allemand dans l’entre-deux-guerre ; B. Leyendecker & B.F. Klapp analysent la recherche médicale allemande sur l’hépatite pendant la guerre et les expérimentations humaines sur les prisonniers ; C.R. Browning sur « Génocide et politique de santé. Les médecins allemands et les Juifs polonais 1939-1941 » ; F. Kudlien sur les crimes des médecins de la Wehrmacht durant la guerre contre l’URSS et enfin M.H. Kater sur « la crise des médecins et de la médecine sous le IIIe Reich ». Les contributions sur Weimar, plus rares dans les autres ouvrages, sont utiles pour comprendre l’atmosphère médicale de l’époque. L’ouvrage présente en outre de nombreux document (textes de J. Moses, du chirurgien Sauerbruch, d’un médecin suisse motocycliste de la Croix Rouge qui visita Varsovie en 1942 et dont le texte fut censuré en Suisse, etc.) et illustrations qui restituent cette atmosphère.

 

S.M. Rapoport & A. Thom (éd.), 1989, Das Schicksal der Medizin im Faschismus, Berlin-Est, VEB Verlag Volk & Gesundheit. Textes d’un Congrès scientifique international des sections européennes de l’IPPNW (médecins contre la guerre nucléaire) tenu en Allemagne de l’Est en 1988. Très nombreuses contributions (64), dont : Müller-Hill sur les recherches de Mengele ; Radil sur l’impact d’Auschwitz sur la science ; Jaroszewski sur l’extermination des aliénés en Pologne ; Späte sur les enseignements à tirer des abus de la psychiatrie ; Jäckle sur la « déjudaïsation » du corps médical ; G. Baader sur les commanditaires et les bénéficiaires des expérimentations humaines ; G. Grau sur le destin des homosexuels au camp de Buchenwald ; Vondra sur les expérimentations sur la Malaria avec les détenus du camp de Dachau ; Herber sur l’utilisation de « matériaux humains » (morts) de personnes exterminées par les chercheurs médicaux ; Taufrovà sur les médecins tchéques dans les camps de concentration ; Winkelmann sur le rôle de la « capitale du mouvement » nazi (= Munich) dans la préparation du ralliement du corps médical à la politique eugénique et raciale nazie ; Szarejko, Wasilewski & Glinski sur les méthodes employées pour exterminer les aliénés mentaux en Pologne occupée ; Thomann sur l’éditeur médical munichois J.F. Lehmann ; S. Schröter et Th. Schröter sur les dangers toujours actuels de « penser avec une image collective de l’ennemi » à travers le cas de l’antisémitisme « normal » (= quotidien) de la profession médicale allemande de l’entre-deux-guerre ; Heiming sur la « physiognomie et les théories raciales sous le NS » ; Harig sur l’exclusion des hommes et femmes médecins juifs à Munich ; Krause sur le destin des 14 hôpitaux et 50 maisons de retraite juifs allemands après 1933 ; Holdorff sur la neurologie sous le NS et en particulier les deux centres de recherche, de réputation internationale, à l’Institut de Breslau (dirigé par Foerster : le « plus important des neurologues allemands de ce siècle » et fondé en 1932 avec l’aide de la Fondation Rockfeller) et au KWI de Recherche sur le Cerveau de Berlin (Hallervorden qui utilisa les cerveaux fournis par l’opération euthanasie) ; le fameux Hanauske-Abel de la controverse avec Vilmar s’interroge sur la « pensée de l’ennemi » (« Les mauvais – ce sont les autres »), et critique les concepts d’identification collective tels que « les Allemands » ou le concept assez flou de « fascisme » (faisant partie de la phraséologie officielle de l’ex-RDA et toujours très utilisé par les milieux intellectuels allemands de gauche), etc. ; S. Hahn et A. Thom sur les conséquences néfastes de la guerre « fasciste » sur la pratique médicale ; Schmiedebach sur « le médecin comme combatant omnipotent » et la « militarisation de la médecine avant 1933 » ; Seithe sur l’évolution de la Croix Rouge Allemande (DRK) de 1933 à 1939 ; Kästner sur les objectifs et l’application de la recherche médicale « d’optimisation de l’efficacité nationale » dans le système de santé nazi ; Eckart sur la médecine tropicale et les révisions qu’elle entraîna dans les projets de politique coloniale nazie de 1933 à 1945 ; Elsner sur la médecine du travail comme instrument du militarisme ; Karbe sur le servive médical militaire et la médecine du travail NS ; Bleker sur le triage des blessés, opérant en premier lieu les soldats récupérables pour l’armée, par les médecins militaires de la Wehrmacht en 1939-1945 ; Seidel & Zallmann sur les certificats médicaux délivrés par les psychiatres concernant les suicides de soldats de la Wehrmacht ; Dörner sur la « Solution finale de la question sociale » par la médecine NS ; Seidel et Neumärker sur l’eugénisme du psychiatre Karl Bonhoeffer ; Pörksen sur les problèmes soulevés par une exposition sur le centre de psychiatrie de Lüneburg et l’euthanasie nazie en 1983 ; Loos sur le destin de l’hôpital psychiatrique de Berlin-Herzberge après 1933 ; Nuhn sur le centre psychiatrique d’Eichberg et ses directeurs de 1938 à 1945 ; Zimmermann et Wieland sur l’euthanasie des enfants dans le centre pédo-psychiatrique de Stadtroda en Thuringe et le rôle du directeur, le psychiatre G. Kloos ; B. Laufs sur le médecin comme « gardien de la communauté NS » ; Möller sur la position ambivalente de l’Eglise évangélique vis-à-vis de la loi de stérilisation ; Knaape sur l’euthanasie et la recherche neurologique sur les enfants handicapés mentaux au centre psychiatrique de Brandenburg-Görden ; Popielski sur la médecine NS à la lumière de la déontologie médicale ; Klivarovà sur les médecins tchéques résistants au nazisme ; Mausbach sur les conséquences directes et indirectes du Procès de Nuremberg contre les médecins ; Weerts sur la résistance des médecins hollandais contre le nazisme ; F. Jung apporte son témoignage d’étudiant en médecine et médecin sous le NS et d’expert sur les stérilisations de masse au moyen de drogues au procès de Nuremberg de 1947 ; E. Luther sur E. Abderhalden et le destin de la revue Ethik sous le nazisme ; Haag sur l’indemnisation très difficile à obtenir, au bout de 40 ans, d’une femme tzigane déportée (qui avait reçu une première « indemnisation définitive » de 22 DM en 1967) ; Schulz sur le neurologue et résistant de l’“Orchestre rouge“ Rittmeister ; Fahrenbach sur le médecin résistant Groscourth et l’ “Europäische Union » ; Ruprecht sur les hommes et femmes médecins anti-militaristes et anti-fascistes avant et pendant la 2e GM ; Volkmer sur le médecin communiste et propagandiste antifasciste émigré en URSS F. Wolf ; A. Thom sur le thème « médecine sous le fascisme » dans la formation en histoire médicale ; Pross sur les médecins de la RFA délivrant – le moins possible selon lui – de certificats pour les victimes de la politique médicale nazie ; etc. La mauvaise qualité d’impression et du papier ne facilite pas la lecture du livre.

 

K.P. Reeg, 1988, F.G.C. Bartels (1892-1968). Ein Beitrag zur Entwicklung der Leistungmedizin im Nationalsozialismus, Husum, Matthiesen, Abhandl. z. Gesch. d. Med. u. d. Naturwiss., 56. Monographie sur ce médecin et bras droit de G. Wagner à la Ligue des Médecins NS qui s’inscrivit au NSDAP dès 1920. Etudie également, à travers le cas de ce fonctionaire médical nazi, la « médecine orientée vers le rendement » (Leistungsmedizin ) particulièrement développée sous le NS.

 

  1. Reiche, 1990, Zur medizinischen Betreuung und sozialen Lage der im Raum Leipzig während des zweiten Weltkrieges eingesetzten ausländischen Zwangsarbeiter, Kriegsgefangenen und KZ-Häftlinge, Th.D. hist. méd. Leipzig.

 

K.H. Roth (éd.), 1984, Erfassung zur Vernichtung: von der Sozialhygiene zum ‘Gesetz über Sterbehilfe‘, Berlin, Verlagsgesellschaft Gesundheit. Contributions de R. Krieg, G. Aly, C. Baatz. La mise en fichier médical de la population : de l’hygiène sociale au projet de loi réglementant l’euthanasie.

 

  1. Schallwig, 1974, Paracelsus’ Bedeutung in der Medizin des Nationalsozialismus . Th. D. hist. méd. Kiel. Sur la figure de Paracelse, le réformateur de la médecine au temps de la Renaissance et instigateur d’une « médecine totale », dans la littérature médicale nazie.

 

  1. Schmidt, 1989, Die Bedeutung Erwin Lieks für das Selbstverstandnis der Medizin in Weimarer Republik und Nationalsozialismus, Th.D. Université Erlangen. Liek, auteur d’un best-seller attaquant la médecine libérale et « enjuivée » en 1925, éditeur de la Hippokrates Verlag et héros de la première heure de la « médecine national-socialiste », avait prédit dans les années 1920 que le cancer était étroitement lié à l’alimentation.

 

H.W. Schmuhl, 1987, Die Synthese von Arzt und Henker, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, Kritische Studien zur Geschichtswissenschaft, vol.75 (d’abord Th. D. Bielefeld 1986).

 

  1. Schwan, 1973, Himmlers Anregungen für die medizinische Forschung. Th. D. hist. méd. Kiel. Le rôle de Himmler dans l’orientation de la recherche médicale.

 

  1. Segal, 1991, Die Hohenpriester der Vernichtung: Anthropologen, Mediziner und Psychiater als Wegbereiter von Selektion und Mord im Dritten Reich, Berlin, Dietz. Ouvrage plus polémique qu’historique, inspiré par Müller-Hill, dont on peut dire, pour être honnête et bien que la thèse centrale soit juste, qu’il en reprend les défauts sans les qualités.

 

  1. Singer, 1979, Nationalsozialismus und Gesundheitspolitik in der « Stadt der Reichsparteitage » im Spiegel der « Nürnberger Zeitung » in der Zeit von 1933 bis 1938. National-socialisme et politique dans la ville de Nuremberg – la ville du gigantesque congrès du NSDAP – à travers le journal local (Th. D. hist. méd. Munich LM).

 

  1. Staundiger, 1985, Die heilkundliche Thematik im Reichsberufswettkampf. Th.D. hist. méd. Würzburg.

 

  1. Stephan, 1986, Das Dresdner Hygiene-Museum in der Zeit des Faschismus (1933-1945), Th. D. méd. Dresde, RDA.

 

  1. Thom, H. Spaar (éd.), 1983, Medizin im Faschismus. Symposium über das Schicksal der Medizin in der Zeit des Faschismus in Deutschland 1933-1945, n° spécial de Medizin und Gesellschaft, 26. Résultats d’un symposium sur la médecine sous le nazisme tenu en RDA avec une majorité de spécialistes du Bloc de l’Est, trois Allemands de l’Ouest et un Anglais (P. Weindling).

 

  1. Thom (éd.), 1989, Das Schicksal der Medizin im Faschismus: Auftrag und Verpflichtung zur Bewahrung von Humanismus und Frieden, Neckearsulm & Munich, Jungjohann Verlagsgesellschaft.

 

  1. Thom & G. I. Caregorodcev (éd.), 1989, Medizin unterm Hakenkreuz, Berlin-Est, VEB Verlag Volk und Gesundheit. Un monument de 500 pages, sous la direction de l’historien de la médecine est-allemand Thom et du Soviétique, membre de l’Académie des sciences médicales d’URSS, Caregorodcev. Sans doute destiné à rattraper en une seule fois le retard historiographique accumulé par rapport à l’Allemagne de l’Ouest, l’ouvrage représente un peu le chant du cygne de l’histoire marxiste-léniniste, version est-allemande, de la médecine sous le nazisme. Selon Thom, l’analyse du fascisme « possède une solide tradition dans notre République (= la RDA) et constitue une des conditions décisives pour l’établissement de l’ordre antifasciste-démocratique après la libération de la dictature fasciste et pour la construction consécutive de la société socialiste » (p.7). Thom reconnaît l’expansion de la recherche, dans ce domaine, en RFA, depuis le milieu des années 1970. Le préambule n’épargne au lecteur occidental, qui en a perdu l’habitude depuis quelques années, aucun des couplets de rigueur sur la « conception historiographique marxiste-léniniste » de l’origine des dictatures fascistes qui furent « la conséquence nécessaire de la crise générale du système capitaliste », de la « phase évolutive impérialiste de l’ordre économique capitaliste » et du « rapport de domination qui se vit menacé de façon croissante par les mouvement ouvriers révolutionnaires devenus puissants et l’ordre socialiste nouvellement instauré en URSS » (Thom, p.17). Cependant, la plupart des articles y compris ceux de Thom lui-même, réalisés par des historiens de la médecine de l’Université Karl-Marx de Leipzig et de l’Institut Karl-Sudhoff d’Histoire de la médecine et des sciences naturelles, constituent des études historiques précises et détaillées, tentant systématiquement de trouver des explications « structurelles », ce qui s’avère parfois fécond (par exemple sur le phénomène de la centralisation du traitement médical et de la politique de santé). Certains articles comblent des domaines encore lacunaires, tel celui de G. Grau sur la « persécution et l’élimination des homosexuels entre 1933 et 1945 », celui de N. Decker sur la politique médicale pratiquée en Pologne occupée, et celui de Caregorodcev et Decker sur les conséquences de l’occupation allemande en Union Soviétique. Le dernier analyse le programme de destruction systématique et « préventive » du peuple russe par les Allemands. Himmler considérait que l’un des buts principaux de la guerre contre l’Union Soviétique résidait dans l’annihilation de 30 millions de Slaves. La conclusion « éthique » (laquelle est déterminée « en dernière instance » par les structures socio-économiques) de Thom, bien qu’intégrant quelques réflexions d’auteurs d’Allemagne de l’Ouest (G. Mann, B. Müller-Hill, etc.), reste dans le ton général du préambule.

 

Volk & Gesundheit, Heilen & Vernichten im NS, 1982, Tübingen, Tübinger Vereinigung für Volkskunde. Travail collectif du groupe de recherche « Volk und Gesundheit » pour une exposition itinérante sur la médecine sous le NS.

 

  1. von Wahlert-Groothuis, 1984, Frauenbild und Frauenheilkunde im Nationalsozialismus, Th. D. hist. méd. Heidelberg. L’image de la femme et son traitement médical sous le NS.

 

  1. Walther, 1988, Ärzte und Zahnärzte im Alldeutschen Verband und in dessen Tochterorganization (1890-1939), Th.D. hist. méd. Mayence. Les médecins et dentistes dans la Ligue Pangermaniste de 1890 à 1939.

 

  1. Weindling, 1989, Health, race and German politics between national Unification and Nazism, 1870-1945, Cambridge, G.B., Cambridge UP. Voir commentaire dans la 2e partie de notre article (« eugénisme »).

 

  1. Wuttke-Groneberg, 1980, Medizin im NS. Ein Arbeitsbuch, Tübingen, Schwäbische V-anstalt (2e éd. 1982). Un imposant volume grand format réunissant 400 pages de documents.

 

  1. Zapp, 1979, Untersuchungen zum Nationalsozialistischen Deutschen Ärztebund (NSDÄB). Th. D. hist. méd. Kiel. Etude de la Ligue des Médecins Allemands Nationaux-Socialistes.

 

  1. Zunke, 1973, Der erste Reichsärzteführer Dr. med. Gerhard Wagner. Th. D. hist. méd. Kiel. La corporation des médecins allemands fut réorganisée selon le « führerprinzip » en 1933, son premier « führer » fut G. Wagner.

 

 

De plus, nous recommandons vivement au chercheur de se tourner, d’une part vers les histoires de telle ou telle université et les histoires des facultés de médecine et, d’autre part, vers les histoires de régions ou villes sous la période NS. Citons ici, mais la liste n’est pas exhaustive :

 

U.D. Adam, 1977, Hochschule und Nationalsozialismus. Die Universität Tübingen im Dritten Reich, Tübingen, J.C.B. Mohr. Avec en annexe une analyse de la fréquentation de l’université par les étudiants sous le NS. Ne comprend malheureusement pas de chapitre par faculté ni d’index des matières.

 

  1. Andree, 1989, « Die Auschaltung jüdischer Mediziner der Universität Breslau und die Gleichschaltung der Ärzteschaft durch den Reichsführer Gerhard Wagner », in L. Bossle, J. Menzel et al (éd.), Nationalsozialismus und Widerstand in Schlesien, Sigmaringen, pp. 105-20.

 

  1. Becker et al. (éd.), 1987, Die Universität Göttingen unter dem Nationalsozialismus, Munich, Saur.

 

  1. van den Bussche, F. Pfäfflin & C. Mai, 1991, « Die Medizinische Fakultät der Hamburger Universität und das Universitätskrankenhaus Eppendorf », in E. Krause, L. Huber & H. Fischer (éd.), Hochschulalltag im ‘Dritten Reich‘. Die Hamburger Universität 1933-1945, Hambourg, Dietrich Reimer, Hamburger Beiträge zur Wissenschaftsgeschichte, n°3, vol. 3, pp. 1259-1384. Cette monumentale monographie sur l’Université de Hambourg sous le IIIe Reich (3 vol., 1500 pages), contient de plus un article de C. Hünemörder « Biologie und Rassenbiologie in Hamburg 1933 bis 1945 » (vol.3, pp.1155-1196) qui traite de l’anthropologue W. Scheidt.

 

  1. Golczewski, 1988, Kölner Universitätslehrer und der Nationalsozialismus, Cologne, Bölhau, Studien zur Geschichte der Universität zu Köln, vol.8. Rédigé à partir d’un travail d’archives très précis. Contrairement au titre, traite également des étudiants. On notera en particulier le chapitre « Von der Rassenhygiene zur Humangenetik », pp.363-72.

 

H.-J. Hellmich, 1989, Die Medizinische Fakultät der Universität Freiburg i. Br. 1933-1945. Eingriffe und Folgen nationalsozialistischer Personalpolitik, Th. D. méd. Fribourg.

 

  1. Kästner & A. Thom (éd.), 1990, 575 Jahre Medizinische Fakultät der Universität Leipzig, Leipzig, Johann Ambrosius Barth. L’historien de la médecine A. Thom traite le chapitre « von 1933 bis 1945 », pp.162-202. On lira également avec profit les chapitres antérieur et suivant.

 

  1. Schmidt et al. (éd.), 1983, Alma mater Jenensis. Geschichte der Universität Jena, Weimar, Hermann Bölhaus, pp. 287-297 : « Die Universität Jena unter dem Faschismus (1933 bis 1945) ».

 

W.C. Schneider, 1985, « Die Chronik der Stadt Stuttgart 1933 bis 1945 und die ‘Ausscheidung Minderwertiger », in Demokratie- & Arbeitergeschichte Jahrbuch 4/5, F. Mehring, Stuttgart, pp.232-310. Article très complet et écrit dans un style limpide sur l’élimination médicale des « êtres inférieurs » dans la ville de Stuttgart. Pour montrer l’imprégnation des milieux médicaux allemands par l’eugénisme avant 1933, Schneider aurait pu rappeler que le premier président de la branche locale de la Société d’Hygiène Raciale fut le célèbre généticien-médecin-statisticien Weinberg, d’origine à moitié juive et auteur de la « Loi Hardy-Weinberg » en génétique.

 

  1. Seidler, 1991, Die Medizinische Fakultät der Albert-Ludwigs-Universität Freiburg im Breisgau. Grundlagen und Entwicklungen, Berlin, Springer. Cette excellente monographie comprend un chapitre très dense sur la « Faculté sous le IIIe Reich » pp. 293-383. On peut également trouver des informations intéressantes aux chapitres antérieur (Weimar) et postérieur (« Die Nachkriegszeit » : « Die Epuration » et « Die Fakultät und die Nürnberger Ärzteprozesse »).
  2. Wechsler, 1991, La Faculté de Médecine de la « Reichsuniversität Strassburg » (1941-1945). A l’heure nationale-socialiste, Th. D. méd. Strasbourg. Cette thèse d’un étudiant en médecine français comble un vide de l’historiographie allemande. Travail très documenté, par de nombreuses recherches en archives et par des prises de contact avec les survivants, sur la faculté de médecine de Strasbourg de 1941 à 1945. Situe l’analyse dans le double contexte de l’Alsace occupée et de l’Allemagne NS. Etudie aussi bien le financement, les procédures de nomminations et le cursus étudiant que les recherches en camps de concentration des Prof. Hirt, Bickenbach et Haagen. Se penche également sur la dénazification et le destin des professeurs après 1945.

 

  1. Wuttke-Groneberg, 1988, « Medizin, Ärzte, Gesundheitspolitik », in O. Borst (éd.), Das Dritte Reich in Baden und Würtemberg, Stuttgart, Konrad Theiss, éd. par la capitale du Land Stuttgart et la section d’histoire régionale de l’Institut d’Histoire de l’Université de Stuttgart, pp. 211-235.

 

Articles depuis 1980 (sauf exception) :

 

  1. van den Bussche, 1991, « Les études médicales en Allemagne sous le régime nazi », Cahiers de Sociologie et de Démographie Médicales, Paris, avril-juin, 31 (2): 93-119.

 

J.S. Boozer, 1980, « Children of Hippocrates: doctors in Nazi Germany », Annals of the American Academy of Political and Social Sciences, …

 

Bloch , 1973-74, « The Berlin correspondence in JAMA during the Hitler regime », Bulletin of the History of Medicine, 47: 297-305 ; 48: 146-47.

  1. Coleman, 1986, « The physician in Nazi Germany », Bulletin of the History of Medicine, 610 (2): 234-40.

 

  1. Degkwitz, 1985, « Medizinisches Denken und Handeln im Nationalsozialismus », Forschritte der Neurologie-Psychiatrie, Stuttgart, 53 (6): 212-25.

 

  1. Fahrenkrug, 1990, « Alcohol and the State in Nazi Germany, 1933-1945 », in S. Barrows & R. Room (éd.), Drinking, Berkeley, University of California Press, pp.315-34.

 

  1. Fanghänel, H. Spaar, A. Thom, 1988, « Die Schatten der Vergangenheit. Zur Veröffentlichung des Tagesbuches des Anatomen Hermann Voss aus den Jahren 1932 bis 1942 », Zeitschrift für die Gesamte Hygiene und ihre Grenzgebiete (Berlin), 34 (12): 715-7.

 

  1. Gilman, 1985, « The mad man as artist: medicine, history and degenerate art », Journal of Contemporary History, Londres, 20 (4): 575-94.

 

  1. Hahn, 1989, « Antisemitismus in der Wissenschafts- und Gesundheitspolitik der Weimarer Republik. Zum besonderen Gedächtnis an Julius Moses (1868-1942) », Zeitschrift für die Gesammte Innere Medizin, Leipzig, 15 mai, 44 (10): 313-5.

 

  1. Harrington, 1989, « Essay review : Race hygiene and Nazi medicine », Journal of the History of Biology, 22 (3): 501-5.

 

  1. Haug, 1984, « Die Reichsarbeitsgemeinschaft für eine Neue Deutsche Heilkunde (1935-1936) », Wurzburger Medizinhistorische Mitteilungen, Pattensen, 2: 117-30.

 

  1. Jäckel, 1983, « Medizin im Nationalsozialismus und ihr Widerschein in der gegenwart », Frankfurter Hefte, 38 (3): 31-8.

 

K.H. Karbe, 1983, « Das Betriebarztsystem und das Schicksal der Arbeitsmedizin im faschistischen Deutschland », Zeitschrift für die Gesamte Hygiene und ihre Grenzgebiete, Berlin-Est, (oct.), 29 (10): 640-4. La destinée de la médecine du travail sous le NS.

 

  1. Kästner, 1988, « Die Leistungsmedizinische Orientierung der ärztlichen Ausbildung in Deutschland in den Jahren 1933-1945 », Zeitschrift für die Gesamte Hygiene und ihre Grenzgebiete, Berlin-Est, 34 (6): 377-8.

 

  1. H. Kater, 1983, « Die ‘Gesundheitsführung‘ des Deutschen Volkes », Medizinhistorisches Journal, 18 (4): 349-75.

 

M.H. Kater, 1985, « Doctor Leonardo Conti and his nemesis: the failure of centralized medicine in the Third Reich », Central European History, Atlanta GA, 18 (3/4): 299-325.

 

M.H. Kater, 1987, « Ärzte und Politik in Deutschland, 1848 bis 1945 », in W.F. Kümmel (éd.), Jahrbuch für Geschichte der Medizin der Robert Bosch Stiftung, vol.5, Stuttgart, Hippokrates, pp.34-48. Une mise en perspective historique des rapports des médecins à la politique indispensable du célèbre historien canadien.

 

M.H. Kater, 1987b, « Hitler’s early doctors: Nazi physicians in predepression Germany », Journal of Modern History, Chicago, 59 (1): 25-52.

 

M.H. Kater, 1987c, « Medizin und Mediziner im Dritten Reich. Ein Bestandsaufnahme », Historische Zeitschrift, 244 (2): 299-352

 

  1. Kudlien, 1980, « Sauerbruch und der Nationalsozialismus », Med.hist. J., 15: 201-222.

 

  1. Kudlien, 1982, « Max von Gruber und die frühe Hitlerbewegung », Med.hist. J., 17: 373-389.
  2. Kudlien, 1984, « Der Ärzte-Anteil in der frühen NS-Bewegung: ein soziologisch-soziographisches Problem », Med.hist. J, 19: 363-384.

 

  1. Lekisch & J.H. McDonald, 1989, « The politics of choice: roles of the medical profession under the nazi rule », Texas Medicine, Austin TX, 85 (6): 32-9.

 

  1. Lempp, 1984, « Die Medizin und der Mensch in den vergangenen 50 Jahren », Universitas, Stuttgart, 39 (457): 675-84.

 

  1. Maurer, 1985, « Medizinalpolizei und Antisemitismus: die deutsche Politik der Grenzsperre gegen Ostjuden im ersten Weltkrieg », Jahrbücher fur Geschichte Osteuropas, Breslau (Pologne), 33 (2): 205-30. Un antécédent intéressant dans l’utilisation de la « police médicale » pour empêcher l’immigration juive durant la 1ère Guerre mondiale.

 

  1. Mitchell, 1989, « Murderous Science », Australian and New Zealand Journal of Psychiatry, New South Wales, mars, 23 (1): 15-6.

 

  1. Moss, 1987, « The abuse of medicine as a political power in Nazi Germany », Medicine and War, Chichester, janv.-mars, 3 (1): 43-7.

 

  1. Nabielek, 1985, « Anmerkungen zu Paul Diepgens Selbsteinschätzung seiner Tätigkeit an der Berliner Universität während des NS-Regime », Zeitschrift für die Gesamte Hygiene, 31 (5): 309-14. Il semblerait que l’évaluation faite par le célèbre historien de la médecine Diepgen (directeur de l’Institut d’Histoire de la Médecine et des Sciences naturelles à l’Université de Berlin de 1930 à sa mise à la retraite en 1947), de sa propre activité sous le NS, n’ait pas emporté l’adhésion de cet historien de l’Allemagne de l’Est.

 

  1. Schneck, 1983, « Frauenheilkunde und Geburtshilfe in der Zeit des deutschen Faschismus 1933-1945 – Zum Schicksal der soziale Gynäkologie im ‘Dritten Reich‘ », Zeitschrift für die Gesamte Hygiene und ihre Grenzgebiete, Berlin-Est, (oct.), 29 (10): 645-7.

 

L.D. Stokes, 1985, « Professionals and national socialism: the case histories of a small-town lawyer and physician, 1918-1945 », German Studies Review, 8 (3): 449-80.

 

  1. Thom, 1989, « Ergebnisse und Probleme der medizinhistorischen Forschung zu den Auswirkungen der faschistischen Diktatur in Deutschland auf die Medizin und das Gesundheitswesen », Zeitschrift für Arztliche Fortbildung, Iéna, 83 (7): 344-9.

 

  1. Thom, 1991, « Wandlungen der Wirkungsformen und Funktionen medizinisch-wissenschaftlicher Gesellschaften unter den Bedingugen der faschistischen Diktatur in Deutschland », Zeitschrift für die Gesamte Hygiene, 37 (3): 124-6.

 

  1. Tutzke, 1985, « Zum Verhältnis von Wissenschaft und Macht, gezeigt an der Entwicklung der Berliner Medizinischen Fakultät von 1900 bis 1945 », Zeitschrift für die Gesamte Hygiene, 31 (12): 728-30.

 

  1. Tutzke, 1985, « Zur Wirksamkeit Ferdinand Sauerbruchs (1875-1951) in der Periode der antifaschistische-demokratischen Umwälzung », Zeitschrift für die Gesamte Hygiene, 31 (5): 318-20.

 

 

 

II – Expérimentations humaines – médecine dans les camps de concentration

 

La liste des 82 séries d’expérimentations humaines menées dans les camps de concentration est donnée par W. Wuttke-Groneberg 1980, document 187, pp.322-25.

 

G.J. Annas & M. A. Grodin (éd.), 1992, The Nazi Doctors and the Nuremberg Code. Human Rights in Human Experimentation, New York-Oxford, Oxford University Press. Les expérimentations médicales humaines menées par les nazis pendant la 2e Guerre mondiale conduirent, lors du procès de Nuremberg, les Américains à développer une jurisprudence et un code éthique international en matière de médecine. Le livre porte pour les trois quarts sur l’élaboration et l’influence actuelle de ce code. Toutefois, la 1ère partie – « The Nazi Doctors and the Medical Experiments » – consacre un historique à la question : R.N. Proctor, « Racial Medicine and Human Experimentation », l’Allemand C. Pross, « Nazi Doctors, German Medicine and Historical Truth » et Eva Mozes-Kor, fondatrice et présidente du CANDLES (Enfants des Survivants aux Expérimentations Nazies Mortelles à Auschwitz), sur les expérimentations du Dr. Mengele sur les jumeaux. Proctor, un spécialiste américain de la médecine nazie dont nous reparlerons (IIe partie), sociologue des sciences et très intéressé par les rapports entre « science » et « valeurs », nous livre une réflexion générale sur la science étayée par une connaissance historique approfondie du sujet. Il y critique la thèse de la nature « démocratique » inhérente de la science ou de son prétendu « apolitisme » et selon laquelle sa « politisation » ménerait forcément à sa destruction. Le cas des sciences bio-médicales sous le nazisme, qu’il connaît bien pour y avoir consacré un excellent ouvrage et qu’il rappelle ici de façon synthétique, démontre le contraire de cette thèse. Pross, l’un des organisateurs du mouvement de « réveil » historique à Berlin en 1980 au sujet du rôle de la médecine sous le nazisme, nous offre un article très intéressant sur l’implication de la médecine « ordinaire » sous le nazisme, de la part de chercheurs renomés qui n’étaient ni nazis actifs ni médecins-SS dans des activités contraires à l’éthique médicale, tel Voss, professeur d’anatomie à l’Université de Iéna (RDA) après 1945 et dont le manuel d’anatomie fut utilisé par tous les étudiants de médecine des deux Allemagnes de l’après-guerre. La fin de l’article – « Historiographie et politique » – relate de façon fascinante l’histoire des rapports de la médecine allemande à son passé de 1945 à 1992. Mme Eva Mozes-Kor, une survivante des expériences du Dr. Mengele sur les jumeaux, fournit un témoignage direct de la petite fille de 9 ans qu’elle était à Birkenau de 1944 à 1945. Arrachée dès l’arrivée du train à ses parents et ses deux soeurs plus âgées qu’elle ne revit jamais, elle subit avec sa soeur jumelle les injections toxiques du Dr. Mengele.

 

International Auschwitz Commitee (éd.), 1986, Nazi Medicine : Doctors, Victims and Medicine in Auschwitz, New York, Howard Fertig, 3 vol. Ouvrage non consulté.

 

H.G. Kühn, 1985, Die Verbrechen der SS-Ärzte im Konzentrationslager Buchenwald – der antifaschistische Widerstand im Häftlingskrankenbau: medizinische und medizinhistorische Probleme, Th. méd. Berlin-Est (Akad. Ärztliche Fortbldg. DDR).

 

  1. Lechner & A. Moos (éd.), 1988, Resi Weglein. Als Krankenschwester im KZ Theresienstadt. Erinnerungen einer Ulmer Jüdin, Stuttgart, Silberburg, Die NS-Zeit in der Region Ulm-Neu-Ulm. Vorgeschichte, Verlauf, Nachgeschichte, vol.2. Avec présentation des éditeurs et histoire de la communauté juive d’Ulm.

 

Menschenversuche. Wahnsinn und Wirklichkeit, 1988, Cologne, Kölner Volksblatt Verlag. Un petit ouvrage collectif s’attaquant au problème des expérimentations humaines et même animales. La plus grande partie concerne la période NS avec des contributions de G. Baader sur les expérimentations humaines dans les camps de concentration, S. Schleiermacher sur les « matériaux humains » utilisés par l’organisation de la recherche SS « Ahnenerbe », H. Kaupen-Hass sur les continuités entre eugénisme ou expérimentations hormonales sous le nazisme et technologie de reproduction et génétique d’après 1945. F. Hansen examine le cas des médecins ayant fait des expérimentations humaines dans les camps de concentration et emmenés très rapidement après 1945 par les Américains pour travailler dans leurs bases militaires et spatiales aux Etats-Unis (le fameux projet « Paperclip ») : « sans les expérimentations humaines de l’Allemagne nazie, (…) la technologie spatiale et une de ses sections, la physiologie spatiale, n’aurait pu se développer à la vitesse à laquelle elle s’est développée » (p.99).

 

  1. J. Micheels, 1989, Doctor n° 117641. A Holocaust Memoir, New Haven-Londres, Yale University Press. Autobiographie.

 

  1. Perl, 1979, I was a doctor in Auschwitz, New York, Arno Press (réédition du livre de 1948).

 

  1. Ritscher, 1988, Arzt für die Häfltlinge: aus dem Leben Walter Krämers, Weimar-Buchenwald, Nationale Mahn- und Gedenkstatte Buchenwald.

 

  1. Scherf, 1987, Die Verbrechen der SS-Ärzte im KZ-Buchenwald – der antifaschistische Widerstand im Häftlingskrankenbau: 2. Beitrag -juristiche Probleme, Th. D. droit, Humboldt Universität, Berlin-Est.

 

  1. Schneider & H. Stein, 1986, IG-Farben – Buchenwald – Menschenversuche. Ein dokumentarischer Bericht, n°26 des « Buchenwaldheft ». Les divisions pharmaceutiques des groupes industriels IG-Farben et Hoechst tirèrent un immense profit scientifique et financier (le Konzern IG-Farben accrut son profit net de 1700% de 1933 à 1943) des cobayes humains fournis à bon prix par le camp de Buchenwald, en particulier pour leur recherches séro-bactériologiques très utiles à la médecine militaire. Edité également : 1986, Kassel, Brüder-Grimm-V.

 

  1. Schulz, 1989, Zur Organisation und Durchführung der zahnmedizinischen Versorgung durch die Waffen-SS in den Konzentrationslagern während der Zeit des NS, Th.D. hist. méd. Bonn.

 

  1. Vondra, 1989, Malariaexperimente in Konzentrationslagern und Heilanstalten während der Zeit des Nationalsozialismus, Th. D. hist. méd. Hannovre.

 

Articles :

 

  1. Angell, 1990, « The nazi hypothermia experiments and unethical research today », New England Journal of Medicine, 322 (20): 1462-4.

 

G.J. Annas & M.A. Grodin, 1990, « The nazi doctors and the Nuremberg code : relevance for modern medical research », Med. War, 6 (2): 120-3.

 

R.L. Berger, « Nazi science – the Dachau hypothermia experiments », New England Journal of Medicine, 322 (20): 1435-40.

 

  1. Byman, 1989, « Bitterfruit. The legacy of Nazi medical experiments », Minnesota Medicine (St. Paul MN), (oct.), 72 (10): 580-6.

 

  1. Browning, 1988, « Genocide and Public Health: German doctors and Polish Jews 1939-1941 », Holocaust and Genocide Studies, 3: 21-36.

 

  1. Fischer, 1988, « Arztliche Versorgung, sanitäre Verhältnisse und Humanversuche im Frauenkonzentrationslager Ravensbrück », Gesnerus, 41 (pt.1): 49-66.

 

C.M. Godfrey, 1986, « Mengele’s conduct: who was responsible? », Canadian Medical Association Journal, Ottawa, 15 fév., 134 (4): 305.

 

G.B. Grunfeld, 1991, « Ethics of using Nazi research », Journal of Medical Ethics, Londres, 17 (3): 162.

 

Lachman, 1977, « Experiments of Nazi doctor August Hirt », Bulletin of the History of Medicine, 51: 594-602.

 

R.J. Lifton, 1982, « Medicalized killing in Auschwitz », Psychiatry, 45 (4): 283-97.

 

R.J. Lifton, 1983, « The doctors of Auschwitz: the biomedical vision », Psychohistory Review, Springfield IL, 11 (2-3): 36-46.

 

  1. Mc Kale, 1981, « Purging Nazis: the postwar trials of female German doctors and nurses », Proceedings of the South Carolina Historical Association (Greenville), 156-70.

 

  1. Moe, 1984, « Should the Nazi research data be cited ? », Hastings Center Report (New York), (déc.), 14 (6): 5-7.

 

S.G. Post, 1991, « The echo of Nuremberg: Nazi data and ethics », Journal of Medical Ethics, 17 (1): 42-4.

 

W.E. Seidelman, 1985-1986, « The professional origins of Dr. Joseph Mengele », Canadian Medical Association Journal, 15 avril, 134 (8): 865 & 1 déc., 133 (11): 1169-71.

 

W.E. Seidelman, 1986, « Animal experiments in Nazi Germany », Lancet, 24 mai, 1 (8491): 1214. Un « paradoxe » de la législation nazie : en août 1933, Göring, à la demande des députés nazis, interdit la vivisection animale sur le territoire prussien sous peine de déportation en camps de concentration. Quelques années plus tard, les chercheurs pouvaient s’approvisioner en « cobayes humains ».

 

W.E. Seidelman, 1988, « Mengele medicus: medicine’s Nazi heritage », Milbank Quaterly, NY, 66 (2): 221-39.

 

W.E. Seidelman, 1989, « Legacy of the Nazis », Nature, 21 sept., 341 (6239): 180.

 

W.E. Seidelman, 1991, « Medical selection: Auschwitz antecedents and effluent », International Journal of Health Services, Westport CT, 21 (3): 401-15.

 

  1. Winau, 1988, « Versuche mit Menschen », in K. Hinteregger (éd.), Mensch, Medizin, Gesellschaft, Innsbruck, Internationale Mediziner Arbeitsgemeinschaft, pp.31-9.
  2. Yeide, 1987, « Killing in the name of healing », Medical Humanities Review, Galveston TX, 1 (2): 43-6.

 

  1. Zofka, 1986, « Der KZ-Arzt Josef Mengele zur Typologie eines ns-Verbrechers », Vierteljahreshefte für Zeitgeschichte, 18 (1): 245-67.

 

 

 

III – Exclusions, émigrations, persécutions et résistances des médecins juifs et opposants politiques

 

  1. Blank, 1984, Die « Auschaltung » jüdischer Arzte und Zahnärzte in Wiesbaden durch den NS, Th.D. hist. méd. Mayence. Le destin des médecins et dentistes juifs de la ville de Wiesbaden dont 44% émigrèrent.

 

  1. van den Bussche (éd.), 1990, Anfälligkeit und Resistenz. Medizinische Wissenschaft und politische Opposition im « Dritten Reich », Hamburger Beiträge zur Wissenschaftsgeschichte, Berlin, Dietrich Reimer. Autant le volume de 1989 sur l' »adaptation » était épais, autant celui-ci sur la « résistance » est mince. Si l’on retire les articles consacrés à la « receptivité », ce qui reste sur la « résistance » se limite à une cinquantaine de pages aux lignes très écartées, ce qui est somme toute proportionnel à la dimension du phénomène. Le livre reprend les allocutions prononcées à l’occasion d’une commémoration en l’honneur des résistants de la faculté de médecine qui furent exécutés sous le nazisme. Un bâtiment de la faculté a été rebaptisé du nom de deux étudiants résistants, membres de la branche locale du groupe de la « Rose blanche » de Munich. Comme les étudiants de Munich, Margaretha Rothe et Friedrich Geussenhainer payèrent de leur vie leur action. F. Kudlien propose des réflexions sur le statut des résistants au nazisme selon la juridiction de la RFA et sur la notion et les possibilités de « résistance » sous le IIIe Reich. Dans la 1ère partie, G. Baader montre que l’hygiène sociale possédait une vision déjà suffisament biologisante pour pouvoir s’adapter sans trop de difficultés au NS. W. Wuttke, de son côté, souligne les affinités entre les deux « médecines rivales » (la médecine académique et les « médecines naturelles ») et l’idéologie NS.

 

  1. Drexler, S. Kalinski, H. Mausbach, 1990, Ärztliches Schicksal unter der Verfolgung 1933-1945 in Frankfurt/M und Offenbach, Francfort, Landesärztekammer. Francfort était l’une des villes allemande avec la plus forte densité juive d’Allemagne. La forte communauté médicale juive de cette capitale financière fut particulièrement touchée par l’avènement du nazisme. Le livre étudie surtout les conséquences de la législation antisémite et des persécutions pour les médecins juifs de Francfort et l’histoire d’un hôpital israëlite entre 1933 et 1945.

 

  1. Gumpert, 1983, Hölle im Paradies. Selbstdarstellung eines Arztes, Hildesheim, Gerstenberg, Exilliteratur, vol. 17. L’autobiographie d’un médecin juif berlinois.

 

  1. Jäckle, 1988, Schicksale jüdischer und « staatsfeindlicher » Ärztinnen und Ärzte nach 1933 in München, éd. par « Liste Demokratischer Ärztinnen und Ärzte München », Munich. Le destin des médecins juifs et opposants politiques et d’un hôpital juif sous le IIIe Reich à Munich. L’hôpital fut dissous en 1942. Les 45 derniers patients et le personnel médical furent déportés à Theresienstadt. Seuls le directeur de l’hôpital et sa femme survécurent.

 

  1. Konert, 1988, Theodor Brugsch: Internist und Politiker, Leipzig, S. Hirzel. La vie d’un professeur de médecine libéral révoqué par les nazis.

 

  1. Leibfried & F. Tennstedt, 1980, Berufsverbote und Sozialpolitik 1933. Die Auswirkungen der nationalsozialistischen Machtergreifung auf die Krankenkassenverwaltung und die Kassenärzte, Brême, Forschungsschwerpunkt Reproduktionsrisiken, soziale Bewegungen und Sozialpolitik Universität Bremen. Un ouvrage d’histoire sociale et politique de la médecine allemande très riche sur l’exclusion des médecins juifs ou politiquement indésirables (communistes et socialistes) des caisses médicales et des administrations d’assurance-santé après 1933. Les deux auteurs considèrent que la seule études des cas « extrêmes (médecins des camps de concentration, médecins participant à l’opération euthanasie, etc.) passe à côté de la normalité de l’extrême (…) et que cette tendance peut tomber dans la légitimation de cette normalité, dans la mesure où elle ne définit que quelques boucs émissaires médicaux » (p.1). C’est pourquoi ils tournent toute leur attention sur le cas « banal » et administratif des caisses de santé qui permettent de comprendre la « violence au quotidien » contre les médecins juifs dès 1933. Ils utilisent pour cela une importante documentation administrative et de presse, mais également des autobiographies et des interviews avec des médecins juifs exclus de ces caisses et émigrés par la suite. 3e éd. : 1981, Die Auswirkungen der nationalsozialistischen Machtergreifung auf die Krankenkassenverwaltung und die Kassenärzte: Analyse, Materialen zu Angriff und Selbsthilfe, Erinnerungen, , Brême, Forschungsschwerpunkt Reproduktionsrisiken, Soziale Bewegungen und Sozialpolitik, Université de Brême.

 

  1. Niermann, S. Leibfried, 1988, Die Verfolgung jüdischer und sozialistischer Ärzte in Bremen in der « NS »- Zeit, Brême, Steintor. Le destin des médecins juifs de la ville de Brême et les persécutions politiques.

 

  1. Pross & R. Winau, 1984, Nicht misshandeln: das Krankenhaus Moabit, Berlin, Fröhlich & Kaufmann, Stätten der Geschichte Berlins, vol.5. L’histoire de cet hôpital juif de Berlin.

 

  1. Schulz, 1981, Dr. John Rittmeister, Nervenarzt und Widerstandskämpfer, Th.D. méd. Humboldt-Universität, Berlin-Est.

 

  1. Stielike, 1985, Die Ausschaltung rassisch und politisch verfemter Ärzte im ersten Jahr des ‘Dritten Reich’. Th.D. hist. méd. Kiel. La révoquation des médecins juifs ou aux opinions politiques interdites à partir de 1933.

 

K.P. Werle, 1974, Formen des Widerstands deutscher Ärzte 1933 bis 1945. Th. D. hist. méd. Kiel. Les diverses formes de « résistance » adoptées par les médecins entre 1933 et 1945.

 

Articles :

 

  1. Baader, 1984, « Politisch motivierte Emigration deutscher Arzte », Berichte zur Wissenschaftsgeschichte, 7 (2):67-84.

 

  1. Fahrenbach, 1991, « Jüdische Ophtalmologen in der Zeit des Faschismus », Zeitschrift für Arztliche Fortbildung, Iéna, 25 fév., 85 (3-4): 171-3.

 

  1. Hachenburg, 1985, « A non-Aryan doctor in Nazi Germany in the thirties », Irish Medical Journal, Dublin, 78 (12) : 368-70.

 

  1. Hahn, 1988, « Julius Moses (1868-1942) – Jude, Arzte, Sozialdemokrat. Zum Gedächtnis an ein Opfer des faschistischen Antisemitismus », Zeitschrift für die Gesamte Hygiene, 34 (12): 712-5.

 

  1. Hahn, 1991, « Zum Schicksal jüdischer Arzte nach 1933 in Leipzig », Zeitschrift für Arztliche Fortbildung, Iéna, 25 fév., 85 (3-4): 174-6.

 

  1. Hollander, 1985, « Die Leiden der jüdischen Dermatologen unter dem Nazi-Regime », Dermatologische Monatsschrift, Leipzig, 171 (8): 513-22.

 

V.W. Kaiser & A. Völker, 1989, « Die Geschichte der halleschen Ars medica Judaica. VI. Die Jahre 1933 bis 1945 », Zeitschrift für die Gesammte Innere Medizin, Leipzig, 15 juillet, 44 (14): 426-32.

 

  1. Krebs, 1980, « Wie ich aus Deutschland vertrieben wurde. Dokumente mit Kommentaren », Medizinhistorisches Journal, 15 (4): 357-77.

 

H.P. Kröner, 1989, « Die Emigration deutschsprachiger Mediziner im Nationalsozialismus », Berichte für Wissenschaftsgeschichte, 12 (Sonderheft): 1-44.

 

H.P. Kröner, 1991, « Zwischen Arbeitslosigkeit und Berufsverbot: die deutschsprachige Arzte-Emigration nach Palästina 1933-1945 », Berichte für Wissenschaftsgeschichte, 14 (3): 169-80.

 

  1. Kudlien, 1986, « Werner Leibbrand als Zeitzeuge: Ein ärztlicher Gegner des NS im Dritten Reich », Med.hist. J, 21 (3-4): 332-52.

 

  1. Leibfried, 1982, « Stationen der Abwehr. Berufsverbote für Arzte im Deutschen Reich 1933-1938 und die Zerstörung des sozialen Asyls durch die Organisierten arzteschaften des Auslands », Bulletin des Leo Baeck Instituts, Tel-Aviv, 62: 3-39.

 

  1. Leimkugel & W.D. Müller-Jahncke, 1987, « Zur Emigration jüdischer Apotheker aus Berlin », Pharmazeutische Zeitung, Francfort /M., 8 oct., 132 (41): 2561-8.

 

  1. Levy, 1988, « Jewish immigrant physicians from Nazi Germany and their contribution to medicine in Israel » (hébreux), Harefuah, Tel-Aviv, 15 fév., 114 (4): 205-10.

 

  1. Meyer, 1989, « Medizinische Ausbildung 1933 in Deutschland – die Haltung der Antifaschisten », Zeitschrift für Ärztliche Fortbildung, Iéna, 83 (7): 375-9.

 

D.S. Nadav, 1985, Julius Moses (1868-1942) und die Politik der Sozialhygiene in Deutschland, Gerlingen, Bleicher, Schriftenreihe des Instituts für Deutsche Geschichte Universität Tel Aviv. Bien que la plus grande partie de l’ouvrage porte sur l’histoire de l’hygiène sociale et de ses liens politiques en Allemagne d’avant 1933, le dernier chapitre traite du destin de cette discipline après 1933 et contient des éléments biographiques sur ce médecin juif, déporté à Theresienstadt en 1942 à l’âge de 74 ans, où il mourrut quelques mois plus tard, ainsi que sur d’autres hygiénistes sociaux juifs, tel Benno Chajes, le successeur de Grotjahn à la chaire de l’Université de Berlin, qui émigra en Palestine en 1933 après avoir été révoqué.

 

  1. Nemitz, 1985, « Julius Moses – Arzt und Politiker, Bulletin des Leo Baeck Instituts, Tel-Aviv, (71): 21-33. En 1933, Moses était le seul député SPD (et même de l’ensemble des partis de gauche) a être en même temps médecin (contre 9 députés-médecins du NSDAP) et il était chargé d’orienter la politique médicale de ce parti.

 

  1. Niederland, 1985, « Deutsche Ärzte-Emigration und gesundheitspolitische Entwicklungen in “Eretz Israel“ (1933-1948) », Med. hist. J. , 20: 149-184.

K.M. Pearle, 1981, Preventive medicine: the refugee physician and the New Yok medical community, 1933-1945, Brême, Research Center on Social Conditions, Social Movements, and Social Policy at the University of Bremen.

 

K.M. Pearle, 1984, « Ärzteemigration nach 1933 in die USA: Der Fall New York », Med. hist. J. , 19: 112-137.

 

  1. Schlenka & B. Junge, 1989, « Schicksale Magdeburger jüdischer Dermatologen im Nazi-Reich. Carl Lennhoff und Otto Schlein », Dermatologische Monatsschrift, Leipzig, 175 (5): 307-12.

 

  1. Schneck, 1987, « Über den Exodus medizinischer Hochschullehrer der Berliner Universität während des deutschen Faschismus (1933-1945) », Wissenschaftiche Zeitschrift der Humboldt-Universität zu Berlin, Mathematisch-Naturwissenschaftliche Reihe, Berlin-Est, 36 (1-2): 120-2.

 

  1. Schneck, 1985, « Zur Frage des Exils von Wissenschaftlern deutscher medizinischer Fakultäten in der Zeit des Faschismus – Eine quantifizierende Untersuchung », Zeitschrift für die Gesamte Hygiene, 31 (5): 306-9.

 

  1. Winter & N. Levy, 1986, « Medicine in Palestine following the flight of Jewish physicians from Nazi Germany », Adler Museum Bulletin, Johannesburg – Afr. Sud, 12 (3): 19-23.
  2. Wolferman, 1984, « Refugee physicians in Italy and Switzerland from 1933 to 1946 », Bulletin des Leo Baeck Instituts, Tel-Aviv, 68: 59-64.

 

 

IV – Infirmiers (-ères), dentistes, pharmaciens

 

  1. Baumbach, 1987, Zum Faschisierungsprozess innerhalb der Freien Schwesternschaft in Deutschland 1933-1938 unter besonderer Berücksichtigung der Zeitschrift « Die Deutsche Schwester », Th.D. Akad. Ärztliche Fortbildung, Berlin-Est.

 

  1. Guggenbichler, 1988, Zahnmedizin unter dem Hakenkreuz: Zahnärzteopposition vor 1933; NS-Standespolitik 1933-1939, Francfort, Mabuse.

 

  1. Kirchhoff (éd.), 1987, Zahnmedizin und Faschismus, Marbourg, V. Arbeiterbewegung und Gesellschaftswissenschaft.

 

  1. Kleine, 1989, Die Zahnheilkunde in der Zeit der faschistischen Diktatur in Deutschland (1933-1945), Th. D. hist. méd. Dresde, RDA.

 

  1. Leimkugel, 1991, Wege jüdischer Apotheker. Die Geschichte deutscher und österreichisch-ungarischer Pharmazeuten, Francfort, Govi-Verlag, d’abord Th.D. hist. pharm. Heidelberg 1990.
  2. Schröder, 1988, NS-Pharmazie: Gleichshaltung des deutschen Apothekenwesens im Dritten Reich. Ursachen, Voraussetzungen, Theorien und Entwicklungen, Stuttgart, Wissenschaftliche Verlagsgesellschaft.

 

  1. Schröder, 1991, Schicksale jüdischer Zahnärzte und Dentisten in Leipzig nach 1933, Th. hist. méd. Leipzig.

 

  1. Stein, 1989, Entwicklung und Funktion des Systems der zahnärztlichen Fortbildung in den Jahren der faschistischen Diktatur in Deutschland, Th.D. hist. méd. Leipzig.

 

  1. Steppe (éd.), 1989, Krankenpflege im NS, Francfort, Mabuse. Ouvrage collectif sur les infirmiers et infirmières sous le IIIe Reich.

 

Articles :

 

  1. Hahn, 1989, « Faschistische Ideologie und Krankenpflege in Deutschland von 1933 bis 1945 », Zeitschrift für Arztliche Fortbildung, Iéna, 83 (7): 359-61.

 

 

 

V – Euthanasie et Psychiatrie : l’historiographie sur la question depuis 1980 (par ordre alphabétique et inclues Th.D depuis 1970)

 

  1. Aly, K.F. Masuhr, M. Lehmann, K.H. Roth, U. Schultz, 1985, Reform und Gewissen. « Euthanasie » im Dienst des Fortschritts, Beitr. z. ns Gesundheits- und Sozialpolitik, 2, Berlin, Rotbuch. Montre les « progrès », scientifiques et des soins médicaux, liés au programme d’euthanasie. L’euthanasie s’inscrivait dans un projet de « réforme » de la psychiatrie.

 

  1. Aly et al., 1985, Aussonderung und Tod. Die klinische Hinrichtung der Unbrauchbaren, Berlin, Rotbuch. Encore un livre collectif très complet, probablement dirigé de manière informelle par G. Aly. L’étude se concentre sur l’élimination des « inutiles » (« associaux » et individus incapables de faire leur service militaire) par les centres médicaux. En outre, deux contributions très intéressantes sur l’élimination des malades mentaux dans l’URSS occupée (A. Ebbinghaus & G. Preissler) et chez les travailleurs-esclaves polonais et russes en Allemagne (M. Hamann). On apprend qu’un mémorial a été édifié dans les caves (où se trouvaient les chambres à gaz et crématorium) du centre d’euthanasie de l’hôpital psychiatrique d’Hadamar (toujours existant) en … 1983 !

 

  1. Aly (éd.), 1987, Aktion T4, 1939-1945. Die « Euthanasie »-Zentrale in der Tiergartenstrasse 4, Berlin, Ed. Hentrich. Ouvrage collectif très complet, examinant tous les aspects du problème. Le nom de l’opération T4 dérivait de l’adresse du bureau central à Berlin : Tiergartenstrasse 4. Parmi les nombreux articles très intéressants, citons seulement celui de G. Aly sur l’utilisation des « matériaux humains », fournis grâce à l’opération T4, par le prestigieux Institut Kaiser Wilhelm de Recherche sur le Cerveau.

 

Arbeitsgruppe zur Erforschung der Geschichte der Karl-Bonhoffer-Nervenklinik (éd.), 1988, Totgeschwiegen 1933-1945. Die Geschichte der K. Bonhoeffer-Nervenklinik, Berlin, Ed. Hentrich. Autre très bon ouvrage collectif, ayant G. Aly pour conseiller scientifique. Se centre sur Berlin mais ne néglige pas les aspects généraux : U. Grell, « La santé est un devoir » ; le lien avec l’idéologie raciale (M. Hühn), « le destin des patients juifs » (M. Hühn), etc.

 

  1. Bach, 1990, Die Zwangssterilisierungspraxis aufgrund des Gesetzes zur Verhütung erbkranken Nachwuchses im Bereich der Gesundheitsämter Leipzig und Grimma, die Tötung Geisteskranker und die Rolle der erbbiologischen Erfassungs- und Begutachtungspraxis der Psychiatrie zwischen 1933 und 1945, Th. D. hist. méd. Leipzig.

 

  1. Bastian, 1981, Von der Eugenik zur Euthanasie. Ein verdrängtes Kapitel aus der Geschichte der Deutschen Psychiatrie, Bad Wörishofen, Verlagsgemeinschaft Erl. Un des premiers travaux sur ce chapitre systématiquement « oublié » de l’historiographie psychiatrique allemande par un médecin psychotérapeute allemand. Comme le fait remarquer l’auteur, jusqu’aux années 1980, cet « épisode » était laissé de côté lorsque les psychiatres allemands écrivaient leur propre histoire. Bastian, alors étudiant en psychiatrie, soumit en 1972 une thèse de doctorat sur la psychiatrie allemande sous le NS. L’un des responsables de sa thèse, un professeur de psychiatrie de l’Université de Mayence, lui suggéra, une fois celle-ci terminée, de modifier un certains nombres de passages qu’il jugeait tendencieux. Bastian refusa de se soumettre et fit une thèse sur un autre sujet pour obtenir son diplôme. L’auteur examine, de façon peut-être un peu trop rapide (beaucoup de citations, peu de travail de synthèse), les tendances de la psychiatrie depuis son institutionnalisation dans la 2e moitié du XIXe siècle jusqu’à son « adaptation » sous le IIIe Reich et en particulier son imprégnation par la pensée eugéniste.

 

Bund der « Euthanasie »-Geschädigten und Zwangssterilisierten e.V., 1989, Ich klage an, Detmold. Le « j’accuse » des familles dont les enfants ont été « euthanasiés » et des victimes de la stérilisation obligatoire. Cette association a été constituée pour que les victimes de l’euthanasie et des stérilisations obligatoires se voient enfin reconnues (et indemnisées) par le régime juridique de la RFA. Une petite brochure rassemblant des témoignages très émouvants.

 

  1. Burkhardt, 1982, Euthanasie – « Vernichtung lebensunwerten Lebens » im Spiegel der Diskussionen zwischen Juristen und Medizinern von 1900 bis 1940. Th.D. hist. méd. Mayence. L’histoire des débats entre juristes et médecins de 1900 à 1940.

 

  1. Chroust, 1987, Friedrich Mennecke. Innenansichten eines medizinischen Täters im Nationalsozialismus. Eine Edition seiner Briefe 1935-1947, Hamburg, Hamburger Institut für Sozialforschung (2 vol.). Livre de 1700 pages présentant la correspondance d’un des médecins responsable du programme d’euthanasie puis du programme 14f13 dans les camps de concentration. Sa « normalité scientifique » permet de voir comment pouvait se combiner une « mentalité exterminatrice progressiste avec une vie de médecin allemand moyen »

 

  1. Chroust, H. Gross, M. Hamann, J. Sörensen, 1989, « Soll nach Hadamar überführt werden ». Den Opfern der Euthanasiemorde 1939 bis 1945. Gedenkausstellung in Hadamar, Francfort, Mabuse. « Doit être transféré à Hadamar » : catalogue de l’exposition sur l’un des plus sinistres centres d’extermination psychiatrique du IIIe Reich. Très nombreux documents et illustrations.

 

  1. Delius, 1988, Das Ende von Strecknitz. Das Lübecker Heilanstalt und ihre Auflösung 1941. Ein Beitrag zur Sozialgeschichte der Psychiatrie im Nationalsozialismus, Kiel, Neuer Malik. Monographie sur un des centres d’euthanasie, et de façon plus générale, sur le rôle de la psychiatrie sous le nazisme.

 

  1. Dörner, C. Haerlin, V. Rau, R. Schernus, A. Schwendy (éd.), 1980, Der Krieg gegen die Psychisch Kranken, Rehburg-Loccum, Psychiatrie-V. Après 35 ans de refoulement, un groupe de jeunes psychiatres brise le silence à l’occasion d’un congrès de 1979. Au-delà de réfexions générales et éthiques qui constituent la plus grande partie de l’ouvrage, un certain nombre de textes originaux sur la résistance de certains instituts psychiatriques catholiques à l’opération euthanasie et l’extermination des patients des hôpitaux psychiatriques polonais et russes.

 

Euthanasie in Hadamar. Die ns Vernichtungspolitik in hessischen Anstalten, 1991, Historische Schriftenreihe des Landeswohlfahrtsverbandes Hessen, vol.1, Kassel. Vol.2 : « Verlegt nach Hadamar » . Die Geschichte einer NS-« Euthanasie »-Anstalt . Ouvrage collectif très complet sur le programme d’euthanasie et débordant largement le cadre géographique annoncé. La deuxième partie restitue de très nombreux documents et photos présentés à l’occasion de cette exposition. Un très beau livre sur un sujet qui l’est moins.

 

C.M. Falk, 1984, Geschichte und Bedeutung der Euthanasia medica des 19. Jahrhunderts und ihr Einfluss auf die spätere Euthanasiediskussion und Ausübung der Sterbhilfe, Th.D. hist. méd. Marburg. L’influence de l’euthanasie médicale du XIXe siècle sur les débats et la pratique de la première moitié du XXe siècle.

 

  1. Finzen, 1984, Auf dem Dienstweg. Die Verstrickung einer Anstalt in die Tötung psychisch Kranker, Rehburg-Loccum, Psychiatrie-V. L’auteur se penche sur le transfert en 1940 des handicapés mentaux et aliénés juifs du Nord de l’Allemagne dans le centre de Wunstorf, avant d’être, pour partie, gazés au centre d’euthanasie d’Hadamar. Un des premiers massacres de Juifs et l’étape préliminaire à la « Solution globale au problème juif en Europe ».

 

H.G. Gallagher, 1990, By trust betrayed: patients, physicians, and the license to kill in the Third Reich, New York, H. Holt. Ouvrage non examiné.

 

  1. Grode, 1987, Die « Sonderbehandlung 14f13 » in den Konzentrationslagern des Dritten Reiches. Ein Beitrag zur Dynamik faschistischer Vernichtungspolitik, Europäische Hochschulschriften, 100, Francfort, P. Lang. Très important : le chaînon crucial qui relie le programme d’euthanasie T4 à la « Solution Finale », en installant dans les camps les premières chambres à gaz pour l’euthanasie des malades et des handicapés.

 

  1. Heilek & E. Schrieber, 1990, Die Betreuung und Behandlung psychisch Kranker in der Landesheilanstalt Altscherbitz 1918-1945, Th.D. hist. méd. Leipzig.

 

  1. Hieronimi, 1982, Nationalsozialistische Vernichtungsaktionen an geistig Kranken im Spiegel psychiatrie-historischer Publikationen des Nachkriegsdeutschland. Eine Auseinandersetzung mit psychiatrischen Positionen zur Geschichte der deutschen Psychiatrie 1933-1945. Th. D. méd. de la clinique neuro-psychiatrique Mayence. Une analyse critique de l’historiographie de la psychiatrie telle qu’elle apparaît dans les textes publiés par des psychiatres après 1945. Une thèse que nous n’avons malheureusement pas examinée.

 

  1. Huttner, 1988, Die « Euthanasie »-Argumente in Wolfgang Liebeneiners Film « Ich klage an » (1941) – aus heutiger Sicht, Th.D. méd. Erlangen.

 

  1. Jasper, 1991, Maximinian de Crinis (1889-1945); eine Studie zur Psychiatrie im Nationalsozialismus, Husum, Matthiesen, Abh. z. Gesch. d. Med. u. d. Naturwiss., 63 (Th.D hist. méd. FU Berlin 1991).

 

  1. Kneuker, W. Steglich, 1985, Begegnungen mit der Euthanasie in Hadamar, Rehburg-Loccum, Psychiatrie-Verlag.

 

  1. Klee, 1983a, « Euthanasie » im NS-Staat. Die « Vernichtung lebensunwerten Lebens », Francfort, S. Fischer. Le premier livre, largement diffusé par une grande maison d’édition, qui informa l’ensemble du public allemand sur cette question. L’auteur, journaliste, auteur de film pour la TV et pédagogue pour handicapés, écrit dans un style accessible à tous, ce qui ne l’empêche pas d’être très documenté.

 

  1. Klee, 1983b, Dokumente zur « Euthanasie », Francfort, Fischer Taschenbuch. Les documents rassemblés et présentés par l’auteur pour son enquête. Très complet sur tous les aspects, y compris l’implication des juristes. Nombreux documents photographiques. Un petit chapitre sur les cerveaux « frais » d’enfants anormaux fournis par l’opération euthanasie aux instituts de recherche neuro-psychiatrique.

 

  1. Klee, 1986, Was sie taten – Was sie wurden. Ärztz, Juristen und andere Beteiligte am Kranken- oder Judenmord, Francfort/M., Fischer Taschenbuch Verlag. Documentation sur les médecins et juristes responsables de l’euthanasie et de l’Holocauste.

 

  1. Klüppel, 1984, ‘Euthanasie’ und Lebensvernichtung am Beispiel der Landesheilanstalten Haina und Merxhausen. Eine Chronik der Ereignisse 1933-1945, Kassel, Gesamthochschule K. Monographie sur un centre psychiatrique dont les patients furent envoyés à Hadamar et Mathausen ou périrent sur place. Le livre, publié par l’Université de Kassel en était déjà à sa 3e éd. (5 000 ex.) en 1985. Il semblerait qu’il ait valu à son jeune auteur un courier hostile de la part d’anciens nazis.

 

  1. Koch, 1984, Euthanasie, Sterbhilfe. Eine dokumentierte Bibliographie, Bibliographica genetica medica, vol.18, Erlangen, Palm & Enke. L’auteur, ancien directeur de l’Institut d’anthropologie et de génétique humaine de l’Université d’Erlangen, eut deux membres de sa famille « euthanasiés » pendant la Guerre. Sa bibliographie de plus de 2000 titres sur l’euthanasie traite également de l’euthanasie sous le nazisme (115 titres pour la période 1933-1945). A cela s’ajoutent de nombreux documents sur les prises de position de divers scientifiques (Lenz, etc.), juristes, et courants politiques ou religieux.

 

  1. Koch, 1989, Die Behandlung psychisch Kranker in der Landes-Heil- und Pflegeanstalt Leipzig-Dösen in der Zeit der faschistischen Diktatur unter besonderer Berücksichtigung der Patienten mit Schizophrenie, manisch-depressivem Irrsein und psychischen Wesensveränderungen nach Epilepsie, Th.D. hist. méd. Leipzig, RDA.

 

  1. Kogon, et al (éd.), Nationalsozialistische Massentötung durch Giftgas. Eine Dokumentation, 2e éd. Francfort, Fischer. Une étude détaillée sur la « technologie » de l’extermination, nous le recensons ici car il consacre un long chapitre à l’euthanasie. Le livre a le mérite de détailler la réalité d’un fait contesté par certains (les « révisionnistes »), mais reste très factuel. La partie analytique (« Comment cela a été possible »), un peu courte, justifie les critiques de Roer et Henkel (1986, p.37).

 

  1. Leipert, R. Styrnal, W. Schwarzer (éd.), 1987, Verlegt nach unbekannt. Sterilisation und Euthanasie in Galkhausen 1933-1945, Archivberatungsstelle Rheinland, 1, Cologne, Rheinland-V. Collectif, nombreux documents reproduits et illustrations. Histoire d’un centre de stérilisation et d’euthanasie en Rhénanie.

 

  1. Lutze (éd.), 1985, Mensch – achte den Menschen. Frühe Texte über die Euthanasieverbrechen der Nationalsozialisten in Hessen, Kassel, Eigenverlag des Landeswohlfahtsverbandes Hessen. 2e éd. 1987.

 

E.T. Mader, 1982, Das erzwungene Sterben von Patienten der Heil- und Pflegeanstalt Kaufbeuren-Irsee zwischen 1940 und 1945, nach Dokumenten und Berichten von Augenzeugen, Blöcktach, V. an der Sage. Documents et témoignages sur l’euthanasie dans un centre psychiatrique. Pour des raisons semblerait-il religieuses, aucun nom des intervenants directs n’est cité et ceux figurant sur les documents ont été effacés.

 

  1. Mayer, 1982, Euthanasie in der medizinischen Diskussion und Schönen Literatur um 1900. Th.D. hist. méd. Heidelberg. La question de l’euthanasie dans les débats médicaux et la littérature au tournant du siècle.

 

  1. Müller, 1982, Erinnerungen, erlebte Psychiatriegeschichte, 1920-1960, Berlin-New York, Springer.

 

K.J. Neumärker, 1990, Karl Bonhoeffer: Leben und Werk eines deutschen Psychiaters und Neurologen in seiner Zeit, Berlin- New York, Springer.

 

  1. Orth, 1989, Die Transportkinder aus Bonn. « Kindereuthanasie », Cologne, Rheinland-V. Une étude de la continuité de la science psychiatrique à travers le cas d’un centre de pédo-psychiatrie de 1926 à 1950. L’organisation des « transports » vers les centres d’euthanasie.

 

  1. Pauleikhoff, 1986, Ideologie und Mord. Euthanasie bei ‘lebensunwerten’ Menschen, Hürtgenwald, G. Pressler. Des débat entre psychiatres et juristes sous Weimar à l’action T4. Approche parfois plus éthique qu’historique.

 

Psychiatrie im NS, 1989, (compte rendu d’un congrès de l’association d’assistance de Hesse), Kassel, Landwohlfahrtsverband Hessen. Les médecins et psychiatres face au passé de leur discipline. Citons pour sa valeur la célèbre phrase du pasteur Niemöller déporté en camp de concentration portée en dédicace du livre : « Quand les nazis ont attrapé les communistes, je n’ai rien dit car je n’étais pas communiste. Quand ils ont emprisonné les sociaux-démocrates, je n’ai rien dit car je n’étais pas social-démocrate. Quand ils s’en sont pris aux syndicalistes, je n’ai pas protesté. Je n’étais pas syndicaliste. Quand ils m’ont attrapé moi, ils n’y avait plus personne pour protester ».

 

  1. Reimer, 1991, Der Einfluss der rassenhygienischen Gesetze und Verordnungen auf die Anstaltspsychiatrie und das Schicksal der Patienten in der Landes-Heil- und Pflegeanstalt Hubertusburg während der ns Diktatur in Deutschland (1933-1940), Th.D. hist. méd. Leipzig. Les conséquences de la législation eugéniste nazie sur la psychiatrie clinique et les patients d’un centre.

 

  1. Richarz, 1987, Heilen, Pflegen, Töten. Zur Alltagsgeschichte einer Heil- und Pflegeanstalt bis zum Ende des NS, Göttingen, V. für Medizinische Psychologie (Th. D. hist. méd. Munich 1986 : Der Umgang mit psychisch kranken Menschen in der Heil- und Pflegeanstalt Eglfing-Haar von 1905 bis 1945 ). « Guérir, soigner, tuer » : l’histoire quotidienne d’un centre d’hospitalisation psychiatrique. Remonte aux origines « internes » à la science. L’euthanasie, dans l’histoire de la psychiatrie allemande, s’inscrit dans le passage d’une psychiatrie de pure internement (le plus souvent à vie et sans soins thérapeutiques ) au XIXe siècle aux « progrès » de la première moitié du XXe siècle (électrochocs, thérapie de « choc » à l’insuline, etc.). Le IIIe Reich opta pour un « raccourcissement » des séjours. Soit, grâce à des méthodes « intensives » (thérapies de choc « modernes » à l’époque), les internés pouvaient être rendus à la vie courante (et à leurs tâches civiles et militaires), soit, s’ils apparaissaient « incurables », ils étaient « euthanasiés ».

 

  1. Roer & D. Henkel (éd.), 1986, Psychiatrie im Faschismus. Die Anstalt Hadamar 1933-1945, Bonn, Psychiatrie-Verlag. Ouvrage collectif d’un groupe de 18 étudiants et 2 professeurs, fondé en 1983 à l’Université Professionnelle de Francfort. Bien que l’étude se centre sur Hadamar, où furent exécutés 15 000 patients, elle en déborde largement pour l’analyse. Dans l’introduction, les deux éditeurs relatent les obstacles qu’ils durent encore affronter, dans le Land de Hesse, pour accéder à certaines archives. Ils réussirent à les surmonter grâce à leur ténacité et au puissant soutien du Ministre du Travail et des Questions Sociales local. Toutefois, l’orientation politique de l’ouvrage et son militantisme conduisent à emettre certaines réserves. Orientation qui se traduit déjà dans la seule utilisation du concept, plus souvent politique qu’investi d’un contenu descriptif et historique précis pour l’Allemagne, de « fascisme ». Le premier article (D. Roer et D. Henkel) se consacre en effet à la « fonction de la psychiatrie bourgeoise et à sa forme particulière sous le fascisme ». Nier l’intégration socio-culturelle, politique et économique de la psychiatrie dans les sociétés industrielles du XIXe et XXe siècle serait ridicule, mais résumer la « double fonction » de la psychiatrie à une « remise en état de la force de travail ou mise en réserve d’hommes inaptes au travail comme dépositaires potentiels d’un capital de travail » (p.17) semble quelque peu réductionniste et davantage issu d’un schéma pré-établi que d’une analyse serrée de l’histoire de cette discipline. Si la psychiatrie occidentale s’inscrit dans le contexte des sociétés industrielles des deux derniers siècles et en reflète les attitudes (autoritarisme, etc.) et certains intérêts sociaux (mise à l’écart des « anormaux » et « asociaux », etc.), ses fonctions ne se bornent pas à défendre les intérêts du capitalisme comme « système d’exploitation de la force de travail ». En tous cas, peu convaincus des vertus du doute méthodologique, notre collectif d’étudiant entend ammener à la raison tous les autres historiens de la question, recensés dans notre présente bibliographie, et qui, ne disposant pas de leurs lumières, s’étaient égarées dans de vaines explications. A leurs yeux, qui ne comprend pas que le fascisme est « la forme la plus radicale de la domination bourgeoise pour assurer l’expansion de l’économie capitaliste » ne peut comprendre les « causes décisives des crimes de la psychiatrie dans les structures économiques de l’impérialisme qui, libéré de toute entrave politique et éthique, passa sur des cadavres pour imposer les intérêts du profit » (p.33). Dans ce cadre explicatif, l’idéologie raciale devient un « phénomène d’habillage » (p.32), tous ceux qui s’attardent à vouloir y trouver l’origine des massacres nazis s’égarent dans une analyse superficielle (ou « superstructurelle »). La critique qu’il font des autres interprétations (pp.32-37) est parfois fondée (interprétations purement psychologique ou « anthropologique », interprétations relevant de la pure histoire des idées politiques, transcendantes et libres de toutes attaches sociales, etc.) et représente une des rares analyses critique des différentes interprétations. L’ouvrage a, en outre, au moins deux mérites : il constitue une monographie solide sur Hadamar(7 articles sur 9) et, s’attaquant à la légende scientiste selon laquelle le nazisme aurait détourné la psychiatrie de son droit chemin, ils insistent sur les continuités fonctionnelles et structurelles entre la psychiatrie de la période weimarienne et la psychiatrie de la période nazie, même si leurs assertions ne reposent pas toujours sur des études historiographiques détaillées. Le tableau, par Debus et al, sur l’état d’esprit de la psychiatrie allemande en 1932, est particulièrement éclairant à cet égard (pp.38ff.).

 

K.L. Rost, 1987, Sterilisation und Euthanasie im Film des « Dritten Reiches ». Ns Propaganda in ihrer Beziehung zu rassenhygienischen Massnahmen des NS-Staates, Abhandl. z. Gesch. d. Medizin u. d. Naturwiss., 55, Husum, Matthiesen (d’abord Th.D. hist. méd. FU Berlin 1986). L’opinion publique allemande fut préparée aux mesures de stérilisation et d’euthanasie grâce à une habile propagande. L’étude se centre sur l’aspect cinématographique.

 

K.H. Roth, 1986, Filmpropaganda für die Vernichtung der Geisteskranken und Behinderten im « Dritten Reich », Th.D. sociologie de la méd., Hambourg.

 

  1. Rückleben, 1981, Deportation und Tötung von Geisteskranken aus den badischen Anstalten der Inneren Mission Kork und Mosbach, Karlsruhe, Evangelischer Presseverband für Baden, Veröffentlichungen des Vereins für Kirchengeschichte in der evangelischen Landeskirche in Baden, vol.33.

 

  1. Rudnick, 1985, Behinderte im Nationalsozialismus: von der Ausgrenzung und Zwangsterilisation zur “Euthanasie“, Weinheim, Beltz. Le destin des handicapés sous le IIIe Reich : de la séparation et stérilisation obligatoire à l’extermination. Rééd. 1990 : Aussondern, Sterilisieren, Liquidieren: die Verfolgung Behinderter im NS, Berlin, Edition Marhold im Wissenschaftsverlag Volker Spiess.

 

  1. Schmidt, 1983, Darstellung, Analyse und Wertung der Euthanasiedebatte in der deutschen Psychiatrie von 1920-1933, Th. D. hist. méd. Leipzig, RDA. Le débat sur l’euthanasie dans la psychiatrie allemande de 1920 à 1933.

 

H.W. Schmuhl, 1987, Rassenhygiene, NS, Euthanasie, von der Verhutung zur Vernichtung ‘lebensunwerten Lebens‘, 1890-1945, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht. Voir commentaire dans la 2e partie de notre article (eugénisme).

 

  1. Sick, 1983, ‘Euthanasie’ im NS, am Beispiel des Kalmenhofs in Idstein im Taunus, Materialien zur Sozialarbeit und Sozialpolitik, Francfort, Fachhochschule F/M. Monographie détaillée sur un centre d’euthanasie. Montre à travers quelques exemples, la présentation des « décès soudains » des enfants aux familles et la correspondance des enfants.

 

H.L. Siemen, 1982, Das Grauen ist vorprogrammiert. Psychiatrie zwischen Faschismus und Atomkrieg, Giessen, Focus. Le titre très général risque de le faire négliger par l’historien en quête de bibliographie sur le contexte scientifique de la psychiatrie nazie. En fait 200 pages (sur 230) sont consacrées à l’histoire de la psychiatrie allemande de 1914 à 1945. Le chapitre sur la psychiatrie pendant la Guerre de 1914-1918 (où on laissa volontairement périr les patients des hôpitaux psychiatriques) est très instructif et annonciateur de développements futurs. Etudie également le mouvement en faveur de la stérilisation et l’euthanasie sous Weimar puis sous le IIIe Reich.

 

H.L. Siemen, 1987, Menschen blieben auf der Strecke … Psychiatrie zwischen Reform und Nationalsozialismus, Gütersloh, Jakob van Hoddis. Th.D. psychologie, Hambourg 1986. Recoupe en bonne partie, de manière plus développée, l’ouvrage précédent, en commençant en 1919 et en s’arrêtant en 1945. La périodisation adoptée par l’auteur, laquelle peut être contestée, met en lumière les mouvements de la période weimarienne : « 1919-1928, l’ère des réformes », avec « 1919-1923, la crise de la psychiatrie » et « 1924-1928, consolidation », puis « 1929-1932, la radicalisation de la psychiatrie ».

 

  1. Suesse & H. Meyer, 1985, Die Konfrontation Niedersächsischer Heil- und Pflegeanstalten mit den « Euthanasiemassnahmen » des NS. Schicksal der Patienten und Verhalten der Therapeuten und zuständigen Verwaltungsbeamten, Th.D. Clinique de Psychiatrie, Hanovre. Significatif du retournement de tendance amorcé depuis 1980. Les thèses de doctorat sur ce sujet brûlant sont enfin traitées dans les facultés de médecine psychiatrique. 1ère partie : l’arrière plan eugéniste et psychiatrique et présentation générale de la législation eugénique et de l’euthanasie sous le IIIe Reich. 2e partie : l’action T4 dans les différents centres psychiatriques de Basse-Saxe. 3e partie : les poursuites judiciaires contre les médecins accusés, jusqu’au dernier procès de 1974 où, faute de preuves suffisantes (seule la très forte mortalité indique qu’il y a eu une action d’euthanasie « sauvage » (mort sans gazage mais par d’autres moyens plus « discrets » tels que le rationnement alimentaire et le froid), aucun accusé ne fut condamné.

 

  1. Tuchel (éd.), 1984, « Kein Recht auf Leben ». Beiträge und Dokumente zur Entrechtung und Vernichtung « lebensunwerten Lebens » im NS, Berlin, Wissenschaftlicher Autoren-V. De la stérilisation des handicapés à leur extermination. Documents et articles, dont un traite de la réaction des églises face à la loi eugénique de stérilisation du 14 juillet 1933.

 

  1. F. Voss, 1973, Psychopathie 1933-1945. Th. D. hist. méd. Kiel. Les conceptions en matière de psychopathologie de 1933 à 1945.

 

  1. Wunder, 1992, Euthanasie in den letzten Kriegsjahren : die Jahre 1944 und 1945 in der Heil- und Pflegeanstalt Hamburg-Langenhorn, Husum, Matthiesen, Abh. z. Gesch. d. Med. u. d. Naturwiss. , 65.

 

Ajoutons à cela quelques uns des articles sur la question :

 

  1. Aly, 1984, « The legalization of mercy killings in medical und nursing institutions in Nazi Germany from 1938 until 1941. A commented documentation », International Journal of Law and Psychiatry (Elmsford, NY), 7 (2): 145-63.

 

  1. Blasius, 1991, « Psychiatrie in der Zeit des Nationalsozialismus », Sudhoffs Archiv, 75: 90-105.

 

  1. Burleigh, 1991, « Surveys of developments in the social history of medicine: III. ‘Euthanasia‘ in the Third Reich: some recent literature », Social History of Medicine, 4 (2): 317-28. Fournit une analyse à la fois globale et précise assez utile. Rappelle à la fin de son article que si, depuis quelques années, les victimes des stérilisations sont compensées de façon dérisoire (une pension de 100 à 500 DM ou un dédommagement définitif de 5000 DM), les familles des euthanasiés ne le sont toujours pas.

 

J.E. Caughey, 1985, « The German euthanasia programme », New Zealand Medical Journal (Dunedin), (juillet) 10; 98 (782): 555-6.

 

  1. von Cranach, 1985, « Euthanasie des malades mentaux pendant la seconde guerre mondiale en Allemagne », Annales Médico-psychologiques, Paris, 143 (4): 352-60.

 

  1. Delius, 1991, « Nationalsozialistische Gewaltmassnahmen gegen psychisch Kranke: Bewältigungswege von Familienangehörigen », Psychiatrische Praxis, 18 (2): 64-9.

 

P.G. Derr, 1989, « Hadamar, Hippocrates, and the future of medicine: reflections on euthanasia and the history of German medicine », Issues in Law and Medicine, Terre Haute, IN, 4 (4): 487-95.

 

  1. Dieckhöfer, 1989, « Gerhart Hauptmann und die zeitgenössische Psychiatrie im Spiegel seiner Werke », Gesnerus, 46: 81-92.

 

  1. Ernst, 1985, « ‘Lebensunwertes Leben‘ : die Ermordung Geisteskranker und Geistesschwacher im dritten Reich », Schweizer Monatshefte, Zurich, 65 (6): 489-504.

 

  1. Gast, 1989, « Sozialpsychiatrische Traditionen zwischen Kaiserreich und Nationalsozialismus », Psychiatrische Praxis, Stuttgart, 16 (2): 78-85.

 

R.A. Graham, 1976, « The Right to kill in the Third Reich. Prelude to Genocide », Catholic Historical Review, 62 (1), pp.56-76.

 

  1. Gruchmann, 1972, « Euthanasie und Justiz im Dritten Reich », Vierteljahrshefte für Zeitgeschichte, 20 (3), pp.235-79.

 

H.G. Güse & N. Schmacke, 1980, « Psychiatry and the origins of Nazism », International Journal of Health Services (Westport CT), 10 (2) : 177-96.

 

  1. Habay, G. Herberich-Marx, F. Raphael, 1990/91, « L’identité – stigmate. L’extermination des malades mentaux et d’associaux alsaciens durant la seconde guerre mondiale », Revue des Sciences Sociales de la France de l’Est, n° 18, pp.38-62. Ce travail mérite à deux titres d’être signalé : c’est une des rares recherches sur des sources de première main de la part d’auteurs français ; il concerne une région en général oubliée des historiens de la médecine allemands : l’Alsace.

 

K.H. Hafner & R. Winau, 1974, « “Die Freigabe der Vernichtung lebensunwerten Lebens“. Eine Untersuchung zu der Schrift von Karl Binding und Alfred Hoche », Med. hist. J. , 9: 227-254

 

  1. Hoenig, 1982, « Kurt Schneider and Anglophone psychiatry », Comprehensive Psychiatry (New York), (sept.-oct.) 23 (5): 391-400. A ne pas confondre avec Carl, le professeur de psychiatrie de l’Université de Heidelberg. Kurt dirigeait l’Insitut clinique du Centre de Recherche Allemand en Psychiatrie, basé à Munich (dirigé par Rüdin et financé jusqu’en 1935 par la fondation Rockefeller), et s’opposa à l’euthanasie.

 

  1. Janzarik, 1984, « Jaspers, Kurt Schneider und die Heidelberger Psychopathologie », Nervenarzt , Berlin, (janv.) 55 (1): 18-24.

 

  1. Kaiser, 1990-1991, « Vor 50 Jahren: Dokumentationen zum Bernburger ‘Euthanasie‘-Aktionsprogramm », Zeitschrift für die Gesamte Innere Medizin, I : 45 (14): 424-9 ; II : 46 (7): 249-54 .

 

  1. Koch, 1988, « Die Freigabe der Vernichtung lebensunwerten Lebens » von Binding und Hoche im Spiegel der deutschen Psychiatrie vor 1933″, Nervenarzt, Berlin, 59 (12): 750-1.

 

  1. Kräuchi, H.J. Haug, P. Graw, 1991, « Alfred Hoche and the elimination of the unfit », Biological Psychiatry, NY, 1 sept., 30 (5): 529-30.

 

  1. Lidz & H.R. Widemann, 1989, « Karl Wilmanns (1873-1945) … einige Ergänzungen und Richtigstellungen », Fortschritte der Neurologie-Psychiatrie, Stuttgart, 57 (4): 161-2.

 

J.E. Meyer, 1988a, « The fate of the mentally ill in Germany during the Third Reich », Psychological Medicine, Londres, août, 18 (3): 575-81.

 

J.E. Meyer, 1988b, « ‘Die Freigabe der Vernichtung lebensunwerten Lebens‘ von Binding und Hoche im Spiegel der deutschen Psychiatrie vor 1933 », Nervenarzt, 59 (2): 85-91.

 

  1. Meyer-Lindenberg, 1991, « The Holocaust and German psychiatry », British Journal of Psychiatry, Londres, juillet, 159: 7-12.

 

  1. Nowak, 1988, « Sterilisation und ‘Euthanasie‘ im Dritten Reich: Tatsachen und Deutungen », Gesch. Wiss. Unterricht, 39 (6): 327-41.

 

U.H. Peters, 1984, « Die Situation der deutschen Psychiatrie bei Beginn der psychiatrischen Emigrationsbewegung 1933 », in O. Baur, O. Glandien (éd.), Zusammenhang. Festschrift für Marielene Putscher, vol.2, Cologne, Wienand.

 

U.H. Peters, 1988, « Die deutsche Schizophrenielehre und die psychiatrische Emigration », Fortschritte der Neurologie-Psychiatrie, Stuttgart, 56 (11): 347-60.

 

  1. Scharfetter, 1984, « Ein Anliegen der Menschheitserziehung: Delegierte Destruktivität. Massenmord an Psychiatriepatienten in Hitler-Deutschland », Schweizer Archiv für Neurologie, Neurochirurchie und Psychiatrie (Zurich), 134 (2): 279-93.

 

H.A. Schulze, 1981, « Karl Bonhoeffer, seine Persönlichkeit, sein Werk, seine Wirkung », Psychiatrie, Neurologie und Medizinische Psychologie (Leipzig), (juin) 33 (6): 321-6. Le professeur de psychiatrie de l’Université de Berlin qui encouragea les stérilisations mais s’opposa à l’euthanasie.

 

  1. Seidel, H. Meyer, T. Süsse, 1987, « Hilfreiche Anpassung – hilflose Fügung. Arzte und Verwaltung Niedersachsens während der Vernichtung psychisch Kranker zur Zeit des Nationalsozialismus », Psychiatrische Praxis, Stuttgart, août, 14, supp. 1: 27-34.

 

H.F. Späte & A. Thom, 1980, « Psychiatrie im Faschismus – Bilanz der historischen Analyse », Zeitschrift für die Gesamte Hygiene und ihre Grenzgebiete (Berlin), 26 (8): 553-60.

 

  1. Thom, 1985, « Das Schicksal der Psychiatrie in der Zeit der faschistischen Diktatur. Zum 40. Jahrestag der Befreiung und zum Gedenken der Opfer einer destruktiv gewordenen Wissenschaft », Psychiatrie, Neurologie und Medizinische Psychologie, Leipzig, 37 (5): 245-54.

 

  1. Thom & S. Hahn, 1986, « Euthanasie im Dritten Reich – nur ein Problem der Psychiatrie ? Zur Entwicklung der Sterbehilfe-Debatte in den Jahren von 1933-1941 in Deutschland », Zeitschrift für die Gesamte Innere Medizin, Leipzig, 15 janv., 41 (2): 44-8.

 

  1. Volk, 1980, « Episkopat und Kirchenkampf im Zweiten Weltkrieg. Lebensvernichtung und Klosterturm 1939-1941 », Stimmen der Zeit, Fribourg /Br., 198 (9): 597-611.

 

Weber, 1991, « “Ein Forschungsinstitut für Psychiatrie …“. Die Entwicklung der Deutschen Forschungsanstalt für Psychiatrie in München zwischen 1917 und 1945 », Sudhoffs Archiv, 75: 74-89.

 

  1. Wolfensberger, 1981, « The extermination of handicaped people in World War II Germany », Mental Retardation (Washington), (fév.) 19 (1): 1-7.

 

 

VI – Psychologie, psychanalyse et psychothérapie

Bien que la psychologie, la psychanalyse et les diverses formes de psychothérapies ne relèvent pas institutionnellement de la médecine, leurs rapports directs avec la théorie psychiatrique et leur influence sur la pratique psychiatrique obligent à les recenser.

 

 

  1. Cocks, 1985, Psychotherapy in the Third Reich. The Göring Institute, NY, Oxford U.P. (trad. fr. : La psychothérapie sous le IIIe Reich. L’Institut Göring, 1987, Paris, Les Belles Lettres, coll. : Confluents psychanalytiques). Très complet et clair mais aborde à peine la psychiatrie. Par contre dépasse largement le cadre de l’Institut Göring, fondé par le Dr. Mathias Göring, neveu du puissant maréchal.

 

  1. Geuter, 1984, Die Professionalisierung der deutschen Psychologie im NS, Francfort, Suhrkamp. Livre exhaustif sur la « professionnalisation », l’institutionnalisation et les utilisations « pratiques » de la psychologie sous le IIIe Reich.

 

C.F. Graumann (éd.), 1985, Psychologie im NS, Berlin, Springer. Ouvrage collectif sur différents aspects des sciences psychologiques sous le IIIe Reich. Sont traitées entre autres : la « psychologie de la totalité, la « Gestaltpsychologie », la psychologie pédagogique et la « psychologie appliquée ».

 

  1. Lockot, 1985, Erinnern und Durcharbeiten. Zur Geschichte der Psychoanalyse und der Psychotherapie im NS, Francfort, Fischer Taschenbuch (d’abord Th.D en psychologie médicale à FU Berlin 1984). Contrairement à ce que l’on pourrait penser, la psychanalyse ne fut pas totalement « liquidée » sous le IIIe Reich. L’auteur expose le destin de cette discipline ainsi que l’itinéraire des différents courants psychothérapeutiques sous le NS.

 

H.M. Lohmann, 1984, Psychoanalyse und NS. Beiträge zur Bearbeitung eines unbewältigten Traumas, Francfort, Fischer Taschenbuch. La 2e partie présente l’évolution de la psychanalyse sous le IIIe Reich. La 3e offre quelques « esquisses de cas » intéressantes, dont celle de C.G. Jung , avec sa différenciation entre « l’inconscient juif et l’inconscient aryen » (1933), qui laisse plutôt le lecteur sur sa faim.

 

  1. Mitscherlich, 1984, Psychoanalyse und Nationalsozialismus: Beiträge zur Bearbeitung eines unbewältigten Traumas, Francfort /M., Fischer. L’analyse de la question par le même auteur du premier livre allemand sur la médecine sous le NS (Mitscherlich & Mielke 1949).

 

Psychoanalyse in Berlin : Beiträge zur Geschichte, Theorie und Praxis, 50-Jahre-Gedenkfeier des Berliner Psychoanalytischen Instituts (Karl Abraham-Institut ), 1971, Meisenheim, Hain. Contient chapitres historiques de H. Abraham, H.J. Bannach, K. Dräger, G. Maetze-Abraham.

 

  1. Zapp, 1980, Psychoanalyse und Nationalsozialismus. Untersuchungen zum Verhältnis Medizin / Psychoanalyse während des Nationalsozialismus. Th. D. hist. méd. Kiel. La question de la psychanalyse sous le NS.

 

 

A cela ajoutons quelques articles fournis par la Bibliography of the History of Medicine , car il semblerait que la question du destin de la psychanalyse allemande sous le NS ait suscité un débat assez vif chez les historiens allemands et américains de cette discipline.

 

M.G. Ash, 1987, « Whose history ? Whose therapy ? Psychoanalysis and psychotherapy in the Third Reich », Bulletin of the History of Medicine (Baltimore), 61 (4): 641-54.

 

  1. Beland, 1986, « Psychoanalyse unter Hitler – Psychoanalyse heute », Psyche, 40 (5): 423-42.

 

  1. Brainin, I.J. Kaminer, 1982, « Psychoanalyse und Nationalsozialismus », Psyche, (nov.), 36 (11): 989-1012.

 

  1. Bräutigam, 1984, « Rückblick auf das Jahr 1942. Betrachtungen eines psychoanalytischen Ausbildungskandidaten des Berliner Instituts der Kriegsjahre », Psyche, (oct.), 38 (10): 905-14.

 

G.C. Cocks, 1983, « Psychoanalyse, Psychotherapie und Nationalsozialismus », Psyche, (déc.) 37 (12): 1057-106.

 

G.C. Cock, 1990, « The professionalization of psychotherapy in Germany, 1928-1949 », in G. Cocks & K.H. Jarausch (éd.), German professions, 1800-1950, New York, Oxford University Press, pp.308-28.

 

  1. Dahmer, 1984, « ‘Psychoanalyse unter Hitler‘ – Rückblick auf eine Kontroverse », Psyche, (oct.) 38 (10): 927-42.

 

  1. Dräger, 1971, « Bemerkungen zu den Zeitumständen und zum Schicksal der Psychoanalyse und der Psychotherapie in Deutschland zwischen 1933 und 1949 », Psyche, Stuttgart, (avril), 25, pp.255-68.

 

T.J. Elliger, 1986, S. Freud und die akademische Psychologie: ein Beitrag zur Rezeptionsgeschichte der Psychoanalyse in der deutschen Psychologie (1895-1945), Weinheim, Deutscher Studien Verlag, Beltz.

 

A.H. Feiner, 1985, « Psychoanalysis during the Nazi regime », Journal of the American Academy of Psychoanalysis, NY, 13 (4): 537-45.

 

  1. Friedrich, 1988, « Briefe einer Emigrantin. Die Psychoanalytikerin Clara Happel an ihren Sohn Peter (1936-1945), Psyche, 42 (3): 193-215.

 

  1. Fritsche, 1984, « Wandlungen in Struktur und Funktion der Psychotherapie ab 1933 », Zeitschrift für die Gesamte Hygiene und ihre Grenzgebiete (Berlin), (fév.) 30 (2): 115-7.

 

  1. Geuter, 1987, « German psychology during the Nazi period », in M.G. Ash & W.R. Woodward (éd.), Psychology in twentieth-century thought and society, Cambridge, Cambridge University Press, pp.165-87.

 

H.M. Lohmann, L. Rosenkötter, 1982, « Psychoanalyse in Hitlerdeutschland. Wie war es wirklich ? », Psyche, (nov.), 36 (11): 961-88.

 

H.M. Lohmann & L. Rosenkötter, 1983, « Psychoanalyse in Hitlerdeutschland. Wie war es wirklich ? Ein Nachtrag », Psyche, (déc.), 37 (12): 1107-15.

 

  1. Nitzschke, 1991, « Psychoanalyse als “un“- politische Wissenschaft. Die politischen Konsequenzen der “Weltanschauungs“-Debatte vor 1933 für das Verhalten einiger offizieller Repräsentanten der deutschen (DPG) und der internationalen (IPV) Psychoanalyse während der Zeit des “Dritten Reich“ », Zeitschrift für Psychosomatische Medizin und Psychoanalyse, Göttingen, 37 (1): 31-44.

 

  1. Roudinesco, 1988, « René Laforgue und Matthias Heinrich Göring », Psyche, 42 (12): 1041-80.

 

  1. Schulte, 1986, « Zur Diskussion über Psychoanalyse und Nationalsozialismus in der Psyche », Psyche, 40 (5): 443-9.

 

  1. Spiegel, 1985, « Survival, psychoanalysis and the Third Reich », Journal of the American Academy of Psychoanalysis, 13 (4): 521-36.

 

J.F. Wohlwill, 1987, « German psychological journals under national socialism: a history of contrasting paths », Journal of the History of the Behavioral Sciences, Brandon VT, 23 (2): 169-85.

 

 

VII – Autriche

 

La production autrichienne paraît très faible en regard de la RFA et de la RDA (si l’on élimine la psychanalyse – les plus actifs semblant être les psychanalystes – il reste un seul livre en 24 ans). Il semblerait que les historiens de la médecine autrichiens (en dehors de M. Hubensdorf « exilé » à Berlin) n’aient pas encore abordé le sujet de la médecine austro-allemande sous le NS (1938-1945) (cf. K. Fallend 1989). Nous n’avons pas trouvé de doctorat en médecine ou histoire de la médecine sur la question pour la période 1970-1992.

 

M.G. Ash, 1987, « Psychology and politics in interwar Vienna: the Vienna Psychological Institute, 1922-1942 », in M.G. Ash & W.R. Woodward (éd.), Psychology in twentieth-century thought and society, Cambridge-NY, Cambridge University Press.

 

  1. Aus der Schmitten, 1984, Schwachsinnig in Salzburg. Zur Geschichte einer Aussonderung, Th. D. psychol. Salzburg.

 

  1. Fallend, B. Handlbauer, W. Kienreich (éd.), 1989, Der Einmarsch in die Psyche. Psychoanalyse, Psychologie und Psychiatrie im NS und die Folgen, Edition m, Vienne. Contributions à un colloque de l’atelier pour l’analyse sociale et la psychanalyse tenu à Salzbourg en Autriche en 1988. L’avant-propos et l’article de H. Maimann s’interrogent sur les « fables » de l’historiographie officielle autrichienne (l’Autriche : « première victime de l’agression nazie », etc.) qui ont permis à ce pays d’éviter toute confrontation à son passé réel. Cette absence de Vergangenheitsbewältigung autrichienne expliquerait, selon l’auteur, la résurgence (ou la non disparition) de courants idéologiques assez inquiétants. F. Stadler sur l’émigration et l’exil d’intellectuels autrichiens ; P. Parin sur les dommages, toujours actuels, de la psychanalyse autrichienne des suites de l’annexion de 1938 ; J. Reichmayr sur la persécution de la psychanalyse ; H. Dahner sur les débats actuels concernant la position de la psychanalyse sous le NS ; U. Geuter sur la psychologie dans l’Allemagne NS ; G. Benetka & W. Kienreich sur la psychologie dans les universités autrichiennes NS à travers le cas de l’Institut Psychologique de Vienne ; I. aus der Schmitten sur la ségragation, la stérilisation et l’euthanasie sous le IIIe Reich comparées aux objectifs de l’actuelle Société Allemande pour une Mort Humaine ; W. Vogt sur les ruptures et les continuités entre la médecine sous le NS et celle de l’après-guerre, etc.

 

  1. Leupold-Löwenthal, 1989, « Die Vertreibung der Familie Freud 1938 », Psyche, 42 (2): 120-41.

 

  1. Merinsky, 1981, Die Auswirkungen der Annexion Österreichs durch das Deutsche Reich auf die Medizinische Fakultät der Universität Wien im Jahre 1938. Biographien entlassener Professoren und Dozenten. Th.D. histoire Vienne. Une des premières (et rares !) études autrichiennes sur la question, qui ne vient d’ailleurs pas d’une faculté de médecine mais d’un institut d’histoire. Les médecins Autrichiens auraient-ils encore plus de mal à affronter leur passé que les médecins Allemands ?

 

  1. Stromberger, 1988, Die Arzte, die Schwestern, die SS und der Tod. Die Region Kärnten und das produzierte Sterben in der NS-Periode, Klagenfurt, Draga / SZI.

 

 

Conclusion de la 1ère partie et propositions d’explication

Globalement, cette présentation bibliographique révèle plusieurs phénomènes. D’une part que l’histoire de la médecine et de la psychiatrie académique regardent enfin, au bout de plus de 35 ans, les faces sombres de leur passé, ce que signale l’activité des instituts d’histoire de la médecine allemands dans le traitement de ces questions. D’autre part, pour l’histoire contemporaine généraliste, un renouvellement, suscité par ces nouvelles problématiques, comme en témoigne les colloques organisés par l’Institut für Zeitgeschichte et les articles parus, depuis les années 1980, dans les revues d’histoire anglo-saxones et allemandes. La subite lame de fond d’intérêts pour le sujet peut être interprétée à la lumière de trois facteurs que nous soumettons comme hypothèses : la levée de l’obstacle de la « mémoire vive » (le changement de génération), l’avènement de nouvelles générations porteuses d’une nouvelle sensibilité et de nouvelles problématiques liées aux technologies médicales et génétiques, et une transformation, depuis les années 1970, à la fois de l’historiographie du nazisme en particulier et des sciences en général.

 

Renouvellement des générations et levée de l’obstacle de la « mémoire vive »

Les derniers représentants de la première génération de médecins et psychiatres ayant exercé sous le nazisme (nés avant 1920), s’étant aux deux-tiers ralliés au régime et peu désireux de se laisser rappeler leur actions, partirent à la retraite, à quelques exceptions près, à partir de 1980. L’obstacle le plus solide à la « mémoire » (en l’occurence de la volonté active d’amnésie collective des anciens médecins nazis ou collaborateurs) fut donc définitivement levé dans les universités à partir 1980-85. Cette date aussi tardive s’explique par le fait que ce furent les médecins les plus jeunes qui s’engagèrent le plus dans la politique nazie et qui devinrent après la guerre professeurs d’université, responsables d’hôpitaux et d’instituts de recherche et dirigeants des instances professionnelles. 9% – presque un sur dix – des médecins hommes établis entre 1933 et 1939 s’étaient engagés dans la SS [147]. Toutefois, ce changement de génération concerne essentiellement les universités et les structures hospitalières. Les organisations professionnelles, telles que les Chambres de Médecins et Associations des Caisses Médicales, ne semblent pas imposer de limites d’âge à leurs dirigeants, comme en témoigne le cas du Prof. Sewering toujours président à 77 ans de la Chambre de Bavière, en 1993. Ceux qui furent écoliers du secondaire, simples étudiants en médecine ou en tout début de carrière médicale sous le nazisme (nés entre 1920 et 1930), ne furent en général pas impliqués personnellement dans les crimes, mais ayant vécu cette période et noué des liens personnels et académiques avec leurs aînés, ils acceptèrent tacitement le silence que ceux-ci imposèrent entre 1945 et 1980. La jeune génération des années 1950 avait vécu une partie de sa vie, dont son enfance ou son adolescence, sous le nazisme (où elle était enrôlée dans les organisation de jeunesse nazies), dont 6 ans de guerre, les bombardements et le rapatriement des Allemands d’Europe de l’Est, où, tout ensemble, 6 millions d’Allemands périrent. L’état de ruine de l’Allemagne des « années décombres » (1945-1948), les privations qu’ils y subirent, sa mise en accusation internationale pour l’Holocauste de plus de 5 millions de Juifs européens et le déclenchement de la guerre mondiale, puis la division du pays et la Guerre froide, les ammenèrent à mettre une croix sur le passé et à se tourner avec d’autant plus d’énergie vers le « futur », la reconstruction, la modernisation et le bien-être matériel. La jeunesse étudiante de 1968 était née après 1945 ou n’avait vécu que sa toute petite enfance sous le nazisme. Elle avait bénéficié de l’essor économique de l’Allemagne à partir de 1950. Les conflits politiques et idéologiques qu’elle déclencha se transforma essentiellement en un conflit de générations et d’univers culturels. Ils créèrent une rupture dans les chaînes de solidarité intergénérationnelles et permirent l’émergence de nouvelles attitudes. Ils fournirent la plupart des ouvrages d’orientation marxiste ou anti-autoritariste des années 1970. Les nouvelles générations étudiantes depuis 1980 (nés entre 1958 et 1975), moins politisées et moins imprégnées par des théories sociologiques et psychologiques aussi structurées, mais sensibilisées, entre autres, par les nombreux documentaires et films télévisés des deux dernières décades (telle la série américaine « Holocaust »), continuent de manifester un rejet aussi radical de la « parenthèse » nazie que leurs aînés de 1968 [148]. D’après les entretiens que nous avons pu avoir, les deux dernières générations étudiantes, se référant davantage à l’éthique qu’à la politique, ne semblent pas prêtes à faire la moindre concession morale à la génération de leurs grands-parents. De façon générale, l’atmosphère, depuis 1970, s’est radicalisée dans un rejet très violent, et pouvant aller jusqu’aux violences physiques, de silences ou de discours de contournement qui furent tolérés pendant plus de trente ans [149]. La confrontation au nazisme fait partie de ce besoin de mettre à jour tout ce qui a pu être dissimulé et paraît contraire à l’éthique. Face à cette nouvelle attitude dominante de la jeunesse étudiante intellectuellement active, les nouveaux universitaires en place depuis la rupture culturelle de 1968 sont eux-mêmes stimulés dans leur volonté d’éclaircir ce chapitre de l’histoire de leur discipline pour satisfaire cet appétit de savoir.

 

La mémoire et l’histoire comme « instruments politiques »

Un deuxième facteur, dans le développement, particulièrement impressionant en Allemagne de l’Ouest depuis 1980, de l’histoire de la médecine et de la psychiatrie sous le nazisme, réside peut-être dans l’émergence de nouvelles attitudes par rapport à la science, à la technologie, à la médecine, à la psychiatrie et aux différentes formes de discrimination. Comparativement aux autres pays industrialisés, l’Allemagne de l’Ouest est l’un des pays où fleurissent le plus l’écologisme, le mouvement anti-vivisection, les médecines « alternatives » (homéopathie, « médecines douces », « responsabilité du malade face à l’autoritarisme médical », etc.) et la condamnation des dangers de la science et de la technologie (critique du nucléaire, des manipulations génétiques, etc.) [150]. La volonté de non discrimination des « minorités » (femmes, handicapés physiques et mentaux, étrangers, homosexuels, etc.) et de leur réhabilitation sociale, y est également, avec les pays du Nord-Ouest de l’Europe (Scandinavie, Hollande) et d’Amérique du Nord, particulièrement vivace et active. Dans ce cadre, l’étude de la médecine et de la psychiatrie sous le nazisme, comme développement d’une technocratie scientifique inhumaine, s’avère éminnement « instrumentale » (au sens anglo-saxon du terme) dans la dénonciation des dangers toujours potentiels d’une médecine « technocratique ». Un certain nombre d’études, tels les travaux de Siemen sur la psychiatrie, de Kaupen-Haas sur l’eugénisme ou le fameux article de Hanauske-Abel « From nazi Holocaust to nuclear Holocaust », appartiennent clairement à cette catégorie. D’un point de vue historique, cette volonté systématique de démontrer des continuités entre la « médecine nazie » et la médecine contemporaine peut occasionnellement conduire, comme le fait remarquer l’historien anglais de la médecine allemande P. Weindling, à des distorsions et des anachronismes. Le même historien s’interroge en outre sur la portée éthique de l’utilisation parfois abusive de la mémoire des victimes du nazisme pour « gagner des points » dans les batailles idéologiques contemporaines [151].

 

Les nouvelles conceptions en histoire des sciences

Un troisième facteur relève probablement, comme nous l’avons évoqué en introduction, des transformations subies par l’histoire des sciences depuis le début des années 1970. Si les facteurs générationnels (l’obstacle de la « mémoire vive ») et idéologiques (l’utilisation « politique » de la mémoire) sont spécifiques à l’Allemagne, ils n’expliquent pas le manque d’intérêt des autres nations occidentales pour la question des rapports entre médecine et national-socialisme. Si l’on consulte les principales revues occidentales d’histoire de la médecine de la période 1945-1985 [152], le sujet apparaît singulièrement absent [153]. L’index 1946-1975 du Journal of the History of Medicine and Allied Sciences (USA) ne produit aucun article sur la question sous les rubriques « Allemagne » et « Eugénisme ». Le mot-clé « national-socialisme » n’y apparaît même pas. En dehors des revues de livres, le sujet n’a pas été abordé entre 1976 et 1991. Le Bulletin of the History of Medicine , selon son index 1933-1982, par contre fournit deux articles en 37 ans (1945-1982) [154] et commence à se pencher timidement sur la question depuis 1988. Même la revue de l’Institut d’Histoire de la Médecine Israël de Jerusalem Koroth, A Bulletin devoted to the History of Medicine and Science ne semble pas s’être beaucoup penchée sur le sujet entre 1977 et 1989 [155]. Le sujet n’apparaît pas beaucoup plus avant 1980 dans les revues généralistes d’histoire des sciences telles que Archives Internationales d’Histoire des Sciences – Italie, Journal of the History of Biology (aucun article spécifique entre 1968 et 1987) ou même la très ouverte Isis. An International Review devoted to the History of Science and its cultural Influences (USA) (selon l’index, rubrique « Allemagne », aucun article sur le sujet entre 1953 et 1982). History and Philosophy of the Life Sciences – Italie-GB-USA avec un rédacteur en chef français (M.D. Grmek de l’EPHE), une intéressante revue fondée en 1979 ne publie rien à cet égard entre 1979 et 1988. Nuncius. Annali di Storia della Scienzia – Italie, une revue encore plus récente, édite en tout et pour tout un article de six pages de 1986 à 1989 [156]. Il faut en déduire que les centaines d’articles publiés sur la question ne le furent pas dans les revues d’histoire de la médecine ni des sciences mais dans la presse d’information médicale ou grand public, en particulier à l’occasion des procès contre les médecins nazis ou autres découvertes ultérieures qui défrayèrent la chronique [157].

 

Dans ce panorama international des revues d’histoire de la médecine et des sciences biologiques, l’Allemagne de l’Ouest ne tient pas la plus mauvaise place mais au contraire la première. La RFA possède deux revues principales d’histoire de la médecine de qualité : Sudhoffs Archiv. Zeitschrift für Wissenschaftsgeschichte et le Medizinhistorisches Journal [158]. Si les Sudhoffs Archiv ne se penchèrent apparemment sur le sujet qu’au bout de 46 ans, en 1991, avec deux articles sur la psychiatrie, dont l’un sur l’Institut de Recherche en Psychiatrie de Rüdin et l’autre plus général [159], le Medizinhistorisches Journal aborda, comme nous l’avons vu, dès 1974, grâce à l’action du Prof. Mann qui en était le co-éditeur, le brûlant passé avec un article sur la préhistoire de l’euthanasie nazie, suivi par une dizaine d’articles spécifiquement dédiés au rapports entre médecine et national-socialisme ou des points apparentés jusqu’en 1985 [160].

Plutôt qu’une volonté délibérée et consciente d’éviter le sujet de la part de la communauté scientifique internationale, comme l’assume Müller-Hill (in N. Frei (éd.) 1991), on peut interpréter ce silence puis le brusque intérêt dont bénéficie, hors de l’Allemagne, le sujet depuis moins de 10 ans comme le symptôme d’une transformation dans les conceptions de l’histoire des sciences. L’histoire de la science, jusque-là était essentiellement abordé sous l’angle d’un progrès continu, linéaire et cumulatif. On s’intéressait presque qu’exclusivement aux théories et aux scientifiques qui avaient toujours valeur pour le corpus scientifique du jour. Par conséquent, on ignorait ou laissait de côté 80% des scientifiques et des théories qui firent la « science » des époques passées. Tous ceux dont les théories n’avaient pas été retenues étaient plus ou moins éliminés de ce type d’histoire de la science. L’épistémologie positiviste renforçait cette tendance : une théorie véritablement scientifique était une théorie encore valide scientifiquement et n’avait aucun rapport avec l’idéologie. Par définition, une science n’était pas idéologique et une idéologie, pas scientifique. Deux nouvelles approches firent éclater cette image de la science à partir des années 1970. D’une part, un mouvement « historiste » fut initié par Kuhn avec sa théorie des « paradigmes » scientifiques. Même si cette théorie fut contestée par la suite, il en ressortait que la science ne procédait pas par progrès continus, fruits des « découvertes » d’individus isolés, mais par blocs heuristiques se succèdant, s’affrontant ou se renversant les uns les autres. Pour les mettre en évidence, il fallait étudier « l’intégralité d’une science à une époque donnée ». La définition de ce qui était scientifique, d’absolue, devenait relative et sociologique : était scientifique ce que les scientifiques d’une époque donnée considéraient eux-mêmes comme scientifique. L’historien n’avait aucune raison d’en exclure arbitrairement ce qui en avait été éliminé par la suite. Il devait tenter de faire ressortir ce qu’exprimait la « science normale » d’une époque. D’autre part, l’étude sociologique de la science se développa. Les sociologues des sciences (en particulier dans les pays anglo-saxons) s’attachèrent à démontrer que les scientifiques formaient un groupe social, disposant certes de règles spécifiques, mais imbriqués dans la société et la culture de leurs temps et soumis au mêmes phénomènes sociaux. Les arguments et facteurs non scientifiques jouaient souvent un rôle au moins aussi important que les arguments purement scientifiques dans l’issue des débats et la victoire de telle ou telle théorie. Les scientifiques étaient des « acteurs sociaux », adoptant des « stratégies sociales » pour s’imposer. La présence d’éléments « idéologiques », dans la genèse des théories puis dans la force de l’attachement qu’y portaient les scientifiques, relativisa la distinction absolue science-idéologie et les débats, maintenant considérés comme surranés, sur la valeur des histoires « interne » et « externe » de la science. Ces deux nouvelles approches conduisaient toutes deux à une volonté de plus grande fidélité à la réalité scientifique d’une époque donné et d’étude plus approfondie de ses discours et de son fonctionnement institutionnel. On ne pouvait plus se borner à relater la « découverte » de tel scientifique en l’extrayant de son contexte socio-historique, il fallait au contraire le relier aux cadres de recherches et aux débats de son temps.

 

L’historiographie de la médecine et de la psychiatrie sous le nazisme subit les conséquences de ce double mouvement. Qualitativement, on observe une transformation dans le contenu des publications. On quitte la simple étude des cas extrêmes et « pathologiques » pour tenter de saisir la logique « normale » de ces sciences qui ont collaboré à la politique nazie. On passe des écrits de pure dénonciation des « pseudo-scientifiques » à une histoire de plus en plus « historisante » et professionnalisée, cherchant à comprendre les évènements en les replaçant dans leur contexte, scientifique, institutionnel, social, économique et politique. Les « études de cas », comme la pratique psychiatrique de tel hôpital particulier ou l’enseignement de la médecine dans telle université, permettent de faire ressortir la science « normale », quotidienne et l’imbrication politique, idéologique et sociale de ses différents acteurs. L’abondance du matériau historiographique à traiter et sa complexité expliquent la profusion de la littérature sur la question. De nombreux aspects restent encore dans l’ombre. Chaque hôpital, chaque université, chaque centre de recherche, chaque groupe médical, collabora d’une façon ou d’une autre à la politique médicale nazie, qui elle-même avait de nombreuses facettes. La volonté de défricher ce domaine, encore vierge il y a treize ans et pourtant porteur d’une forte charge émotionnelle, est aiguisée par le désir d’éclaircissement historique. Presque chaque faculté de médecine s’attèle à l’écriture de sa propre histoire, suscite des travaux, et confrontée à des études plus générales, voit le désir de vérification ou de confirmation provoquer une émulation et un intérêt général pour le sujet.

 

Conséquences : dépolitisation progressive, « historisation » et nouveaux manuels universitaires

Le nombre des travaux, leur complexité croissante et leur acceptation de moins en moins réservée par les institutions médicales, tendent à dissoudre leur charge émotionnelle. Le nième article sur l’euthanasie psychiatrique de tel institut dont la quasi-totalité des responsables sont maintenant décédés, publié dans une revue médicale officielle, n’a plus le même impact émotionnel que les premiers textes qui firent découvrir la question au public. En cessant d’être taboue, l’histoire de la médecine et de la psychiatrie sous le nazisme, perd de sa valeur polémique et directement « politique ». De sujet délibéremment refoulé et marginal pendant 35 ans, elle est devenue un sujet d’étude « classique » et normalisé entre les mains d’historiens professionnels. On ne peut que se féliciter de cette nouvelle tendance de l’historiographie allemande. Vu l’accumulation, maintenant, du nombre de monographies sur des points particuliers ou des régions très délimitées, on peut s’attendre à la parution, dans les années à venir, de grandes synthèses plus solidement fondées sur l’ensemble de cette littérature. La dernière étape restera l’intégration, qui commence juste mais se fait encore attendre, des résultats de ces recherches, dans les manuels d’histoire de la médecine et de la psychiatrie pour étudiants [161].

 

 

N.B. : Nous remercions le Prof. Dr. Kümmel, directeur de l’Institut d’Histoire de la Médecine de l’Université de Mayence, de son hospitalité, d’avoir mis à notre disposition permanente la très riche bibliothèque de son Institut, d’avoir eu l’amabilité, avec le Dr. Lilienthal du même institut, de vérifier l’exhaustivité de notre bibliographie, et des nombreuses aides qu’il nous a apportées, le Prof. Dr. Winau, directeur de l’Institut d’Histoire de la Médecine de l’Université Libre de Berlin, de l’entretien qu’il nous a accordé et de l’hospitalité dont il nous a témoigné lors de notre séjour dans son institut, le Dr. M. Hubensdorf, du même institut, des informations, très nombreuses et fort utiles, qu’il nous a fournies, et le Prof. H.-P. Schmiedebach, directeur de l’Institut d’Histoire de la médecine de l’Université de Greiswald, pour ses renseignements. Nous portons évidemment seul la responsabilité des erreurs pouvant être contenues dans cet article.

 

La 2e partie de cette article portera sur : « Eugénisme, génétique et anthropologie raciale ».

[1] Témoin interrogé par Lifton, in Lifton, 1986, p.163.

[2] R. Proctor, « Nazi biomedical technologies », in T. Casey & L. Embree (éd.), Lifewolrd and Technology, Washington DC, The Center for Advanced Research and Phenomenology and University Press of America, 1989, pp.17-19.

[3] Weindling, 1984 ; Weingart-Kroll-Bayertz, 1988 ; Weindling, 1989 ; Müller-Hill, 1989, etc. . Cf. la bibliographie sur l’eugénisme dans la 2e partie de notre article sur « Eugénisme, génétique et anthropologie raciale ». Cette loi fut préparée dans l’Etat de Prusse, dirigé par une coalition sociaux-démocrates-Zentrum-libéraux et présidée par un social-démocrate. Parmi les scientifiques qui préparèrent cette loi, figurent des hommes qui durent émigrer après 1933 en raison de leurs origines juives, tel les généticiens R. Goldschmidt et H. Poll.

[4] Cf. la bibliographie sur euthanasie et psychiatrie du présent article.

[5] R. Proctor, 1988a, p. 193.

[6] Cf. les travaux de Aly, Masuhr, et al. 1985 ; Richarz 1987 ; Siemen 1987 ; Siemen in N. Frei (ed.) 1991, etc., dans la bibliographie sur « Psychiatrie et euthanasie ».

[7] Cf. « Genocide in the Guise of Quarantine » in R. Proctor 1988a, pp. 199-202 ; C. Browning 1988 et in Chambre des Médecins de Berlin, 1988, pp. 316-328; « Fleckfieber und ‘Endlösung der Judenfrage‘ » in W. Dressen & V. Riess, in N. Frei 1991, pp. 164-66.

[8] R. Lifton, 1986, p.18.

[9] R. Proctor, 1988a, p.5.

[10] L. Festinger, 1957, A Theory of Cognitive Dissonance .

[11] Cet éventail des réactions possibles s’illustra parfaitement lors de l’“Affaire Heidegger » en France après la publication du livre de V. Farias Heidegger et le nazisme (1987).

[12] P. Thuillier, 1981, Darwin & C°, Bruxelles, Complexe, pp.14-21, 116-18.

[13] R. Proctor, 1988a, p.283.

[14] A. Hilgruber, 1986, et Vogel, 1990, cit. tous deux in B. Laufs, 1990, p.247.

[15] B. Müller-Hill, 1984, trad. fr. 1989, p.112.

[16] B. Laufs,1990, p.248.

[17] Th. S. Kuhn, 1972, La structure des révolutions scientifiques, Paris, Flammarion.

[18] Cf. G.W. Stockings, « On the Limits of ‘Presentism‘ and ‘Historicism‘ in the Historiography of the Behavioral Sciences », in Race, Culture, and Evolution. Essays in the History of Anthropology, Chicago, The University of Chicago Press, 1982, pp. 1-12.

[19] Cf. par ex. le recueil de textes anglo-saxons d’histoire sociologique des sciences par M. Callon & B. Latour (éd.), La science telle qu’elle se fait. Anthologie de la sociologie des sciences de langue anglaise, Paris, La Découverte, 1991.

[20] M. Kater, 1987, « The Burden of the past… », pp. 40-41.

[21] M.H. Kater, The Nazi Party. A social Profile of Members and Leaders 1919-1945, Cambridge, Mass. , Harvard University Press, 1983.

[22] M. Kater, 1989, pp.4-5.

[23] L’évaluation est faite à partir d’un échantillon de 4177 médecins membres de la Chambre des Médecins du Reich (RÄK : où l’inscription était obligatoire pour tout médecin en exercice) : M.H. Kater, 1979, « Hitlerjugend und Schule … », p.609-610. L’échantillon, pour une masse de 79 000 cartes, possède un intervalle de confiance de 1% et une déviation standard de ± 2% (n.141, pp.609-10). Une analyse sociologique générale des membres du NSDAP se trouve dans : M.H. Kater, The Nazi Party (cf. sur les médecins pp.112-114).

[24] G. Lillienthal, « Der Nationalsozialistische Ärztebund (1929-1943/45) », in F. Kudlien (éd.),1985, pp.116-17 et n. p.275.

[25] E. Volkmer in Rapoport & Thom 1989, p. 305 (sans citation de source).

[26] W. Kaiser & A. Völker, « Die faschistische Strömungen an der Medizinischen Fakultät der Universität Halle », in A. Thom & H. Spar (éd.), 1983, p.64.

[27] M. Kater, 1979, p.610 et n.52.

[28] M. Kater, 1987c, p. 315. Cela sans compter les organisations nazies « secondaires » et « tertiaires » (Hitlerjugend, NS-Volkswohlfahrt, NSKK, NS-Frauenschaft pour les femmes médecins, etc.).

[29] La Bibliographie zur Zeitgeschichte éditée par Th. Vogelsang & H. Auerbach (vol.2, 1953-1980, Institut für Zeitgeschichte, Munich) recense un livre hongrois et un livre polonais (que nous recenserons pas ici pour des raisons linguistiques). D’après la Bibliography of the History of Medicine, US Department of Health and Human Services & National Library of Medicine, Washington DC, le pays de l’Est le plus actif semble être la Pologne, en particulier sur la médecine des camps d’extermination.

[30] Pour la période peu active de 1966 à 1979, 422 articles dans le monde pour les seules revues médicales. Pour la période 1980-1992, nous ne connaissons pas les chiffres.

[31] t. 1-5, 1964-1969 ; t.6-10,1970-1974 ; t. 11-15, 1975-1979 ; t.16-20, 1980-1984 ; t. 21-25, 1985-1989 ; t.26, 1990 ; t.27, 1991.

[32] Mitscherlich & Mielke, 1949, Wissenschaft ohne Menschlichkeit, Heidelberg, L. Schneider. La première édition du livre parut en 1947 sous le titre Das Diktat der Menschenverachtung.

[33] Cit. in B. Laufs, 1990, 236. Cf. aussi Hanauske-Abel, 1987, p.46.

[34] C. Pross, 1992, 40.

[35] Mitscherlich & Mielke, 1960, Wissenschaft ohne Menschlichkeit, Francfort, Fischer Bücherei, p.15.

[36] Idem, 1960, p.13.

[37] M. H. Kater, 1989, 10.

[38] F. Bayle, 1950, Croix Gammée contre Caducée. Les expériences humaines en Allemagne pendant la 2e Guerre Mondiale, ss. nom éd.

[39] Plusieurs responsables des expérimentations furent épargnés au procès et emmenés aux Etats-Unis travailler pour l’armée américaine. Ironie de l’histoire : l’expert américain médical au procès de Nuremberg contre les médecins, le Prof. Ivy, avait travaillé aux Etats-Unis sur des domaines analogues. Directeur, entre autres, de l’Institut de Recherche Médicale de l’US-Marine après la guerre, il utilisa pour ses propres recherches les matériaux fournis par les expériences allemandes et noua des contacts étroits avec le Dr. H. Strughold, un de ces médecins nazis expérimentateurs récupérés par les Américains et travaillant dans un centre de recherche de l’US Air Force à San Antonio. Dans les années 1960, le Prof. Ivy fut accusé lors d’un procès spectaculaire pour avoir expérimenté des préparations sur des malades atteints de cancer (B. Laufs, 1990, pp.243-4).

[40] Voir par exemple, l’article de 1987, analysé plus loin, du Dr. Vilmar, président de la Chambre des Médecins Allemands, contre la « diffamation collective » du corps médical allemand. Michael Kater cite le cas du Prof. H. Schadewaldt, directeur de l’Institut d’histoire de la médecine de l’Université de Cologne, qui, pour dédouaner la profession, affirme qu’il y eut « moins de 100 » coupables sur plus de 50 000 médecins (M. Kater, 1987c, « Medizin und Mediziner », p.300, n.1).

[41] Par ex. : W. Poller, 1960, Arztschreiber in Buchenwald. Bericht des Häftlings 996 aus Block 36, Hannovre, Verlag für Literatur und Zeitgeschehen ; Aux Etats-Unis : M. Nyiszli, 1960, Auschwitz. A Doctor’s Eyewitness Account, New York, trad. fr. : Médecin à Auschwitz, Paris, Julliard, 1962.

[42] Dans la ligne communiste de l’Allemagne de l’Est: F. K. Kaul, 1968, Ärzte in Auschwitz, Berlin-Est, VEB Verlag Volk und Gesundheit.

 

[43] Pour la RDA, B. Laufs (1990, p.235) signale toutefois que la Einführung in die Grunzüge der Medizingeschichte, Berlin, VEB V. Volk und Gesundheit, 1968, y fait allusion en quelques lignes sur 550 pages.

[44] E. Ackerknecht, Kurze Geschichte der Medizin, Stuttgart, F. Enke, 1ère éd. US : 1955, 2e éd. allde : 1975.

[45] J. Dumont et al., 1975, Los médocos de la muerte, Madrid, Circulo de Amigos de la Historia, 3 vol.

[46] C. Bernadac, 1967, Les médecins maudits. Les expériences médicales humaines dans les camps de concentration, Paris, France-Empire.

[47] Y. Ternon & S. Helman, 1969, Histoire de la médecine SS ou le Mythe du racisme biologique ; 1971, Le massacre des aliénés. Des théoriciens nazis aux praticiens SS ; 1973, Les médecins allemands et le NS. Les métamorphoses du darwinisme , tous trois : Paris, Casterman.

[48] E. H. Ackerknecht, 1985, Kurze Geschichte der Psychiatrie, (3e éd.), Stuttgart, F. Enke.

[49] Ackerknecht, d’abord communiste puis militant trozkyste actif, devint le dirigeant de l’organisation trotzkyste camouflée en Allemagne, en contact direct avec Trotzky. En 1932, il fit 85 discours contre les nazis, ne sachant jamais s’il les terminerait vivant. Il émigra très rapidement en 1933, sur ordre personnel de Trotzky, car menacé de mort par les nazis. Il alla se réfugier avec ce dernier sur une île turque avant de s’installer à Paris puis d’émigrer aux Etats-Unis. Bien qu’ayant définitivement tourné le dos au marxisme et à la politique en 1939, il fut ennuyé par le FBI pendant la période McCarthyste pour ses anciennes activités, ce qui le décida à quitter les Etats-Unis pour la Suisse. Néanmoins, il s’intéressa assez peu au cas de la médecine sous le IIIe Reich et à la spécifité de la période nazie : « we (les trotzkystes) were hunted by two totalitarian systems of different color but same quality » (H. H. Walser, « Zum Hinschied von E.H. Ackerknecht », Gesnerus, 1988 (45): 309-10) ; O. Temkin, « In Memoriam: Erwin H. Ackerknecht (1906-1988) », Bulletin of the History of Medicine, 1989 (63): 273-75 ; P.F. Cranefield, « Erwin H. Ackerknecht 1906-1988. Some memories », Journal of the History of Medicine, 1990 (45): 145-49).

[50] Cit. par B. Laufs, 1990, « Vom Umgang… », p.239.

[51] Idem, p.241. Laufs signale que le Prof. Bauer trouvait en 1936 que la loi de stérilisation était insuffisante et devait être étendue aux porteurs sains de maladies génétiques récessives (p.240). Cf. également Pross, p.41 et note 30 pour Heidelberg (in Annas & Grodin (éd.) 1992).

[52] Proctor, 1988a, p. 311.

[53] Cf. R. Proctor, 1988a, p.311.

[54] I. Illich, 1977, Die Nemesis der Medizin . Rappelons que les années 1970 furent aussi l’époque de l’anti-psychiatrie. Par ex. H. Wollschläger déclara la guerre à la médecine. A ses yeux les crimes médicaux commis sous le NS ne sont que « le point sur le i d’une terreur permanente se déroulant sous nos yeux » (B. Laufs, 1990, p.234).

[55] Sur la définition et la critique méthodologique du « monocausalisme » en sociologie historique cf. notre article sur W. Sombart, in A. Jacob (éd.), Encyclopédie Philosophique Universelle, vol. 3, J.P. Mattei (éd.), Les Oeuvres Philosophiques, Paris, PUF, 1992, t.2, pp. 2845-2855.

[56] Ces liens sont reconnus, non seulement par les historiens allemands (par ex. Pross 1992, « Historiography and politics », pp.40ff.) mais aussi par les historiens anglo-saxons traitant de la médecine allemande. Cf. par ex. Kater, 1987 ; Weindling, 1991, « Medecine in Nazi Germany and its aftermath », pp.416-19. M. Kater et P. Weindling, par exemple, insistent surtout sur les motivations politiques (alors que nous y ajoutons deux autres facteurs, cf. notre conclusion) pour expliquer le renouveau d’intérêt pour ces questions en Allemagne de l’Ouest.

[57] Le séminaire de l’année 1991-1992 a été consacré à l’analyse de l’historiographie faite pendant la période 1945-1965.

[58] Par ex. : G. Baader, F. Kudlien, G. Mann, W.F. Kümmel. Par discrétion pour la vie privée de ces personnes, nous évitons volontairement une plus grande précision sauf en cas de déclaration publique, de source écrite, ou de décès. Ainsi le Prof. F. Kudlien, né en 1928, relate l’arrière-plan familial qui l’a conduit à s’intéresser à la question (in Baader & Schultz 1980, p.14). Dans le même ouvrage, le Prof. G. Baader (né en 1928 à Vienne) signale qu’il appartenait à une catégorie persécutée par le régime (idem, p.15). Le père du Prof. Mann (dédécé le 16 janvier 1992), un professeur du secondaire, s’était insurgé contre le régime nazi pour des motifs religieux, avait été arrêté quelques temps par la Gestapo, et avait transmis à son fils ses convictions éthiques (témoignage oral du Prof. Kümmel). Le père du Prof. Kümmel, un professeur de théologie ayant été nommé en 1932 à l’Université de Zurich, ne put revenir en Allemagne après 1933 en raison de ses origines familiales (H.A. Strauss & W. Röder (éd.), International Biographical Dictionary of Central European Emigrés 1933-1945, Munich-New York, K.G. Saur, 1983, vol.2, p.670).

[59] Il n’entre aucun jugement de valeur de notre part dans cette constatation qui est de notoriété publique dans les milieux médicaux allemands. Nous n’avons malheureusement pas de données statistiques à fournir pour soutenir notre propos (le livre de R. Jäckle, 1988, sur les médecins et la politique depuis 1930 n’en contient aucune), mais on peut signaler à titre indicatif que les 13 chambres régionales de médecins de RFA sont dominées depuis 1945 par des majorités de droite, à l’exception, depuis 1987, de la Chambre de Berlin-Ouest. A cet égard, on peut comparer la lettre envoyée par le SPD aux lettres envoyées par le CDU, le CSU et le FDP aux président de la Chambre Fédérale des Médecins allemands à l’occasion du 83e congrès de 1980 (in Deutsches Ärzteblatt, H. 22, pp. 1453-1454). Comparer aussi l’éditorial consacré au dirigeant du CSU (considéré en général comme à droite du CDU) Franz Josef Strauss par N. Jachertz (13 oct. 1988, p.1685) et l’accueuil qui lui fut fait au Congrès des médecins de Nuremberg en 1979 avec le compte-rendu très critique du Congrès du SPD (15 sept. 1988, pp. 1497-99).

[60] R. Jäckel (1988, p.146) cite le cas de Bochum où l’Association des Médecins jugea après la guerre que « d’un point de vue rigoureux » 65% des médecins ne pouvaient être « dénazifiés ». Etant donné les besoins médicaux de la population, seuls quelques médecins isolés furent touchés par la « dénazification ».

[61] Cf. M. Kater, « The Burden of the past », 1987, pp.33-34.

[62] Pross, 1992, 42. Selon le Kürschners Deutscher Gelehrten-Kalender 1987, le Dr. Heim est également Prof. extr. à la FU Berlin, Prof. Honoraire à la TU Berlin, médecin-chef du département de chirurgie et directeur médical de l’Hôpital Urbain Rudolf Virchow. If fut nommé docent en 1942 à l’Université de Berlin, à nouveau en 1949 à la FU, Prof. extr. en 1955, et Prof. hon. de la TU en 1961. En 1962, il obtint comme récompense la médaille Ernst von Bergmann et, en 1983, la médaille Paracelse des médecins. Président honoraire de l’Académie pour la Formation Médicale de Berlin depuis 1958, il est, entre autres, secrétaire général de la Fondation Kaiserin-Friedrich depuis 1973. Il fut président de la Chambre des Médecins de Berlin de 1974 à 1982. Le Dr. Heim s’inscrivit dans la SA le 3 mars 1933 et le 31 mars 1933 au NSDAP (n° 1771278) (Der Spiegel, n°3, 1988, p.80).

[63] M. Kater, 1989, p.2 ; B. Baumann, H.J. Bömelburg, D. Franz, T. Scheffczyk, Elemente einer anderen Universitätsgeschichte, Mainz, Arbeitskreis Universitätsgeschichte 1945-1965, 1991, pp.24-27 ; communication téléphonique avec le Prof. H.P. Schmiedebach et le Dr. Michael Hubensdorf ; Kürschners Deutscher Gelehrten-Kalender et Wer ist Wer ? . Ayant téléphoné à la Chambre des Médecins de Rhénanie (Mayence) pour nous enquérir (très diplomatiquement) s’ils étaient au courant de « tels problèmes politiques liés à la période nationale-socialiste », il nous fut répondu un peu moins courtoisement : « Das ist uns nicht bekannt ! » (« nous n’en savons rien ! »). Mêmes réponses, en plus aimables, à la BÄK (Chambre Fédérale) et au comité rédactorial de la Deutsches Ärzteblatt (= DÄB).

[64] Documentation fournie par le Dr. Michael Hubenstorf, dont : P. Eckel, « Ärztliche Berufs- und Rechtsfragen », Medizinische Klinik, 25 août 1933, 29, n°35, pp.1194-95 (où Eckel rend hommage au nouveau régime et fait l’éloge de la mise au pas) & « Bericht des 1. Vorsitzender Dr. Eckel » in Arzt, Hochschule, Krankenhaus, 15 juin 1933, n°6, pp.84-85. M. Hubenstorf, à l’aide d’annuaire des années 1930, démontre dans ce manuscrit (fax. du 10-2-1993) qu’il existe un « trou noir » dans les biographies postérieures à 1945 du Prof. Dr. Paul Eckel.

[65] Selon M. Kater (1989, p.4), il fut démis de ses fonctions pour une affaire de factures.

[66] D’après des entretiens oraux avec M. Hubensdorf et le Prof. Kümmel ; M. Kater, « The Burden … », p. 41 ; selon Der Spiegel, 1988, n°3, p.79, le Prof. Sewering était de plus membre de deux autres organisations nazies (« NS-Volkswohlfahrt » et « NS-Altherrenbund ») ; Kürschners Deutscher Gelehrten-Kalender 1987. En février 1993, le Dr. Sewering, ancien médecin-SS âgé de 77 ans, est toujours président de la Chambre des médecins de Bavière.

[67] « BÄK: Prof. Sewering Ziel einer Verleumdungsaktion », (signé BÄK),Deutsches Ärzteblatt, 29 janvier 1993, p.113. Ce premier article a heureusement été suivi, la semaine suivante, par un autre article plus informatif de N. Jachertz, rédacteur en chef de la revue : « Sewering – Ende einer Karriere. Weshalb der designierte Präsident des Weltärztebundes sein Amt nicht antritt und was 1943 in Schönbrunn passierte », Deutsches Ärzteblatt, 5 février 1993, pp.161-62. En ce qui concerne les « accusations jamais démontrées » voir la reproduction des documents fournie par Der Spiegel, 1978, n°21, p.84 ff. et 1993, n°4, pp. 195-96. Le Prof. Sewering nie avoir été au courant de ce que ce transfert allait conduire à l’euthanasie de la patiente. Une telle ignorance, en 1943, de la part d’un médecin SS travaillant pour un centre psychiatrique, semble étonante. Bien qu’il soit peut-être impossible de prouver sa responsabilité d’un point de vue juridique, on peut s’interroger sur sa bonne foi, du fait qu’il avait « omis », dans les versions auto-biographiques précédentes, de signaler la nature du corps SS auquel il avait appartenu en premier.

[68] Cf. M. Kater, « The Burden … », p.42 et Kürschners Deutscher Gelehrten-Kalender 1980 .

[69] La liste n’est probablement pas exhaustive et un chercheur patient pourrait un jour confronter les listes de présidents fournies par les annuaires de ces chambres aux fichiers du Berlin Document Center et nous révéler quelques surprises supplémentaires.

[70] Pour n’en citer que deux : le Prof. W. Catel, membre du NSDAP et responsable de l’euthanasie de 5000 enfants handicapés à Leipzig, ne fut jamais condamné et redevint professeur de pédiatrie et directeur de la clinique pédiatrique de l’Université de Kiel de 1954 à 1960 ; le Dr. A. Kiesselbach, assistant du Prof. Hirt qui fit périr une centaines de détenus dans l’expérimentation du gaz moutarde au camp de Natzweiler, devint professeur d’anatomie à l’Université de Düsseldorf en 1955 et même recteur de cette université de 1963 à 1964. Cf. M. Kater, 1987, pp. 45-52.

[71] In R. Jäckel, 1988, p.145.

[72] M. Kater, « The Burden … », p.32-33 & 40.

[73] V. Deneke, « Deutsche Wissenschaftler vor dem Militärgericht in Lyon », Ärztliche Mitteilungen, 1er juin 1954, vol.39, pp.362-64. L’article est signé seulement « dke » mais l’index des auteurs (p.4) indique que Volrad Deneke fut bien l’auteur de l’article.

[74] Chiffre confirmé par le travail de Wechsler sur la Faculté de Strasbourg, 1991, pp.216-17.

[75] Compétence scientifique confirmée par un article, non encore publié, de M. Hubenstorf (« “Aber es kommt mir doch so vor, als ob Sie dabei nichts verloren hätten“. Zum Exodus von Wissenschaftler aus den staatlichen Forschungsinstituten Berlins im Bereich des öffentlichen Gesundheitswesen », pp.61-64). Agé de 28 ans, Eugen Haagen fut nommé en 1926 directeur du laboratoire de recherche histologique du département bactériologique du Reichsgesundheitsamt (RGA), travailla à New York à plusieurs reprises, avant 1933, pour l’Institut Rockfeller dirigé par le Prix Nobel Max Theiler et revint en Allemagne en 1933 comme « un des virologues allemands les plus qualifiés ». Il publia en 1939 avec deux autres scientifiques le premier manuel de référence en virologie (Hubenstorf, art. cit., pp.61-63). Les qualificatifs de « pseudo-médical » utilisé par Wuttke-Groneberg (1980, p.322) et de « pseudo-expériences scientifiques », par Wechsler (1991, pp.220-21) pour ses expérimentations humaines dans les camps ne sont donc peut être pas justifiés.

[76] Selon Wechsler (1991, pp.220-21), le deuxième groupe de 40 fut immunisé mais par scarification au lieu de voie intramusculaire. Le nombre des décès se serait alors élevé à 29, et selon certains témoins, à 50. Wechsler rapporte également une deuxième série d’expériences sur 200 autres détenus; dont 50 ne furent pas vaccinés comme groupe témoin.

[77] Pross, 1992, 42 ; Kater, « The Burden … », p.40.

[78] Pross, 1992, 43.

[79] cf. Baader & Schultz 1980, p.7.

[80] Pross, 1992, 44 ; entretien avec M. Hubensdorf.

[81] N. Jachertz, « Vollzugsmeldung. Vor 50 Jahren : Gleichshaltung im Deutschen Ärzteblatt », H.26, pp. 19-21 ; « Die neuen Herren kamen über Nacht (II) », H. 27-28, pp. 23-26 ; « Die Schmutzarbeit beginnt (III) », H. 29, pp.12-16 ; « Die verhängnisvolle Sehnsucht nach der Reichsärzteordnung (IV) », H. 30-31, pp. 52-57.

[82] Cf. par ex. S. Ostrowski, « Vom Schicksal jüdischer Ärzte im Dritten Reich. Ein Augenzeugenbericht aus den Jahren 1933-1939 », in Bulletin des Leo Baeck Instituts, 6, 1963, pp.313-351.

[83] Position critiquée dans l’article de Hanauske-Abel, 1987, p. 45 (voir plus loin).

[84] E. Roemer, « 8. Mai 1945 », Deutsches Ärzteblatt, 82 (1985): 1381. Cf. R. Jäckle, 1991, pp.162-3.

[85] Communication orale de G. Lilienthal.

[86] H. Hanauske-Abel, « From Nazi Holocaust to Nuclear Holocaust – a lesson to learn » in Lancet, 1986. Version allemande : « Medizin als Politik. Vom Nazi-Holocaust zum nuklearen Holocaust – sind Lehren zu ziehen ? », Die Zeit, n°46, 6 nov. 1987, pp.45-46.

[87] U. Stock, « Zu diesem Text. Ärzte streiten über die Vergangenheit », Die Zeit, n°46, 6 nov. 1987, p.46 ; C. Pross, 1992, p.45 ; M. Kater, 1989, p.10. L’article (non signé) « Ärzte unter Hitler: “Mission verraten“ », Der Spiegel, n°3, 1988, pp.76-80, signale que le Dr. Hanauske-Abel fut rayé de la liste des membres de la Chambre régionale de Rhénanie-Hesse et perdit également au même moment, par une pure coïncidence, le droit de participer aux urgences médicale, soit un manque à gagner total de 60 000 DM.

[88] 1°) Le Dr. Vilmar dit : « Ternon et Helman déchargent d’ailleurs le gros des médecins du reproche qu’ils seraient aussi responsables de l’‘exclusion‘ de leurs collègues juifs » (p.778). Signalons que le Dr. Vilmar fait dire le contraire de ce qu’ils écrivent à Ternon et Helman car ceux-ci affirment : « on n’insistera pas trop sur ce point – le gouvernement fut aidé par le corps médical aryen qui participa à l’holocauste avec frénésie, stimulant les organismes officiels et orchestrant lui-même la curée » ; « … il eût fallu une protestation globale du corps médical. Non seulement elle n’eut pas lieu, mais la presse allemande témoigne du déchaînement de la haine et de la cupidité des médecins nazis. Les décrets libéraient les postes: ce fut la ruée » ; « les dirigeants médicaux se répandaient en articles haineux, accusant les médecins aryens de se laisser envahir par les Juifs sans réagir, réclamant l’aide du Parti, de la municipalité et de la police pour expulser les Juifs » ; etc. Le Dr. Vilmar a dû faire une lecture selective de la seule phrase : « peut-être n’y eut-il guère plus de 10% de fanatiques pour traquer 10% des médecins allemands que le hasard avait fait naître juifs ». Cependant les deux auteurs poursuivent à la ligne suivante : « Mais les autres, la majorité silencieuse, n’ont rien fait (…), ils n’ont pas dénoncé les calomnies (…), ils ont accepté l’exclusion (…), bénéficié des interdits qui les frappaient (…), vu grossir leur clientèle, augmenter leurs revenus. Faut-il mettre dans un panier différent les voleurs et les lâches, les fanatiques et les escrocs (…) ? » (cit. Ternon & Helman, 1973, Les médecins allemands et le NS, pp.70-71, 77, 83, 96). 2°) Signalons que la quasi-totalité des « eugénistes » occupant des postes universitaires ou de responsabilité administrative étaient docteurs en médecine.

[89] Interview mit Dr. Karsten Vilmar, « Die ‘Vergangenheitsbewältigung‘ darf nicht kollektiv die Ärzte diffamieren », Deutsches Ärzteblatt, 18, 30 avril 1987, pp.767-770 ; 776-779.

[90] Cf. résumé de la position du Dr. Vilmar dans Die Zeit, 30 juillet 1987, p.5.

[91] U. Stock, « Zu diesem Text ».

[92] « Die ‘Vergangenheitsbewältigung‘ darf nicht kollektiv die Ärzte diffamieren. Lesermeinungen zu dem Interview dem Pt. der BÄK, Dr. K. Vilmar in H. 18/1987 und ein Schlusswort », DÄB, 1er août 1987 (84) : 1307-12.

[93] J. Bleker, H.P. Schmiedebach, et al., « Sich der Wahrheit stellen. Medizinhistoriker kritisieren Dr. Vilmar », Die Zeit, n°46, 6 nov. 1987.

[94] M. Kater considère, en 1987, qu’en dehors de G. Baader, les historiens de la médecine académique sont plutôt à droite (M. Kater, 1987, p.55). Ceci est probablement juste comme image globale, en particulier pour ceux ayant rang de professeur, mais exagéré. Le Prof. Baader, qu’il cite, n’est pas le seul dans ce cas à l’institut de Berlin. Pour l’impact, cf. par exemple les articles qui y firent suite comme « Kollektiver Persilschein ? », Die Zeit, 11 déc. 1987, p.19.

[95] La même année 1986 se déroula à Francfort le dernier procès important contre des psychiatres responsables de l’euthanasie sous le national-socialisme. Deux des psychiatres (Dr. Ullrich et Dr. Bunke), pourtant reconnus coupables de l’euthanasie de, respectivement, 1815 et 4950 malades mentaux, furent acquités lors d’un premier procès en 1967. Le Tribunal Fédéral cassa le jugement trois ans plus tard. En 1971, une deuxième procédure fut ouverte contre un autre psychiatre, le Dr. Borm, responsable de l’euthanasie de 6652 malades mentaux, qui fut également acquité. Les Dr.Dr. Ullrich, Bunke et Endrweit se virent alors épargner une comparution grâce au soutien de nombreux collègues et même du maire de la ville de l’un d’eux, qui témoignèrent en leur faveur. Le verdict du second procès contre Ullrich et Bunke établissait une reponsabilité dans l’homicide volontaire de respectivement 4500 et 11 000 patients. Les deux psychiatres furent condamnés chacun à 4 ans de prison. Etant donné leur âge très avancé, ils ne durent pas effectuer leurs peines. Par contre, ils continuèrent d’exercer commes psychiatres jusquà leur retraite dans les années 1970-1980 (« Frankfurter Euthanasie-Prozess » in R. Jäckel, 1988, pp. 147-52.

[96] Il expliquait ainsi la création de la Chambre des Médecins du Reich en 1935 : « le rôle dévolu au corps médical de maintenir et améliorer la santé héréditaire et raciale du peuple allemand ne peut être rempli que par une société professionnelle organisée groupant l’ensemble des membres de cette profession » (cit. in Ternon & Helman, 1973, pp.58-59).

[97] Par ex. dans H. Schadewaldt, 75 Jahre Hartmannbund : Ein Kapitel deutscher Sozialpolitik, Bonn, Bad-Godesberg, 1975. Le Prof. Schadewaldt était, jusqu’il y a peu, directeur de l’Institut d’Histoire de la Médecine de l’Université de Cologne.

[98] Cité in R. Jäckel, 1991, pp.164-65.

[99] Cf. R. Jäckel, « Adressenänderung ohne Sinneswandel : Wie das ‘Deutsche Ärzteblatt‘ auf die Ehrung eines verfolgten jüdischen Kollegen reagiert », Süddeutsche Zeitung, Munich, 22 mai 1986, p.33 ; R. Jäckle 1988, pp.84-85 ; M. Kater, « The Burden … », pp.36-37.

[100] G. Mann, « Biologismus – Vorstufen und Elemente einer Medizin im Nationalsozialismus », 1988, 17: 726-31 ; G. Baader, « Rassenhygiene und Eugenik. Vorbedingungen für die Vernichtungsstrategien gegen sogennante ‘Minderwertige‘ im NS », 1988, 27: 1175-78 ; W.F. Kümmel, « Die ‘Auschaltung‘. Wie die Nationalsozialisten die jüdischen und die politisch missliebigen Ärzte aus dem Beruf verdrängten », 1988, 33: 1364-67 ; H.P. Kröner, « Die Emigration von Medizinern unter dem NS », 1988, 38: 1549-52 ; G. Lilienthal, « Medizin und Rassenpolitik – Der ‘Lebensborn e.V.‘ der SS », 1988, 44: 1844-49 ; P. Reeg, « ‘Deine Ehre ist die Leistung‘. Auslese und Ausmerze durch Arbeits- und Leistungs-Medizin im NS », 1988, 51-52: 2240-45 ; C. Rothmaler, « Zwangssterilisationen nach dem ‘Gesetz zur Verhütung erbkranken Nachwuchses‘ », 1989, 4: 113-16 ; R. Winau, « Die Freigabe der Vernichtung ‘lebensunwerten Lebens‘ – Euthanasie – Wandlung eines Begriffes », 1989, 7: 257-61 ; K. Dörner, « Anstaltalltag in der Psychiatrie und NS-Euthanasie », 1989, 10: 476-80 ; E. Seidler, « Alltag an der Peripherie. Die Medizinische Fakultät der Universität Freiburg im Winter 1932/33 », 1989, 9: 354-7 ; G. Baader, « Menschenversuche in Konzentrationslagern », 1989, 13: 577-81 ; M. Hubenstorf, « Von der ‘freien Arztwahl‘ zur Reichsärzteordnung. Ärztliche Standespolitik zwischen Liberalismus und Nationalsozialismus », 1989,14: 643-47 ; A. Haug, « ‘Neue Deutsche Heilkunde‘. Naturheilkunde und ‘Schulmedizin‘ im NS », 1989, 15: 669-74 ; C. Pross, « Die ‘Machtergreifung‘ am Krankenhaus », 1989, 16: 721-25 ; J. Bleker & H.P. Schmiedebach, « Medizin im NS – Weiterhin ein Thema für Ärzte ? », 1989, 17: 764-7 ; F. Kudlien, « Bilanz und Ausblick », 1989, 17: 766-68.

[101] Cf. document de 1949 contredisant l’article de G. Baader (30 mars 1989, p.579) et celui de 1935 contredisant la thèse de M. Hubenstorf (6 avril 1989, p.645). Le document de l’article de G. Baader souligne la volonté (en fait affichée mais non suivie d’effets) de l’organisation des médecins allemands de 1945-1949 de propager le rapport de Mietscherlich et Mielke. Dans le 2e cas, il s’agit d’un article de G. Wagner, le führer des médecins du Reich, attribuant au seul NS l’organisation centralisée et autoritaire du corps médical en 1935 alors que M. Hubenstorf démontre que cette ordonnance de 1935 ne fut que l’aboutissement d’une évolution interne de l’organisation médicale depuis Weimar. Ces illustrations furent choisies sans l’avis ni le consentement des auteurs et provoquèrent une protestation de leur part. Cf. G. Baader, « Falscher Eindruck » et M. Hubenstorf, « Kollagetechnik », 18 mai 1989, pp.922-24.

[102] Par ex. in G. Baader, 30 mars 1989, p.577.

[103] G. Mann rappelant la chape de silence ayant accueuilli le livre de Mitscherlich et Mielke en 1949, la rédaction affirme que c’est « justement » ce livre qui invalidait une « soit-disant » responsabilité générale du corps médical allemand.

[104] R. Jäckle, 1988,

[105] N. Jacherzt, 30 mars 1989, p.569.

[106] Par ex. 7 sept. 1989, p.1520 ; 12 avril 1990, p.728.

[107] 7 sept. 1989, p.1521.

[108] 9 mars 1989, p.468.

[109] 28 juillet 1988, p.1257-58 ; 3 nov. 1988, p.1833 ; cit. 10 nov. 1988, p.1893.

[110] 12 oct. 1989, p.1776. Il est intéressant de noter que ce fut le même Prof. Rein qui condamna en 1947 le livre de Mietscherlich et Mielke car il risquait d’être « dévoré avec délice en lecture de nuit » et d’alimenter les fantasmes des « pervers » et « décadents » (cit. in B. Laufs, 1990, p.236).

[111] 26 janv. 1989, p.104.

[112] 21 sept. 1989, p.1624.

[113] 6 oct. 1988, p.1634-36.

[114] 13 oct. 1988, p.1689.

[115] 8 déc. 1988, pp.2115-16.

[116] 2 fév. 1989, p.160.

[117] Cit. in R. Jäckel, in Fahrenbach & Thom (éd.), 1991, pp.166-67.

[118] M. Köhler, « Antisemitismus. Keinerlei von Zensur. Das ‘Deutsche Ärzteblatt‘ fühlt sich auch rechtsextremen Lesern verpflichtet », Die Zeit, n°19, 5 mai 1989, p. 83.

[119] 2 fév. 1989, p.160 et cit. in Die Zeit, n°19, 5 mai 1989, p. 83.

[120] N. Jachertz, 30 mars 1989, p.569.

[121] Die Zeit, n°19, 5 mai 1989.

[122] 13 avril 1989, p.658.

[123] Cit. R. Jäckel, 1991, p.168.

[124] C. Pross, 1992, p.45.

[125] DÄB, 86, 1989: 1617-23.

[126] C. Pross, 1992, pp.45-46.

[127] 18 mai 1989, p.922.

[128] Nous soulignons. 15 juin 1989, p.1125. Cit. égalt. in R. Jäckel, 1991, p.169.

[129] Le Spiegel n°21, 1978 publia l’ordre de transfert vers le centre d’euthanasie signé par le Dr. Sewering ; le n°3, 1988, p.79, donne les dates précises de son inscription au NSDAP (1 août 1934, n°1858805) et dans la SS (1er novembre 1933, n°143 000).

[130] Pour la présentation de ces 21 instituts, de leurs chercheurs, et de leurs domaines de recherche, voir : U. Tröhler, « Graduate education in the history of medicine : Federal Republic of Germany », Bulletin of the History of Medicine, 1989 (63): 435-43.

[131] H. Dreyer, 1971 ; Th. Fischer, 1973 ; H.L. Hirt, 1974 ; K. Kelting, 1974 ; V. Schallwig, 1974 ; H. Schwanz, 1973 ; W. F. Voss, 1973 ; K.P. Werle, 1974 ; G. Zapp, 1980 ; A. Zapp, 1979 ; P. Zunke, 1973.

[132] I. Mersmann, 1978 ; R. Ellesdorfer, 1977 ; F. Meyer, 1979 ; U. Singer, 1979.

[133] P.U. Unschuld, « Fifty years : the Institute for the History of Medicine at Munich », Bulletin of the History of Medicine, 1989, 63: 637-51. Le Prof. Unschuld ne cite pas nomément J.F. Lehmann mais évoque, plus discrètement, le « comité éditorial » du Münchener Medizinische Wochenschrift .

[134] G. Mann, « Rassenhygiene – Sozialdarwinismus », in G. Mann (éd.), Biologismus im 19. Jahrhundert, Stuttgart, F. Enke, pp. 73-93.

[135] R. Winau, 1988, p.432.

[136] Contre 364 (=86%) dans des revues médicales polonaises. W. Wuttke-Groneberg in G. Baader & U. Schultz 1980, p.113.

[137] Cf. par ex. la présentation des faits par l’ancien membre du NSDAP V. Deneke, « 1872-1972 : Einhundert Jahre Deutsches Ärzteblatt » in DÄB, 1972, pp. 2740, 2819-20, 2901-2, 2975-76, 3043-4, 3101-2, 3243-4, 3299-300, 3373-4, 3429-30. Deneke attribue aux seuls dirigeants nazis, « l’idéologisation du corps médical », l’exclusion des médecins juifs et l’imprégnation de la médecine par l’eugénisme (« Avec le début du IIIe Reich, (…) les opinions toutes faites et les demi-vérités des camarades du Parti NS en matière d’eugénisme et d’hygiène raciale commencèrent subrepticement à faire leur entrée, sous le manteau du sérieux scientifique, dans la presse médicale spécialisée et par conséquent aussi dans la presse du corps des médecins allemands », p.3100, etc. Rappelons que l’intégration de la Société Allemande d’Hygiène Raciale à la Société des Médecins et Naturalistes allemands date de 1913, que les éditeurs des deux plus grandes revues médicales – J.F. Lehmann et J. Schwalbe – en étaient membres à cette époque. Les revues médicales allemandes n’attendirent donc pas 1933 pour proclamer la nécessité d’une politique eugéniste). Toujours selon Deneke, la loi de stérilisation eugénique fut « imposée » à un corps médical récalcitrant. Il ne parle ni de l’euthanasie psychiatrique ni des expérimentations humaines pratiquées par des médecins.

 

[138] H. Schadewalt, 1975,75 Jahre Hartmannbund, Bonn-Bad-Godesberg, p.143 contre F. Läpple. Cit. in M. Kater, 1987, p.39.

[139] Sur le ralliement, cf. R. Proctor, 1988a, p.285 et 303-305.

[140] K.E. Rothschuh, « R.H. Koch (1882-1949) », Med. hist. J. , 1980 : 16-43 & 223-43.

[141] Témoignages oraux du Prof. Kümmel, du Dr. Dumont et du Dr. Lilienthal.

[142] Témoignage oral du Prof. Winau.

[143] G. Lilienthal, « Die Medizin im NS » in Symposion ‘Neue Ergebnisse der Medizingeschichte‘, Berlin, nov. 1980. Signalé in R. Winau, R. Toellner, G. Fichtner, « History of Medicine in three German Institutes », Clio Medica, 1980, 15: 254.

[144] L’ouvrage n’est pas encore paru au moment où cet article a été écrit. Signalons parmi les contributions : U. Deichmann, « La recherche en biologie dans les universités et dans les Instituts Kaiser Wilhelm, 1933-1960 » ; P. Weindling, « Soubassements idéologiques dans la lutte contre le typhus durant la 2e GM » ; A. Labisch, « “L’économie planifiée dans les hôpitaux‘ – des continuités et discontinuités dans le système hospitalier durant la première phase du régime NS » ; G. Lilienthal, « Science et assistance médico-sociale comme politique raciale : la germanisation des enfants de ‘peuples étrangers‘ » ; G. Grau, « Au service de l’hygiène raciale et de l’entretien de l’hérédité ». La recherche en sexologie durant le ‘IIIe Reich‘ » ; K.-D. Thomann, « “Les estropiés ne sont pas des inférieurs“. Les handicapés physiques sous le NS » ; S. Hahn, « Gérontologie et soins accordés aux personnes âgées sous le IIIe Reich » ; P. Schneck, « Contre la ‘haute trahison biologique‘ : gynécologie et hygiène raciale sous le NS » ; W.U. Eckart, « Continuité ou discontinuité ? Les relations germano-japonaises en médecine, 1933-1945 » ; A. Thom, « ‘Reconstruction à l’Est‘. L’activité des médecins allemands dans l’appareil administratif médical et les institutions de recherche de l’Est dans les territoires occupés de la Pologne et de l’URSS dans les années 1939 à 1945 » ; M. Hubenstorf, « Fin d’une tradition et continuation comme Province. Les facultés de médecine des universités de Berlin et Vienne, 1925-1950 » ; U. Benzenhöfer, « L’image de Paracelse sous le NS » ; N. Decker, « Politique médicale à l’égard des travailleurs obligatoires étrangers dans la région de Leipzig durant la 2e GM » ; J. Peter, « Le rapport de la Commission des médecins allemands sur le procès des médecins de Nuremberg » ; W. Schulz, « Organisation et application des soins dentaires par la Waffen-SS dans les camps de concentration pendant la période NS » ; H.-H. Otto & M. Laier, « Friedrich Mennecke, remarques psychoanalytiques sur une carrière médicale sous le NS » ; I. Kästner, « La recherche pharmacologique en Allemagne pendant la période 1933-1945 » ; F. Leimkugel, « Législation anti-sémite dans la pharmacie de 1933 à 1939 » ; R. Falter, « Influence de l’environement sur l’homme. Idéologie du sang et du sol ou psychologie environmentaliste ? » ; G. Trommer, « Liens entre la biologie NS et l’écologie » ; S. Zimmermann, « Points de contacts entre le camp de concentration de Buchenwald et la faculté de médecine de l’Université d’Iéna ».

[145] B. Laufs, 1990, p.242.

[146] Nous ne retenons pas dans cette recension : les publications assez nombreuses sur la ou les maladies, physiques ou mentales, d’Adolf Hitler, de ses ministres et de responsables SS, qui ne nous semblent pas relever, même indirectement, de notre sujet (= le rôle des sciences bio-médicales); les analyses psychologiques, psychopathologiques ou psychanalytiques du nazisme ; l’analyse médicale des conditions de santé des prisonniers des camps de concentration et d’extermination et des séquelles de leurs détention.

[147] M. Kater, 1989, pp.57 & 70.

[148] La dépolitisation de la jeunesse allemande et son « recentrage » sur des valeurs individuelles, bien que plus lente et plus tardive qu’en France, nous ont été attestés par tous les entretiens que nous avons pu mener (même les étudiants politisés se plaignent de la difficulté à mobiliser leurs camarades d’études). L’importance de la télévision et de la presse hebdomadaire dans la sensibilisation à l’égard du nazisme nous a été signalée par plusieurs personnes.

[149] Un médecin, visiblement assez conservateur (il se réfère au théoricien de la « Nouvelle Droite » allemande A. Mohler), se plaint d’avoir été victime de violence physique après la parution d’un article, dans la ville plutôt « radicale » de Francfort (DÄB, 14 sept. 1989, p.1570). L’historien du fascisme E. Nolte, professeur (maintenant émérité) à la FU Berlin, a vu son jardin mis à sac après que le philosophe francfortois Habermas l’ait accusé de « révisionisme » lors de la querelle des historiens.

[150] L’hebdomadaire Focus rapporte que 61% des Allemands sont contre les manipulations génétiques (1er fév. 1993, p. 85).

[151] P. Weindling, 1991, pp.416-19.

[152] Histoire de la Médecine – France, Rivista di Storia delle Scienze Mediche e Naturali – Italie, Scientia Veterum. Collona di Studî di Storia della Medicina – Italie, Acta Medicae Historiae Patavina – Italie, Cuadernos de Historia de la Medicina Espa^nola – Espagne, Dynamis. Acta Hispanica ad Medicinae Scientiarumque Historiam Illustrandam – Espagne, Janus. Revue Internationale de l’Histoire des Sciences, de la Médecine, de la Pharmacie et de la Technique – Hollande, Clio Medica. Acta Academiae Internationalis Historiae Medicinae – Hollande (l’index 1966-1984 de Clio comporte bien une entrée à « Nationalsozialismus » mais il s’agit d’une allusion à un colloque tenu en Allemagne), Gesnerus. Swiss Journal of the History of Medicine and Sciences – Suisse, Lychnos. °Arsbok för Idéhistoria och Vetenskapshistoria – Suède, Medical History – G.B., Social History of Medicine – G.B.

[153] On notera en passant, que la France ne brille pas par son niveau de dévelopement dans le domaine. L’histoire de la médecine y est très peu institutionalisée et ne possède plus de revue propre à l’heure actuelle. Les historiens de la médecine français sont obligés d’écrire dans des revues d’histoire des sciences généralistes ou des revues étrangères d’histoire de la médecine.

[154] Bloch, 1973 et Lachmann 1977.

[155] D’après la table des matières, nous n’avons relevé que deux articles très courts en 13 ans : Z. Wislicki, « The Day of Nazification of a Hospital in Berlin », 1977, 7, pp.350-54 (trad. angl.); A. Gasmann, « The Urban-Hospital Exodus in March, 1933 », 1977, 7, pp. 355-56 (en hébreux).

[156] P. Weindling sur la coopération soviéto-allemande en recherche raciale sous le national-socialisme (1986, 1: 2: 103-109).

[157] Pour une bibliographie partielle de ces articles, on peut se référer à l’annuaire Bibliography of the History of Medicine, édité par le US Department of Health and Human Sevices et la National Library of Medicine, aux rubriques « politique », « psychiatrie » et « statistique et démographie » et entrées « Allemagne ». Comme article typique paru dans la presse médicale occidentale, citons : E. Lachmann, « Physician, educator, anatomist and mass murderer », Journal Oklahoma State Medical Association, 71 (9), pp.354-7, sept. 1978.

[158] A cela, il faut ajouter une revue « régionale », les Würzburger medizinhistorische Mitteilungen (fondées en 1983) et la revue annuelle de l’Institut d’histoire de la médecine de la Fondation Bosch à Stuttgart : Jahrbuch des Instituts für Geschichte der Medizin der Robert Bosch Stiftung (vol.1-7 : 1984 – 1988) continué en Medizin, Gesellschaft und Geschichte (depuis vol.8 : 1989).

[159] M. M. Weber, 1991 & D. Blasius 1991.

[160] K.H. Hafner & R. Winau, 1974 ; G. Mann, « Biologie und Geschichte. Ansätze und Versuche zur biologischen Theorie der Geschichte im 19. und beginnenden 20. Jahrhundert », 1975, 10: 281-306 ; G. Lilienthal, « Rassenhygiene im Dritten Reich. Krise und Wende », 1979, 14: 114-134 ; F. Kudlien & C. Andree, 1980 ; G. Lilienthal, « “Rheinlandbastarde“, Rassenhygiene und das Problem der rassenideologischen Kontinuität », 1980, 15: 426-436 ; F. Kudlien, 1982 ; M.H. Kater 1983 ; K.M. Pearle 1984 ; G. Lilienthal, « Zum Anteil der Anthropologie an der NS-Rassenpolitik », 1984, 19: 148-160 ; F. Kudlien, 1984 ; D. Niederland 1985.

 

[161] Dieter Jetter (directeur de l’Institut d’Histoire de la Médecine de l’Université de Cologne), dans sa Geschichte der Medizin (Stuttgart, Thieme, 1992), réduit le XXe siècle à 2 pages sur 362 et n’aborde évidemment pas le problème. Par contre, Wolfgang Eckart (directeur de l’Institut de Hanovre), dans sa Geschichte der Medizin (Berlin, Springer, 1990) consacre 6 pages à l’eugénisme, l’euthanasie, les stérilisations et extermination de minorités par les médecins sur 308 pages.

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